Quelques mots du compagnon Henry Zegarrundo à trois ans du coup répressif en Bolivie

kunturi-quilla

Après trois ans de jours longs et obscurs, d’autres intenses et réconfortants à différents moments, en prison, en arrestation domiciliaire, ce réconfort est le début de nouvelles expériences qui aident à émerger, à ne pas étouffer dans le vomi du Pouvoir, des expériences qui font que les éclaboussures de la démocratie ne me transforment pas en un être docile de plus.

Dans l’après-midi du 29 mai 2012, en marchant dans la rue je suis intercepté pour « qu’on me pose quelques questions », des fous en civil sortis d’un échiquier duquel ils n’ont jamais cessé d’être les défenseurs du système établi dont ils clament et imposent la servitude, au nom de l’oppression et du devoir. Gardiens de la démocratie bourgeoise avec l’âme et l’esprit prisonniers de l’obéissance, l’immuabilité, la répression, au final ils ne seront rien de plus que des instruments de domination afin de perpétuer l’esclavage dans leurs âmes misérables. Je suis certain qu’il y a pire que ceux-là, certains prétendent confronter le Pouvoir, mais lorsqu’ils se trouvent entre ses mains, ils deviennent des idiots utiles, d’autre tiennent le rôle d’infiltrés, d’autres enfin ont commencé une chasse aux sorcières, essayant de trouver des « responsables » de ce qui s’est passé, ils ont persécuté, surveillé des maisons de proches de certains compagnons. Le coup répressif n’est pas seulement venu de la part du Pouvoir, il est aussi venu de la part de toutes ces pourritures converties en policiers ad honorem. Tous ceux-là se trouvent dorénavant de l’autre côté de la barricade. Après m’avoir intercepté ils essaient de « me faire parler ». Je ne me prête pas au jeu, je sais qu’il n’y a aucun moyen de se proclamer contre le Pouvoir et en même temps d’être l’un de ses laquais.

La lutte continue durant l’enfermement. La 9° marche pour le TIPNIS arrive à la Paz au mois de juillet 2012. Une bataille qui a du faire face aux multiples stratégies de l’État/Capital pour imposer sa mentalité extractiviste. La répression continue, mais on ne recule pas. La vie quotidienne devient une bataille pour la survie des désirs les plus intenses de destruction de cette saloperie qui s’appelle autorité. Chaque acte de désobéissance, chaque moment dans lequel se répondent les forces pour continuer, chaque acte solidaire est le souffle qui me connecte à l’offensive tandis que la guerre sociale continue.

Ils m’ont transféré de la prison sociale à cette autre, plus petite, plus surveillée, qui m’impose plus de choses, et qui est plus autoritaire, mais finalement ces deux prisons existent, si nous laissons cette existence se perpétuer, nous nous mettons nous-mêmes les fers. Qui que nous soyons dans l’une ou l’autre, nous pouvons choisir de nous soumettre ou de nous rebeller.

Dans l’enfermement tu as très peu d’armes pour continuer le chemin, mais les quelques unes que tu as doivent être bien utilisées : mutineries, grèves de la faim, communiqués, lettres, refus de collaborer, n’importe quelle participation sera toujours une preuve d’insoumission, de courage, de désir de ne pas tomber dans la normalité aliénante de la société. Dans des moments aussi compliqués, lorsque nous sommes enfermés comme n’importe quel animal capturé par l’homme civilisé, il ne nous reste plus que le choix entre être une pourriture ou un anarchiste. La conviction est un souffle d’air pur, l’échec est la soumission qui oblige à se résigner à la pollution. Je préfère choisir la première, il n’y a pas d’intermédiaire entre les deux, l’incertitude grisâtre mènera toujours à agir de façon opportuniste et en rien révolutionnaire.

Des moments qui sont interminables, les heures qui s’arrêtent et vont à l’encontre de ce désir de voir passer le temps rapidement. Puis la cage a changé, pour que je sorte en arrestation domiciliaire. Il y a plusieurs nuances dans la punition, ils te font croire que le système judiciaire est juste et complaisant, mais ça n’est que leur jeu, et au final je suis toujours otage. Les prisonniers continuent d’exister, le Capital continue de faire des ravages. Cette justice hystérique protectrice de la classe exploiteuse et aisée continue dans son long parcours sans destinée, mais avec l’objectif clair de punir ceux qui ne se soumettent pas, et des arguments nauséabonds leur servent d’appui, et tout ça se situe en dehors de mon monde.

Tout État est terroriste, parce qu’il utilise la répression afin de maintenir son état de droit, ses lois, ses normes, son éducation, ses religions. Et pour mettre en avant qu’il est omnipotent, ils nous considèrent comme l’ennemi public, parce que ce qui est normal c’est que les citoyens obéissent têtes baissées et fidèles à leurs normes. La terreur inspirée par le Pouvoir est estompée dans la peau des gens. Notre ennemi n’est pas le citoyen lambda, malgré son obéissance et sa servilité, l’ennemi c’est celui qui essaie de nous arracher la liberté d’exister sans sa présence. Sous toutes les ruines causées par la répression, c’est inévitable qu’ils étouffent le feu des nouvelles pousses qui germent en silence, c’est inévitable qu’ils en finissent avec la lutte pour la liberté absolue, c’est inévitable qu’ils nous acquittent de notre identité acrate.

Pour la destruction des cages humaines et animales.

Henry Z.A.

PS : salutations insoumises à tous ceux qui restent en guerre contre l’autorité et le Pouvoir à l’extérieur et à l’intérieur de la prison, et depuis la digne clandestinité. Une grosse bise à toi, compagnonne en cavale, où que tu sois j’espère que ces mots t’arriveront.

source

Chili : Quelques mots de Diego Rios suite à la fin de son procès

031011_ballonrouge

J’écris ces mots tout d’abord dans l’intention de remercier pour tous les actes, gestes solidaires que j’ai reçu, les plus anonymes, qui ont traversé le monde, pas seulement ces derniers temps, mais depuis presque 6 ans, au moment où a débuté ma situation de fugitif du Pouvoir/État/Justice, ainsi que l’agitation et la solidarité qui se sont déclenchées lorsque la police m’a arrêté en février de cette année.

Deuxièmement, je veux informer au sujet de ma sortie de la Section de Sécurité Maximale de la Prison de Haute Sécurité, après être resté là-bas près de 7 semaines, en prison préventive qui s’est terminée à la suite d’un procès abrégé, dans lequel on me condamne à 541 jours de liberté conditionnelle, c’est à dire, une signature mensuelle, pour le délit de détention de matériel explosif et d’éléments pour la fabrication de matériel explosif.

Le choix d’un procès abrégé, ainsi que le fait de ne pas m’être exprimé ni d’avoir fait de la propagande lors de mon emprisonnement et de mon procès, répond à une décision personnelle dans laquelle j’assume toutes les remises en question que cela implique, car dans la réalisation de celui-ci je devais faire une déclaration inculpatoire, c’est à dire que je devais assumer la responsabilité/perpétration du délit dont on m’accuse.

Aujourd’hui avec toutes les remises en question personnelles je continue d’affirmer mes choix de vie, chacune de mes décisions et les raisons qui m’y ont mené. Le choix d’un procès abrégé est une option encore moins discutable, et je l’ai  choisi car cela n’implique pas de repentir, et n’entraîne aucune forme de délation, ce que je considère comme des critères/valeurs minimes quand on fait face à la prison.

Je remercie encore pour le soutien, la solidarité et la complicité, mais nous savons que rien n’est terminé, et il reste encore beaucoup à faire. Un salut et une bise à tous ceux qui continuent sur leur propre chemin contre le Pouvoir.

Diego Rios.

source

Des suites de l’affaire du 18 septembre

Sotirios-Max-Ernst-Reve-dune-petite-fille-qui-voulut-entrer-au-carmel-1930

Prison préventive pour un autre compagnon

Enrique est resté près d’une semaine dans un flou juridique, grâce aux magouilles du parquet qui a décidé d’utiliser le délai que permet la loi antiterroriste, obtenant ainsi de le laisser une semaine en taule sans que personne ne sache sous quelles accusations ni dans quelle situation il se trouvait.

Grâce à la loi antiterroriste le parquet du tribunal Sud a accusé le compagnon de placement d’engin explosif, plus particulièrement contre le 1° commissariat et aussi contre le 39° commissariat à El Bosque. L’imagination fabuleuse du parquet accuse de nouveau une personne pour deux actes qui ont eu lieu de façon coordonnée, tout comme il y a quelques mois le parquet avait accusé Juan Flores pour les même faits.

La preuve supposé du parquet serait des mégots.

La seule chose claire et évidente c’est que le parquet souhaite prendre sa revanche et cherche à frapper l’entourage de Juan, Nataly et Guillermo, en condamnant et illégalisant les visites qu’Enrique rendait à Juan et Nataly.

En attendant, la prison préventive pour Juan et Nataly est maintenue.

Avec dignité, sans nier les liens entre personnes et en ne laissant pas l’État se mêler de nos complicités.

Beaucoup de tendresse pour les compagnons en prison !

————————————

Le 06 avril à 13:57, le compagnon Enrique Alfonso Guzman Amadeo, âgé de 25 ans, est arrêté par la police dans la maison de sa famille, à Puente Alto.

Cette arrestation est en lien avec l’affaire de Juan, Nataly et Guillermo, qui ont du faire face à la répression le 18 septembre. Ces enflures de la DIPOLCAR (service de renseignement de la police) et le parquet du tribunal Sud l’accusent d’avoir attaqué avec Juan Flores le 1° commissariat dans le centre de Santiago.

Enrique aurait été surveillé de près par la police ces 25 jours passés, afin de prendre des infos et trouver une raison pour l’arrêter. Il apparaît qu’Enrique a rendu visite à Juan et Nataly en prison. Ce qui une nouvelle fois met en avant le besoin de la part du Pouvoir d’illégaliser des relations et des liens entre compagnons et la tendresse non repentie.

Face à la presse Enrique s’est montré digne et fier, en insultant ces saloperies de journalistes qui le harcelaient.
Le 07 avril il est passé devant le tribunal pour son arrestation. Le parquet du tribunal Sud a obtenu que son arrestation soit prolongée, grâce à des magouilles juridiques, jusqu’au 13 avril, et l’on ne sait pas clairement de quoi il est accusé ni sous quelle législation. Le tribunal a ordonné qu’on lui fasse un prélèvement ADN, car la police aurait soit disant trouvé un mégot dans la maison de Nataly Casanova le 18 septembre, au moment de son arrestation, et ce mégot serait, selon la police, celui d’Enrique, et le même ADN serait présent dans les relevés pris sur le lieu de l’attaque explosive sur le 1° commissariat.

On ne sait pas où se trouve Enrique actuellement. Probablement à Santiago 1, ou dans la Section de Haute Sécurité du CAS.

Solidarité avec Juan, Nataly et Enrique qui sont en prison !

Publicación Refractario

Réponse de Carlos López à la Gauche Révolutionnaire Internationaliste

7a2321fe74af813f23f45a62ec0ad2a0

[Suite au texte d’Amélie et Fallon qui expliquait qu’elles ne voulaient pas être récupérées dans des événements de solidarité avec des gens et par des gens avec qui elles n’ont rien à voir, un groupe nommé la Gauche Révolutionnaire Internationaliste Buenaventura-Durruti a pondu une réponse totalement diffamatoire envers les deux compagnonnes. Ce texte n’est actuellement plus en ligne en français, mais nous avons quand même tenu à traduire la réponse de Carlos López].

3 mars,

À titre personnel je réponds à l’agression diffamatoire écrite qui a été faite contre mes compagnonnes d’affinité Fallon et Amélie.

Une chose qui caractérise l’internationalisme c’est la lutte contre l’idée de nation, ainsi que contre celle du pouvoir ou de l’autorité, en remettant en question la validité des frontières physiques et mentales que les gouvernements ont construits afin d’éviter l’entente fraternelle et libre entre les personnes nées à différents endroits géographiques.

Raison pour laquelle se permettre d’avancer que ces deux anarchistes sont venues dans cette région « pour vivre une expérience parmi les pauvres du tiers-monde après avoir abandonné leurs vies du Québec civilisé », me fait penser au mépris dont vous, gauchistes internationalistes, avez fait preuve envers des personnes étrangères qui ont décidé de mettre en pratique leur passion destructrice de l’État/Capital, qu’elles soient canadiennes, mexicaines, européennes ou de n’importe où.

Nous au moins nous ne cherchons pas la destruction partielle d’un seul État, car pris séparément ce ne sont que des tentacules du pouvoir mondial, ni d’unir les forces/capacités uniquement entre mexicains purs ou avec des révolutionnaires du tiers-monde. Nous voulons nous battre aux côtés de n’importe quelle personne libre, qu’elle soit née ici ou en Chine.

Mais, que pouvons-nous attendre de ceux qui crient sur tous les toits qu’ils appartiennent à « l’aile classiste du mouvement révolutionnaire mexicain », et accusent d’arrogance impérialiste et petite-bourgeoise celles qui font le choix de s’organiser à travers des affinités, ou de partager des moments de subversion avec ceux avec qui elles veulent ?
Bien entendu l’affinité n’est pas exclusive entre les libertaires/anarchistes, car elle peut se faire avec n’importe quel individu ou groupe qui s’identifie à la lutte pour la liberté totale, où plutôt que de chercher un « stade dans lequel personne ne sera plus emprisonné », l’on veut réduire en pièce toute construction carcérale physique ou mentale, avec tout ce que cela implique, ainsi que n’importe quelle institution autoritaire. Cela peut sembler utopique, mais je crois qu’il vaut mieux en finir avec la tiédeur des jolis mots et, loin d’idéaliser la réalisation de l’utopie, continuer avec la conflictualité permanente quotidienne du contexte social.

On ne conditionne pas la solidarité, car la solidarité se donne à travers des actes divers de soutien, et le fait de se positionner, ce qu’ont fait les compagnonnes, ne signifie pas conditionner la solidarité. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures.

Si Fallon et Amélie ont décidé de rompre avec toute éventualité d’être mélangées avec ceux qui se revendiquent comme prisonniers politiques, et si elles ne sont pas d’accord lorsqu’elles sont désignées comme tel, on ne peut que respecter leur décision. Les insulter comme vous l’avez fait juste pour ça, c’est infâme et lâche, saloperies de rouges !

Nous nous basons toujours sur nos réalités, et le fait d’avoir une défense dans le cadre du procès juridique est plus que nécessaire, car vouloir et essayer de détruire le système juridique est une chose, et que nous l’ayons déjà fait en est une autre.

Pour nous il ne s’agit pas de « profiter » d’une défense juridique, encore moins que ce soit notre « médiation » avec l’État, comme vous le dites dans votre texte. Nous savons que le jeu juridique doit se mener entre personnes politiques, et notre avocat se charge de cela. Ce dernier, bien sûr, n’est pas une médiation mais un compagnon de lutte anticarcérale, qui ne se consacre pas à sortir des prisonniers politiques, mais à la solidarité avec des prisonniers, sans s’attacher au fait qu’ils soient politiques ou anarchistes. La preuve est qu’il a pris notre affaire, que nous soyons anarchistes insurrectionnalistes ou informels, sans toucher un seul centime.

Juste à titre informatif, dans ce texte diffamatoire, il est mentionné que nous avons le même avocat que Jaqueline et Bryan, ce qui est faux. Mais même si c’était le cas, pour moi ça ne changerait en rien la situation. Ça ne fait que montrer que vous parlez sans rien savoir.

Vous tombez dans la posture historique d’attaquer ceux qui n’acceptent pas vos méthodes caduques/anachroniques d’intervention, basées sur le verbiage politique, en les accusant « d’actes téméraires et inutiles ». Vous parlez de « gauches tiers-mondistes », pour nous n’importe quelle gauche, de parti ou révolutionnaire, nous éloigne beaucoup de ses prétentions. Vous parlez d’actions collectives basées sur le quantitatif, et nous savons que souvent par ces actions l’individualité et son action créatrice sont niées. Vous parlez de lutte de classes et du triomphe de la classe ouvrière, tandis que beaucoup d’entre nous ne sommes ni ouvriers ni classistes et que si nous soutenons n’importe quelle action libératrice c’est avec le regard fixé sur la liberté de la personne dans sa totalité, qu’elle soit ouvrière, paysanne, autonome ou comme elle voudra se désigner. C’est pour ça que nous préférons utiliser les termes de la guerre sociale, ce qui inclut plus de secteurs que juste la lutte ouvrière et de classes.

D’aucune manière je ne crois, au moins pour ce que vous dites, que l’insurrectionnalisme est condamné à l’échec, et en réalité nous ne sommes en compétition avec personne pour voir qui est plus révolutionnaire ou plus efficace dans la lutte contre le Capital. Mais la critique des méthodes choisies est nécessaire, tant sur la forme que sur le contenu, mais … je crois que ce que vous avez écrit n’a pas pour objectif d’échanger des idées, puisque vous ne vous êtes attaché qu’à insulter mes compagnonnes, et sachez que puisque vous insultez, nous savons aussi mordre.

La solidarité c’est la solidarité à travers sa diversité des formes, et sachez que moi je ne veux rien de gens comme vous.

Carlos López “Chivo”

Abajo los muros-CNA México

Lettre de Francisco Solar depuis la prison de Villabona

afiche-monicayfranciscoCela fait un an que la police a débarqué dans notre appartement au cri de : »vous avez quelque chose de chaud ?! ». Ça m’avait surpris et en même temps ça m’avait fait rire. Ensuite on s’est rendu compte qu’ils voulaient savoir si on avait placé des engins explosifs comme piège, ce qui nous a fait encore plus rire.

Cela fait un an qu’ils m’ont séparé de ma compagne par des centaines de kilomètres, et depuis seulement quelques mois je peux écouter sa voix, 5 minutes tous les 15 jours.

Un an enfermé en isolement dans 3 prisons différentes du royaume espagnol. Des prisons qui basent leur politique pénitentiaire sur la psychiatrie, médicalisant les prisonniers dans le but de les étouffer. Établissant un contrôle absolu sur les communications et le contact avec l’extérieur. Dans ces prisons du premier monde on favorise la relation impersonnelle avec l’extérieur, tout ce qui est contact physique est complètement restreint, à la différence de mon expérience dans les prisons chiliennes. La possibilité d’être avec les tiens est impensable dans des endroits pareils.

Cela fait un an que la solidarité s’est fait sentir à chaque minute, spécialement de la part des anarchistes de Barcelone, qui avec leur volonté et initiative ont détruit la dispersion et l’isolement. Ils ont prouvé que la solidarité n’est pas un mot vide, que c’est un contenu inséparable de toute notre pratique et lutte pour la libération totale. Et avec ça une fois de plus le pouvoir est ridiculisé. Il ne comprend pas le moins du monde de quoi se nourrissent nos relations. Les difficultés qu’ils nous posent nous rendent plus forts, face aux adversités nous nous connaissons mieux et lorsque nous apprenons à nous connaître mieux nous rions de ce qu’on avait cru insurmontable. Si nous avons décidé d’affronter l’État c’est parce que ça fait très longtemps que nous avons décidé d’arrêter de vivre à genoux.

Francisco Solar

Centre Pénitentiaire de Villabona, le 13 Novembre 2014

Pour écrire aux compas :

Mónica Caballero Sepúlveda
Centro Penitenciario Ávila
Ctra. de Vicolozano-Brieva, s/n
05194 Brieva
Ávila (España)

Francisco Solar Domínguez
Centro Penitenciario Villabona
Finca Tabladiello
33480 Villabona-Llanera
Asturias (España)

source

Situation de la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara

Swallow, Hirundo rustica

Santiago (Villa Francia), le 25 novembre 2014

C’est au 4eme tribunal Oral pénal, et à une date pas encore fixée, que commencera le procès contre la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara, prisonnière depuis presque un an dans la prison/centre d’extermination de San Miguel, sous les charges de tentative d’homicide qualifié et vol simple.

Cela a été décidé suite à l’audience de préparation du procès oral qui a eu lieu le 24 novembre à Santiago, à l’occasion duquel l’accusation et la défense de notre compagnonne ont présenté les examens d’experts, documents et preuves matérielles qui feront partie du procès.

Concrètement, à la demande de la défense de Tamara Sol, à charge des avocats Margarita López et Nelson Miranda, le tribunal a exclu presque une dizaine de témoins (sur un total de 28) présentés par le parquet, dans leur majorité des sbires de l’OS-9 [1] et des fonctionnaires de la succursale bancaire, dont certains n’ont pas été témoins direct des faits reprochés à la compagnonne.

Aussi, le tribunal a accepté la demande d’exclure d’autres éléments de preuves, des examens d’experts et matériels présentés par le procureur et par le représentant de la Banque Estado, plaignant dans l’affaire. Et même si cela rend la défense optimiste, il faut quand même garder ses précautions.

Soutien inconditionnel

L’audience de préparation du procès réalisée ce lundi a été marquée par une présence nombreuse de compagnon-ne-s qui dès le début ont exprimé leur solidarité et soutien à Tamara Sol et à sa famille. Cette fois ça n’a pas été différent. Beaucoup de ceux/celles qui se sont rendus jusqu’au mal nommé Centre de Justice, ont laissé de côté leurs activités pour être présents, soutenant la compagnonne dans ce moment décisif.
Comme preuve de cette inconditionnalité, ils sont resté-e-s à l’extérieur de la salle où avait lieu l’audience, malgré la restriction capricieuse d’accès ordonné par le juge, qui n’a permis qu’à cinq personnes de rentrer.
Malgré cela notre chère Tamara Sol a pu sentir leur présence à l’extérieur. Sur son joli visage et son sourire nous avons pu ressentir son énergie et la force avec laquelle elle a supporté ces mois d’enfermement, avec la dignité qui la caractérise.
Maintenant l’étape décisive arrive. Dans les prochains jours la date de début du procès oral devrait être fixée, ainsi que les noms des trois juges qui intégreront le tribunal.

Nous appelons donc à continuer à se solidariser activement, jusqu’à obtenir la liberté de Tamara Sol et de tous/toutes nos compagnon-ne-s prisonnier-e-s de l’État et de ses prisons.

Liberté pour Tamara Sol !
Liberté pour tous les prisonniers libertaires, subversifs et anticapitalistes !

 

Publicación Refractario


Notes :
[1] l’OS-9 est l’unité de carabiniers spécialisée dans la lutte contre les organisations criminelles.

Lettre d’Amelie et Fallon

amaf1Des nouvelles fraîches.

Aujourd’hui ça fait plus de 10 mois que nous sommes en taule. Au cours des dernières semaines les deux sentences, fédérale et locale, ont été rendues. Le premier novembre le juge Manuel Muñoz Bastida, du huitième tribunal du Reclusorio Sud, a prononcé la sentence de 7 ans et demi de prison sous l’accusation “d’incendie de bâtiment public avec des personnes à l’intérieur”, ça c’est pour les dommages qu’il y a eu sur le “Secrétariat des Communications et des Transports du Mexique”. Les “gens à l’intérieur” ce sont les deux porcs fédéraux en charge de la sécurité du lieu. Ensuite, le 7 novembre, nous avons reçu la seconde sentence sous les accusations de la juridiction locale qui sont “atteinte à la propriété privée aggravé en bande” et “atteinte à la paix publique”. Ces accusations font référence à l’attaque contre le concessionnaire Nissan. Puisque nous avons été arrêté-e-s à l’angle du Secrétariat des Communications et des Transports et du lieu où nous avons brûlé les voitures. La juge Margarita Bastida Negrete du tribunal de la juridiction locale #18 du Reclusorio Orient a prononcé une sentence de deux ans et sept mois de prison, joignant les deux délits, et de cette façon les atteintes à la propriété privée deviennent des réparations de dommages et on reste avec le délit d’atteinte à la paix publique et la réparation des dommages qui s’élève à 108 000 pesos. Selon la loi, pour toutes les sentences de moins de 5 ans pour les primo-délinquants il y a droit à des aménagements. Dans notre cas, si nous payons l’amende de 43 000 pesos on sera immédiatement libéré-e-s ou bien nous pourrons sortir en payant 10 000 pesos de caution chacun et en pointant chaque mois au tribunal pendant les 2 ans et 7 mois.

Nous sommes en appel dans les deux procès parce que le parquet a fait appel pour la sentence de la juridiction locale et nous avons fait appel pour la sentence fédérale. D’ici 5 mois la justice rendra sa décision. En fait c’est la sentence fédérale qui nous retient en prison. Pour pouvoir sortir, la sentence fédérale doit être inférieure à 5 ans. Ainsi dans les prochains mois nous verrons s’il y a une possibilité de sortir de cet endroit.

On a été informées de la parution d’un article de Philippe Teisceira-Lessard dans le journal québécois “la Presse”, l’un des journaux les plus lus au Québec. Nous sommes énervées par la parution de cet article qui parle de notre affaire, qui cite en partie nos lettres publiques, et aussi que notre avocat a parlé avec le journaliste. Jamais nous n’avons demandé à un média de masse de parler de l’affaire, et nous n’autorisons pas notre avocat à communiquer des informations sur nous à des journalistes. Si nous avons quelque chose à dire nous préférons le faire nous-même. Les médias sont des ennemis au même titre que la police, les outils les plus puissants de contrôle social qui puissent exister jusqu’à maintenant. Ceci étant dit, que ce salopard de Philippe Lessard arrête de harceler nos familles et qu’il se mette bien dans la tête que nous n’avons pas besoin de ses articles pour parler de notre situation.

Ainsi on a toujours cette force dans le cœur, emmerdant la justice et l’État. Nous n’attendons rien de la justice même si nous avons très envie de sortir dans la rue. Force et courage à notre complice Carlos Lopez Marin (au Reclusorio Orient), au compa Luis-Fernando (Reclusorio Sud), à Fernando et Abraham (Reclusorio Nord). Un coucou aussi à Mario Gonzales, qui est aujourd’hui dans la rue et une grosse bise à Felicity, Tripa et à la sorcière.

Feu à la civilisation, guerre à la société.
Jusqu’à la liberté et même au delà !

source

Lettre de Carlos López “Chivo”

Feu-d-Artifice-002Je débute cette lettre en saluant sincèrement tous/toutes les compagnon·ne·s à l’extérieur de ces murs, en espérant que leurs cœurs battent à l’unisson au rythme de la rébellion et que cela se reflète dans leurs actions quotidiennes.

La semaine dernière j’ai reçu avec beaucoup de plaisir un petit, mais important, geste que les compagnon·ne·s m’ont fait parvenir, en me prévenant auparavant. Au milieu de la monotonie et l’ennui de la vie quotidienne de l’enfermement on attend que « quelque chose » se passe en dehors de l’ordinaire, c’est pour ça que plus ou moins à l’heure dite j’ai fixé le ciel et un salut en forme de feux d’artifice est arrivé. À chaque feux d’artifice qui explosait je pouvais sentir leurs salutations et tendresses. C’était impossible de les voir physiquement, mais je les sentais proche de moi, et j’ai pu me sentir en complicité avec leur solidarité-action, et j’ai même pu imaginer leurs visages souriants et espiègles, se moquant de possibles risques. C’est clair que lorsqu’un-e compagnon·ne est séquestré·e par l’État, la lutte s’étend des deux côtés, intérieurs et extérieurs, des murs. Et de chaque côté chacun·e avec ses moyens se débrouille pour faire des attaques qui peuvent rendre cette lutte plus fonctionnelle (parler d’attaque ne signifie pas pour moi seulement détruire quelque chose de matériel, mais c’est aussi la désobéissance iconoclaste de ce qui est imposé à l’intérieur d’un système).

Ainsi c’est clair que lorsqu’il y a une arrestation ça n’est pas seulement le/la prisonnier·e qui est affecté·e, car selon la dureté du coup reçu, cela peut s’étendre à d’autres compagnon·ne·s qui peuvent vivre la même situation, voir plus dure que le prisonnier·e même.

Donc, alors que je voyais et écoutais les feux d’artifice exploser, je pensais que je voulais partager le bonheur que je ressentais avec d’autres compagnon·ne·s, particulièrement Bruja, Tripa, le Skin, Benja et Justine qui d’une façon ou d’une autre passent un mauvais moment pour avoir été relié·e·s avec le Caso 5E (NdT : le 5 janvier, le jour de son arrestation), affaire dans laquelle Amélie, Fallon et moi sommes accusé·e·s. Profitant de cette lettre je les embrasse à tous les cinq, et à tous/toutes celles/ceux qui au cours de l’enquête ont du supporter les perquisitions et les harcèlements. Pour vous toute ma solidarité, et je redis qu’ici on ne vous oublie pas et on pense toujours à vous ! Vous n’êtes pas seul·e·s, nous ne sommes pas seul·e·s !

En ce qui concerne l’organisation j’ai peu de choses à dire …

En tant que révolutionnaires nous avons besoin d’être toujours en conflit partout où la domination cherche à fixer sa présence dégoûtante, par seulement en prison, mais dans tous les endroits où il y a des rapports de pouvoir et d’autoritarisme. Pour ça y a pas besoin d’être une masse brûlant d’envie de changement. Je crois qu’avec des petits groupes organisés on peut voir des résultats satisfaisants, mais … Que se passe-t-il lorsqu’au lieu de se battre pour être véritablement gênants pour l’ennemi on se plonge dans des querelles personnelles, des polémiques pas constructives et des trahisons entre révolutionnaires ? Le résultat est évident, la division, pas seulement entre groupes, mais entre compagnon·ne·s en affinité, la rupture de projets, la non solidarité des uns pour les autres, on fait sortir le « juge » que certain·e·s ont en eux et on commence à chercher des coupables au sein du mouvement, confusion, etc. Ça contribue évidement à aider l’État à affaiblir quelque chose qui était en train de se développer.

Bien sûr personne ne cherche à être un petit ange et  ne pas faire d’histoires entre compagnon·ne·s, car il y en aura toujours, mais je considère qu’il faut faire ça quand c’est le moment, et s’il le faut ne plus voir la personne et c’est tout, mais pas le faire quand on est dans le pétrin et réduire en poussière les efforts des autres.

Il n’y a pas, comme je l’ai dit avant, de recette magique pour résoudre des problèmes, cependant je pense que la première phase de l’attaque c’est la conscience immédiate.

Parfois je suis assailli par une question, peut-être bête, mais qui me semble logique : pourquoi, si on se dit si contestataires et qu’on ne se tait pas face aux injustices, pourquoi est-ce qu’on le fait entre compagnon·ne·s ? Que ça reste dans la conscience de chacun, mais face à des situations de cette magnitude il y a beaucoup de choses à faire, la restructuration est toujours possible et les projets vont de nouveau de l’avant.

C’est pour ça que je parie toujours sur l’informalité comme organisation concrètement anarchiste, et c’est à travers les tensions, les débats et les approfondissements ( du personnel et des problématiques sociales) que nous nous identifions avec nos affinités, c’est à dire, avec les personnes avec qui nous obtiendrons la connaissance mutuelle et probablement avec qui nous réaliserons certains projets. Ça me semble très compliqué de faire des choses avec des personnes avec qui on n’a pas d’affinité. Une amie m’a demandé une fois comment on mesure l’affinité. Je lui ai répondu que plus on se connaît mutuellement, plus on se fait confiance, et plus on fait d’actions ensemble, et ainsi plus on a d’affinité.

J’en profite aussi pour envoyer un salut fraternel au groupe de Mexicali, pour le soutien reçu. Allez les gars/meufs !

C’est tout pour le moment, en espérant être en contact avec plusieurs d’entre vous (je souhaiterais que ce soit avec tous mais c’est pas possible) et j’envoie des bises à tous/toutes.

Guerre sociale pour toujours !
Vivons l’Anarchie !

Carlos López “Chivo”
1er juillet

Source

Pour plus d’infos sur cette affaire  :

Non Fides
Brèves du désordre
Le chat noir émeutier
Sabotage Média

La prison et son autre monde

libres

Introduction

C’est la galère
un prisonnier du COC.

On dit qu’un bon texte commence toujours par une bonne citation, et quoi de mieux que celle qui est au-dessus pour dire tout ce qu’il y a à dire sur la taule, la cabane, le gnouf : la prison.
Crainte par certains, et pourtant aimée par d’autres ; par ça je ne fais pas référence à la division entre inclus, auto-exclus et exclus, mais à la société elle-même. La société qui parfois aime sa prison, la nourrit : la prison de la vie. Mais dans ce cas lorsque je parle de prison je veux évoquer plus précisément la prison comme élément de coercition et son utilisation comme centre d’extermination dans la société du capital. On pourrait dire sans crainte d’être contredit que personne n’aime la prison ; mais presque toujours la réalité contredit cet argument, et nous montre la brutalité de cette vie. Et comme dans la société, dans cet autre sous-monde l’élément coercitif a fait que de nombreux prisonniers préfèrent vivre en prison plutôt que dans la rue, à un tel point que lorsqu’ils sortent et voient leurs familles, ils commettent à nouveau des délits dans l’intention de retourner en prison. Ils n’imaginent pas la vie dehors, la société est beaucoup trop agressive pour eux. La prison c’est leur monde, et ils ont appris à y vivre avec plus ou moins de risque.

Ainsi, ce texte ne va pas approfondir sur une analyse politique et philosophique de l’existence de la prison, nous allons à peine l’évoquer. Ça sera plus une description de la vie et de l’organisation coercitive carcérale, construisant les bases pour un débat et une analyse dans laquelle se croisent les idées depuis l’anarchie et les expériences de vie dans la prison.
Il faut prendre ce texte comme un complément de celui que j’ai écrit lorsque j’étais encore en prison et qui s’intitule : Centre d’observation, classification et humiliation ; et dont j’espère qu’il sera bientôt publié. D’autre part, ce texte n’a pas pour but de faire peur, ni d’amener les compagnon·ne·s à prendre des positions plus tièdes dans la lutte de peur de la répression. Et de même je n’essaie pas d’être ni de créer des spécialistes anti-carcéraux ; mais plutôt de contribuer à cette lutte partielle contre les prisons que mènent beaucoup de compagnon·ne·s anarchistes. Ce qui n’a rien à voir avec le fait de demander des améliorations dans le système carcéral ou d’implorer les organisations caritatives d’essayer de faciliter la vie des prisonnier·e·s. Mon objectif est de provoquer le débat et la réflexion sur la base de la description d’une réalité presque cachée, mais qui sévît au quotidien, et qui est nécessairement accompagnée d’analyses politico-philosophiques depuis l’anarchie.

La prison et son autre monde

Il est souvent difficile d’expliquer depuis l’intérieur de la prison comment c’est la vie en prison. Presque personne n’ose le faire. D’une part parce que personne ne veut que sa famille souffre de connaître la brutalité de cette vie. Et d’autre part ce silence se doit à la peur, pas tellement de représailles de la part de ceux qui gèrent le système carcéral, mais la peur de représailles de la part des matons. Et pas toujours de la main de ces derniers, mais de prisonniers laquais des matons.

Lorsque j’étais dans le COC (Centre d’Observation et de Classification) dans le Reclusorio Sur, une nouvelle a choqué les prisonniers. Je me souviens qu’on regardait la télé (qui coûte 150 pesos la semaine), lors qu’est sortie la nouvelle que des prisonniers du Reclusorio Oriente, qui est actuellement le plus violent des trois qui sont dans le district fédéral, avaient filmé avec un portable les matons en train de réaliser leurs rackets quotidiens. La vidéo les montraient se faire payer pour la gamelle et pour recevoir la visite familiale. La nouvelle que les matons et le directeur de la prison avaient été virés avaient plu aux prisonniers qui sentaient qu’au moins il y avait un peu de justice. Je dois dire qu’à moi aussi ça m’a fait sourire ; pas pour l’action du gouvernement contre les matons, mais pour la volonté des prisonniers de briser la glace.

Peu de temps après ils ont transféré dans le Reclusorio Sur l’un des prisonniers qui avait piégé les matons. Il était sous protection, avec deux gardes toujours devant sa cellule, toujours à côté de lui à l’heure de la visite et personne ne pouvait s’en approcher. J’ai donc essayé, au moyen d’une technique de taulard, de lui passer quelques brochures sur la prison et l’anarchie, mais ça s’est avéré impossible. Au fil des jours l’attitude de nombreux prisonniers m’a énervé : celle de toujours le traiter de « cafteur ». Utilisant ce qu’ils avaient appris auprès de leurs camarades matons. Ils le traitaient de cafteur pour avoir filmé les matons en train de racketter les prisonniers et pour avoir témoigné au sujet des rackets. D’autres le traitaient de dégonflé, ce qui revient au même. Cette attitude dégradante fait partie du comportement qui existe entre prisonniers lorsqu’un prisonnier va se plaindre aux matons de ce qu’un autre prisonnier lui a fait, mais les matons la retournent en leur faveur pour se protéger et montrer que celui qui dénonce leurs abus est un cafteur, même si les matons sont des connards. On a beaucoup parlé du cas du prisonnier qui a filmé la vidéo. D’un côté le gouvernement même qui a orchestré tout un show pour se dédouaner et virer le directeur en charge, et certains ont même raconté que c’était par vengeance qu’ils avaient fait ça, parce que la femme d’un des prisonniers était partie avec un maton, etc. Les motifs ne manquent pas, mais ce qui m’a surpris surtout c’est lorsque j’ai compris pourquoi le prisonnier était sous une surveillance stricte. Et cette raison n’est rien d’autre qu’en prévention d’attaques par les prisonniers eux-même. C’est vraiment moche, mais c’est comme ça. Lorsqu’un maton a un problème de cette envergure ce ne sont pas les matons qui vont maltraiter le prisonnier en question, mais les autres prisonniers. Ils lui pourrissent la vie, et parfois ils le tuent. Bien évidement payés par les matons. Mais ce ne sont pas tous les prisonniers qui font ça, mais les êtres qui n’ont plus aucune sortie. Ceux qui doivent accomplir des longues peines, ou bien les drogués au crack ou autres drogues qu’ils font tourner pour quelques 50 ou 100 pesos. Ainsi c’est en partie par peur de ce genre de représailles que de nombreux prisonniers refusent de témoigner sur les abus d’autorité [1] de la part des matons, psychologues, criminologues ou des médecins du service hospitalier. C’est aussi par peur de se faire remarquer, vu que la vie en prison leur serait encore plus difficile face à cette image du prisonnier qui supporte tout d’une manière soumise et ne se rebelle pas, ou comme eux le disent : ne se dégonfle pas.

En prison il y a de nombreux prisonniers qui montent leur petit business et se donnent un rythme de vie à l’intérieur de la prison. En vendant des fruits et légumes, de la bouffe, du cannabis, de l’eau chaude, etc. Une façon plus digne de survivre. Tandis que d’autres simplement par intérêt et par peur de la vie en prison préfèrent travailler avec les matons. Certains percevant les rackets quotidiens, comme les fouilles, et d’autres comme crevards obéissants ou dégonflés (ici je suis d’accord pour utiliser ce terme, pour désigner les crevards de balance) informant les matons lors d’un conflit entre prisonniers, et même, et surtout, de plans de fuite ou de mutinerie. Le système carcéral et sa société ont besoin de forger leurs armes pour survivre et, tout comme à l’extérieur, il y a des résignés et des balances. À l’intérieur c’est clair, d’une part le système profite de la pression exercée sur les prisonniers eux-même pour utiliser ces sources d’information, mais je crois aussi, et je l’ai toujours cru, que peu importe les conditions, chacun a un degré de responsabilité sur ses actes, et donc s’il y a des prisonniers qui copinent avec les matons, même si c’est de façon hypocrite, il y en a aussi qui les détestent, qui s’opposent à eux, et qui préfèrent vivre en mendiant ou en faisant leur petit business plutôt que de se mettre à leur service. Mais malheureusement ils sont rares car la majorité agit selon les circonstances [2]. En plus de ce genre de prisonniers qui montent leur petit business plus ou moins digne pour pouvoir survivre, il y a les riches (la division de classe entre les prisonniers se voit beaucoup plus), les chefs de la mafia, les prisonniers d’autres pays, ceux de familles friquées; ce sont les prisonniers qui contrôlent tout ou une partie du business dans la prison. Des personnes, parfois méprisables, qui arrivent même à faire vivre leur famille à l’extérieur avec l’argent perçu de la vente de drogue dans la prison même [3], ou de racket d’autres prisonniers et de familles d’autres prisonniers. Le texte À couteaux tirés avec l’existant dit ceci : « Rien ne ressemble plus à un représentant de la bourgeoisie qu’un représentant du prolétariat […] Ce qui les rendaient semblables était le fait d’être, justement, des représentants. « .

Et là j’en viens à autre chose. Personne ne peut éviter le racket. Il y a mille façons de se faire racketter. Une femme qui travaillait dans la prison comme technicienne carcérale me disait : les prisonniers sont bien habiles. L’une des façons de racketter c’est à travers la drogue. Devenir accro à une drogue en prison c’est le pire qu’il soit. Les choses les pires que j’ai vu et entendu dans cette courte période c’était à cause des dépendances aux drogues : au crack principalement. Dans de nombreux cas les prisonniers en sont arrivés à vendre ou offrir leur sœurs, copines et jusqu’à leur mère en échange de drogues ou en garantie pour qu’on ne les tue pas. Dans d’autres ils sont obligés de les proposer au chef de la mafia. Une véritable dégradation sociale et spirituel. Le thème des chefs de la prison est un problème parmi d’autres qui est important et qui mérite de s’attarder dessus. Le système pénitentiaire crée aussi ses armes, comme il est dit dans le paragraphe précédent, et sait comme faire en sorte que des prisonniers s’opposent à d’autres pour ainsi perpétuer le contrôle et être tranquille : d’une part c’est à travers leurs organisations caritatives et les petits changements. Détournant ainsi l’attention de ce qui pourrait être à un moment donné le problème immédiat pour beaucoup de prisonniers plus conscients : l’existence de la prison même. Parce que généralement ce sont toujours les prisonniers puissants, chefs de la mafia et ceux à leur service, qui sont affectés par ce genre de réformes qui cherchent le bien être minimal en prison. Et donc ils finissent par rendre responsables d’autres prisonniers, mécontents de ne pas pouvoir mener leur petit business tranquillement, et ils les tabassent. Ce ne sont pas toujours les matons qui sont chargés de remettre de l’ordre, mais ce sont les prisonniers qui se chargent de maintenir l’ordre dans la prison. Un reflet clair d’un point culminant du contrôle social dans la social-démocratie : mettre un flic dans la tête de chacun. Souvent en étant des collabos conscients et d’autres fois par pure opportunisme. Ces prisonniers chefs de la mafia sont souvent responsables du maintien de l’ordre dans les différents couloirs où ils vendent leur drogue, et n’importe quel problème est réglé par eux ou directement rapporté aux matons. Certes ça n’est pas dans tous les cas comme ça, mais en général c’est l’ambiance qui prédomine. Un exemple clair de ça ce sont les diverses mutineries qui ont eu lieu dans le Reclusorio Sur. Ces émeutes n’avaient pas lieu à cause des réclamations régulières des prisonniers : comme la nourriture, le service médical, la révision des dossiers, etc., comme l’avaient dit les médias. Mais elles éclataient parce que le directeur avait refusé qu’on continue d’introduire de la drogue en prison. En bref : parce qu’ils n’avaient plus d’herbe à fumer. La solution a été drastique : une fois qu’ils les avaient maté, les requins (anti-émeutes) sont passés de cellule en cellule en offrant du cannabis aux prisonniers révoltés, et ont garanti que l’introduction de drogue dans la prison allait continuer de se faire en toute normalité.

Le Reclusorio Sur se compose de 9 blocs et huit annexes, plus l’espace du COC, l’entrée, la direction, le service médical, l’usine de sacs, l’école, les courts, le théâtre et le gymnase. Il y a un grand couloir qui passe par tous les blocs et annexes qu’on appelle le kilomètre, et c’est là qu’étaient tous les téléphones publics. Les blocs se divisent de la manière suivante : le D-9 c’est là que sont les malades à vie, les vieux avec diverses maladies, ce bloc est en dehors de la zone de population, juste en face du service médical. Le D-1 est soi disant réservé aux populations vulnérables comme les indigènes, les personnes âgées de plus de 65 ans, les étrangers, mais en général c’est là qu’on vend les cellules aux prisonniers bourgeois ou friqués comme les trafiquants, racketteurs, etc. Le D-2 se divise en deux populations à problèmes mentaux, comme les malades psychiatriques qui ont besoin de drogues médicales, et l’autre partie est pour ceux qui sont en désintox, et ce bloc n’est pas appelé pour rien Océanique. Le D-3 et le D-4, qui sont les mieux, sont pour les primo-délinquants et ceux qui avaient fait des études à l’extérieur ou qui suivaient des cours. Le D-5 c’est là qu’on m’avait envoyé, et c’est là que sont les prisonniers les plus instables, depuis les multi-homicidiaires jusqu’aux dealeurs et kidnappeurs. Le D-6 et le D-7 c’est les blocs qui ont déclenché la mutinerie, ce sont ceux des récidivistes. Ces blocs sont les pires, on y retrouve l’image qu’on voit toujours dans les documentaires sur les prisons au Mexique : sans électricité, sans eau, dégradés, avec une surpopulation, des prisonniers qui dorment accrochés aux barreaux, ou assis sur la cuvette des chiottes, etc. Ensuite il y a le D-8 qui est celui des homosexuels et transsexuels. Dans les annexes il y a les multi-homicidiaires et les multi-récidivistes, ainsi que des prisonniers avec des délits plus graves : racket, séquestration, homicide qualifié, etc. Pour arriver à être dans l’un de ces « appartements », comme le dit la compagnonne Fallon, il faut passer différents examens dans le Centre d’Observation et de Classification, où ils classent les internes pour les envoyer dans les blocs adéquats. Même si souvent les classifications sont mal faites, car elles sont basées sur le rapport de criminologie et de psychologie. Des criminologues et psychologues qui sont chargés d’enfoncer encore plus le prisonnier et de détruire sa stabilité émotionnelle et socio-affective en faisant ressortir chez le prisonnier de la culpabilité pour être en prison, en plus de frustration et repentir de détruire leur famille. Même lorsque le prisonnier n’a pas commis le délit dont on l’accuse, le criminologue se charge toujours de lui faire ressentir une responsabilité pour être en prison, afin qu’il ne rejette pas la faute sur la société et le système. Ce sont aussi ceux chargés de cette réintégration sociale qui n’est rien d’autre qu’une tentative d’adapter les criminels au capitalisme. D’une certaine façon en mettant tout type d’obstacles à la liberté conditionnelle ou avancée du prisonnier. Tandis que d’un autre côté ils savent parfaitement administrer leur travail et comprennent que pour que le capitalisme fonctionne il faut contrôler, et tant qu’on n’arrivera pas au point culminant de l’auto-contrôle mental des masses il faudra toujours des éléments dissidents de la société à travers lesquels  justifier le contrôle policier par exemple.  En  disséquant le système pénitentiaire on se rend compte que les matons sont en fait comme les policiers : une petite entité chargée d’exercer le contrôle à travers la violence et l’intimidation; et qu’ainsi il y en a aussi qui se rebellent contre eux. On voit que les travailleurs sociaux, médecins, mais surtout les criminologues et les psychologues sont ceux qui sont chargés de faire le travail important. En général cette élite dans la société carcérale est privilégiée et protégée, même s’il faut reconnaître que dans des prisons comme le Reclusorio Oriente les prisonniers arrivent à en buter parfois. Le système carcéral tout comme la société a ses structures, et l’attaque doit se faire en groupe et pas de façon isolée. C’est seulement avec la destruction de l’État/Capital que les prisons tomberont, mais pas avec une lutte spécialisée qui ne se concentre à attaquer qu’un seul pilier du système, et encore moins sous la bannière de l’abolition.

La prison que j’ai du vivre est en définitive comme le décrit la compagnonne Fallon dans sa dernière lettre : ça ressemble plutôt à une école. Pas tant pour le lien hypothétique qu’on peut faire entre la prison et l’école, avec ses murs et ses punitions, mais plutôt pour le comportement de la majorité des prisonniers. Ça ressemble à une école à la télé, où on prend tout à moitié au sérieux, même si ce qui est en jeu c’est ta propre vie.
Pour quelqu’un qui serait anarchiste ce genre de vie en prison est souvent difficile (peut-être pas plus difficile que pour le reste des prisonniers), principalement à cause du dilemme moral et étique auquel on fait face lorsqu’on est confronté aux positions de pouvoir qui existent entre les prisonniers. Additionnant à cela tous les efforts que fait le système pour nous détruire. Sachant bien qu’immédiatement il y a deux voies pour survivre : l’illégalité ou la soumission. Mais d’une façon ou d’une autre en collaborant toujours avec le système, parce qu’au final même en faisant nos petits trafics on rentre dans le jeu dans lequel le système carcéral veut qu’on rentre. La décision appartient à chacun, mais c’est souvent difficile. Principalement parce que nous ne voulons pas, et nous nous y opposons, prendre partie pour l’isolement volontaire, qui d’une façon ou d’une autre te dispense de participer à ces relations de pouvoir entre prisonniers que la vie carcérale impose et que certains prisonniers nourrissent avec plaisir, ou en demandant des conditions privilégiées pour ceux qui se déclarent prisonniers politiques. Attitude dégradante qui vient des courants marxistes, utilisant toujours cet avant-gardisme révolutionnaire qui s’applique à marquer la différence avec les prisonniers communs, comme ils les appellent, ou lumpen, et qui sont là précisément pour éduquer ces prisonniers sauvages dépourvus de conscience de classe.
Lorsqu’un anarchiste rentre en prison, il n’est pas toujours aussi naïf, mais même ainsi on croit toujours que c’est un terrain fertile pour semer mutineries et rebellions. Ensuite vient la déception et on se rend compte que même de l’intérieur il y a beaucoup de boulot à faire, car comme au dehors il y en a toujours qui à un moment défendront l’ordre établi. Et qu’en étant dans un sous-monde, avec un espace mille fois plus réduit que dans la société, et diverses conditions qui font que le contrôle est plus important, les possibilités d’auto-organisation paraissent presque nulles, ou alors nécessitent qu’on dépasse ce contrôle, et alors ça devient désespérant. Ce discours que j’essaie d’avoir me fait penser d’une certaine façon aux critiques exprimées par des compagnon·ne·s d’affinité au sujet des migrants en Europe. Parce que c’est vrai que de nombreuses prises de positions viennent de la gauche, et les gauchistes essaient de faire du prisonnier une éternelle victime, tandis qu’ils l’idéalisent et en font un être potentiellement révolutionnaire, pour le simple fait de souffrir des conditions de répression et d’oppression dans lesquelles l’État le soumet. Un argument qui est souvent utilisé par ceux qui à leur tour idéalisent l’illégalité et les illégalistes. Tandis que d’un autre côté, au moment de réaliser une analyse minutieuse nous ne devons pas oublier non plus que ces conditions sont dirigées pour transformer les individus en personnes responsables avec le système, ou bien pour les détruire s’ils sont inutilisables.
Au final je pense toujours la même chose, et c’est que dans n’importe quelle société, aussi pourrie qu’elle soit, et dans n’importe quelle lutte, quand bien même elle pencherait vers l’assimilation et la récupération, il y a des individus qui ne se laissent pas domestiquer, qui remettent en question, qui manipulent, qui attaquent. C’est dans ces moments d’attaque, de rupture et de destruction [4] que même au sein de la prison on peut trouver des affinités avec qui commencer un chemin, un voyage et provoquer l’insurrection ; en définitive, reprendre nos vies en main.

Et pour finir je voudrai rajouter deux citations dédiées à la réflexion sur des modes d’intervention dont je remets en question la validité en ce moment [5], autant pour leur étique que pour la stratégie de lutte qui provient de l’informalité :

« Soulignons tout d’abord les problèmes éthiques liés au moyen employé, au fait de s’en remettre aux hasards de l’acheminement du courrier pour toucher un chien de garde du pouvoir, c’est-à-dire de déléguer à un exploité – avec tous les risques que cela comporte pour sa personne mais surtout au mépris de sa volonté propre – le port d’un engin à domicile, et aux contradictions entre les fins et les moyens qui en découlent. Mais se pose également le problème de s’en prendre souvent aux secrétaires et aux employés, esclaves des grands de ce monde qui ouvrent rarement leur courrier eux-mêmes. On se demandera s’il s’agit bien là de ce qu’on entend par « frapper le pouvoir dans ses hommes et ses structures »…
En juillet, un nouveau colis sera revendiqué avec d’autres attaques en Espagne et en Italie, toutes rassemblées sous le sigle « Solidarité Internationale ». Le communiqué précise qu’il ne s’agit pas d’une avant-garde armée, qu’en suivant quelques principes, chacun peut utiliser le même nom, etc. Mais ce n’est au fond qu’une déclaration d’intention, tant la revendication et la signature en elles-mêmes servent justement à distinguer un geste de révolte des autres, le faisant émerger du marécage de la conflictivité sociale diffuse pour le placer dans une logique qui est en soi politique.
On notera encore au passage que, s’il faisait preuve de volonté de blesser, le colis piégé envoyé à Zuloaga a aussi démontré l’inefficacité de la méthode employée, vu qu’il était presque impossible qu’un de ces colis arrive jamais à son destinataire. Les colis suivants – certains ne contenaient même pas de charge explosive – allaient tomber dans la répétition absurde et dans la recherche d’un effet purement spectaculaire. Ces « attaques » n’existaient que par le ramdam médiatique qu’elles causaient, ce qui ne les empêchera pas d’occuper le haut de l’échelle de la radicalité dans l’imaginaire de certains. Ce mode très particulier eut au moins deux effets nocifs, puisque d’une part il éclipsait toute la variété d’attaques et d’actions directes présentes, et d’autre part il permettait aux bourreaux de passer pour des victimes. Outre qu’ils rentraient dans une logique du contre-pouvoir, les colis piégés lançaient une menace irréelle, et cela les puissants le savaient bien. »

Notes critiques sur la lutte contre le FIES

« Sasha reprit en russe. Il était fier de l’hommage qu’on rendait à ses camarades, dit-il, mais alors, pourquoi y avait-il des anarchistes dans les prisons soviétiques ?
Lénine l’interrompit : « Des anarchistes ? Absurde ! Qui vous a raconté des histoires pareilles et comment avez-vous pu y croire ? Nous avons des bandits en prisons, et des makhnovistes, mais pas d’anarchistes ideiny [ reconnus par le régime comme présentant une théorie politique acceptable].
– Voyez-vous, m’écriai-je, l’Amérique capitaliste divise aussi les anarchistes en deux catégories : les philosophes et les criminels. Les premiers sont acceptés partout, l’un d’entre eux fait même partie du gouvernement de Wilson. Les autres, auxquels nous avons l’honneur d’appartenir, sont emprisonnés et persécutés. Vous faites donc la même, distinction ?  »

Emma Goldman, Vivant ma vie, 1932 [6]

Pour moi la seule consigne de liberté pour les prisonniers et de destruction des prisons c’est la lutte même [7]. La liberté absolue se trouve dans la destruction de l’État capitaliste et de n’importe quel autre qu’on voudrait nous imposer, même si celui-ci camoufle son autoritarisme et sa toute puissance sous la devise du Pouvoir Populaire.

Sans avant-gardes, ni spécialistes, leaders ou dirigeants :
guerre sociale sur tous les fronts !

Mario A. Lopez Hernandez

Depuis un endroit de cet univers chaotique.

Avril 2014


Notes

 1- Par abus d’autorité je fais référence à la perspective que certains prisonniers ont concernant les rackets, coup, punitions et autres exercés par les matons; à aucun moment je n’essaie de justifier une quelconque autorité sans abus ou un bon gouvernement.

2- Dans ce texte je parle du Reclusorio Sur, qui est selon les prisonniers et quelques techniciens, et selon ce que j’ai pu voir, là où il y a le plus de grégarisme des trois Reclusorios présents dans la région de Mexico. On dit que dans le Reclusorio Oriente les prisonniers qui travaillent avec les matons, et les balances, ont un bloc à eux seuls pour les protéger. Tout ce que je dis ici est en rapport direct avec ce que j’ai vécu dans le Reclusorio Sur. Un maton m’a dit qu’on m’avait envoyé dans celui-ci parce que si j’avais été dans le Reclusorio Nord j’aurai pu plus facilement déclencher une mutinerie en étant seul. Et aussi parce que là-bas il y a encore des prisonniers de la guérilla urbaine Liga Communista 23 Septiembre (ils sont seuls dans le module de haute sécurité totalement isolé, et  pour la plupart leurs familles ne savent même pas où ils se trouvent).

3- Pour comprendre ce point, vu qu’il peut y avoir de nombreuses divergences au sujet de l’illégalisme, des appels en dehors de la loi et de l’apologie qui tourne autour, je recommande un article publié dans le numéro 1 de la revue anarchiste À corps perdu et qui a pour titre : Les cendres des légendes – pour en finir avec l’apologie illégaliste. Il sera publié dans le prochain numéro de la revue anarchiste Negación. Je parle de ça vu qu’en général au Mexique certains individus anarchistes font des références passionnées à des secteurs de la société et des milieux sociaux qui agissent en dehors de la loi, par exemple les narcotrafiquants et leurs hommes  de main; arrivant même à faire des allégories sur des attaques contre la police ou l’armée par ces groupes de pouvoir, leur conférant un aspect positif et même voulant les faire passer pour des révolutionnaires uniquement parce que leurs attaques sont spectaculaires, ou bien parce qu’ils agissent en dehors de la loi. Tandis que d’un autre côté on ne mentionne pas les motivations de ces groupes dissidents et de pouvoir.

4- Je précise que lorsque je parle d’attaque et de destruction je me réfère bien entendu d’une part à l’écho physico-matériel de l’attaque et la destruction du système. Mais aussi par attaque et destruction je me réfère à n’importe quel mode ou outil employé pour subvertir l’ordre : des critiques, auto-critiques, des armes, des livres, des explosifs, etc. lorsque ces instruments sont utilisés pour la destruction de l’État sous toutes ses formes.

5- Face à ça j’affirme que je ne méprise pas la lutte ou la valeur d’autres individus ou collectifs qui réalisent ces attaques; j’utilise seulement cette citation parce qu’elle m’a semblé pertinente et il me semble nécessaire de commencer un vrai débat sur la validité et l’efficacité de certains moyens. La citation, même si elle est courte et spécifique au contexte de la lutte contre le FIES, rassemble les bases d’un débat qui doit se développer et s’approfondir. Mais un point que je dois mentionner et qui vaut la peine d’être réfléchi, c’est la reproductibilité des moyens et leur relation avec les paquets. Même s’il faut aussi réfléchir sur le conflit à la première personne et la délégation de l’attaque à un autre individu, généralement pas conscient des motifs de la lutte, ou de ce qu’il transporte. D’autre part, lorsque je fais allusion aux paquets explosifs je fais uniquement référence au milieu anarchiste/libertaire; je dis cela vu qu’au Mexique il y a d’autres groupes (ITS) [NdT : une critique sur ce groupe en anglais ici] qui sont spécialistes de l’envoi de paquets explosifs à des scientifiques, et ces groupes ne sont pas anarchistes ou libertaires et leurs perspectives n’ont rien à voir avec l’idéal anarchiste, même s’ ils se retrouvent dans les modes d’action.

6-  Traductions tirées de À Corps Perdu, n°1 [NdT]

7- Pour la même raison que ce que je dis plus haut; malgré les critiques je ne dévalorise pas le travail que différents groupes réalisent pour soutenir les compas prisonniers,  même si ça n’est pas la lutte que je préfère, elle est quand même nécessaire et c’est une preuve de soutien réel entre anarchistes.

Pour d’autres lettres de Mario López voir ici et ici

Source

Verdict du procès du Caso Security

lienzoafueraveredictoLe 2 juillet Juan, Freddy et Marcelo n’étaient pas présents pour le verdict du procès, refusant d’assister à ce spectacle juridique auquel les proches ne pouvaient assister que par visioconférence.

Le verdict du procès est le suivant :

Juan Aliste : 18 ans pour être le présumé auteur de l’homicide sur Moyano + 10 ans pour la tentative d’homicide sur le flic Abarca + 14 ans pour le braquage de la banque Santander à Valparaíso et la banque Security = 42 ans de prison au total

Freddy Fuentevilla : 5 ans pour être le présumé complice de l’homicide sur Moyano + 3 ans pour être le présumé complice de la tentative d’homicide sur Abarca + 7 ans pour le braquage dans la banque Security = 15 ans de prison au total

Marcelo Villarroel : 14 ans pour le braquage sur la banque Santander de Valparaíso et la banque Security

Publicación Refractario