Un jour tout ça terminera

loneUn jour tout ça terminera,
et l’on dira qu’au moins on a essayé.
Que nous ne sommes pas nés injustement,
ni ne sommes devenus un fardeau pour la terre pour rien,
Que nous avons laissé quelque chose derrière nous.

Et on aura des rides sur nos visages,
chaque ride une entaille profonde,
pour chaque moment d’agonie
pour chaque éternité de solitude.

Ceux qui ont peur des rides,
ont peur de leur passé,
de leur présent dénué de sens,
de leur futur prédéterminé.
Ils se détestent. Ce qu’ils deviennent.

Le temps laisse ses traces.
Et nous les assumerons avec fierté.

Anastasios K. Theofilou
prison de Domokos
23.10.2012

Campagne de visualisation du contrôle et de la domination technologique

“Nous les terroristes nous nous déclarons de toute façon antiterroristes, vu que nous évoluons dans des situations déjà crées de terreur. Nous nous ne créons pas les prisons infernales, nous les combattons. Nous utilisons la dynamite … Nous nous ne construisons pas les tribunaux ni les palais de justice qui produisent des lois antisociales et ségrégationnistes. En définitive nous sommes la stimulation d’un foyer de terreur, en aucun cas nous ne le créons. » (Groupes Autonomes, communiqué de la prison de Segovie )

gattaca2Nous, Noyau Autonome de Crime Révolutionnaire – Fraction Destructrice de la (in)Civilisation, nous nous attribuons l’explosion de la bombe-extincteur sur les portes blindées de la banque d’ADN, en plus d’une série d’alerte à la bombe et simulation d’autres, mais vu le caractère de notre dernière attaque, de sa médiatisation et réponse du ministre de la(in)justice, nous déclarons ce qui suit :

1) Étant donné la campagne menée contre les institutions et personnalités scientifiques par les compagnons mexicains de ITS, leur critique et leur action directe nous a incité à nous associer à leur lutte, vu que leurs objectifs sont aussi liés aux appareils de contrôle et domination technologique sur le territoire appelé Chili. Nous nous voyons dans la nécessité parlante de visualiser ici la trame et la classe technocrate naissante qui commence à reprendre le dessus, intimement liée à des institutions scientifiques mexicaines, en ayant y compris son émulation chilienne ( Conacyt chile, coïncidence?). Nous déclarons ici même, comment les serviteurs du SML ( Service Médico Légal) ont pris des cours auprès du FBI sur l’utilisation du logiciel CODIS, nous rappelons que déjà des insoumis ont été brutalement forcés à donner des prélèvement de sang ( comme les compagnon-ne-s du Caso Bombas), pour être comparées avec des prélèvements ADN trouvés sur les lieux de plus de 100 actions directes réalisées ces dernières années, sans pouvoir rien prouver. Cet acte sanguinaire nous ne l’oublions pas, raison pour laquelle nos objectifs étaient à crescendo, et nous avons réussi à attaquer l’institution chargée de telles horreurs et la réponse hystérique du ministre de l’(in)justice. Nous avons atteint notre objectif, nous nous sommes approchés et vous étiez loin.

2) Le ministre de l’(in)justice ment lorsqu’il dit que la banque de donnée ADN est au service des droits de l’homme, en utilisant cet argument comme critique de notre action. Nous déclarons que la banque de donnée ADN est au service du contrôle de toutes-tous celles-ceux qui combattent contre l’État/Capital. Ça ne prétend pas faire quoi que ce soit de bien envers l’humanité, mais assoir son contrôle, sa Domination et la perpétuation de la classe dirigeante dans le Pouvoir. Le post néolibéralisme est l’union et la conspiration de tous les éléments et intérêts transnationaux avec les États-nation. L’État/Capital, comme union des intérêts nationaux subordonnés aux internationaux pénètrent et manigancent contre tous les combattants. Ce n’est pas un hasard si le Mexique et le Chili sont unis et instruits par le FBI.

3) Nous ne sommes pas un groupe spécialiste de la lutte anti-technologie, notre lutte est contre tout type de domination, identifiant par cette campagne la technologie comme un outil de domination de tous les êtres vivants, de toute la nature et la Terre. Nous ne reconnaissons pas la technologie comme quelque chose de neutre, ni quelque chose qui cherche à faire le bien, mais comme un élément de déshumanisation et d’exploitation.

4) Nous avons été attentifs aux actions directes qui se sont réalisées au cours de la semaine de cirque électoral municipale et l’appel réformiste de l’ACES à un boycott des élections. De notre côté nous nous joignons anonymement dans l’action directe des ACI ( Anti-autoritaires Coordonnées Informels), que nous saluons révolutionnairement.

5) Nous faisons donc le compte rendu chronologique de la campagne :

• Mercredi 11 janvier – Alerte à la bombe à la conférence du directeur du National Science Foundation (NSF) Dr. Subra Suresh qui s’est réalisé à 16:30 dans le bâtiment Telefónica au 111 de l’Avenue Providencia.

• Dimanche 12 février – installation d’une fausse bombe-extincteur au siège de Conacyt ( Commission Nationale de Recherche Scientifique et Technologique)- Chili, celle-ci étant découverte le lendemain matin ( voir dans la presse)

• Mardi 24 avril – Alerte à la bombe au cours de la conférence d’experts de Jackson Laboratory, qui avait lieu au parc technologique de la fondation « Ciencia y vida » située au 1482 avenue Zañartu à Ñuñoa, Santiago.

• Mercredi 24 octobre – Installation d’une bombe-extincteur ( cette fois remplie de poudre noire) à la banque de donnée d’ADN.

Depuis la nuit noire qui abrite nos pas nous saluons la compagnonne Carla Verdugo qui se trouve enfermée dans la tour 5 du cachot de San Miguel, la même tour où 81 otages de l’État furent assassinés.

Une embrasse solidaire à distance au combattant vétéran Marco Camenisch !

À Mayron Gutiérrez (el Krudo) qui a été inculpé de façon dégoutante par ses supposés « compagnon-ne-s ». Aux balances notre rejet le plus énergique.

À ceux qui pâtissent des représailles du Caso Security, Marcelo, Juan et Freddy.

Nous n’oublions pas Hans Niemeyer *, qui a été inculpé pour notre action que nous avons tardé à revendiquer. Mais nous n’avons quand même pas arrêté de mener à bien des actions insurgées. Notre pensée va aussi vers lui.

Vive la révolution !

Vive la destruction de tout ce qui s’apparente au capitalisme !

NACR – Fraction Destructrice de la (in)Civilisation

*le 14 décembre les autorités ont perdu la piste du compagnon qui était en résidence surveillée.

Traduit de Liberación Total

Pour un Noël noir, attaque incendiaire contre un sapin

get[info armée depuis plusieurs lieux]

La nuit du vendredi 14 décembre, à 10 heures passé, des encapuchadxs ont lancé des cocktails Molotov contre le grand sapin de noël qui est installé chaque année en face du centre commercial “Mall Paseo Estación”, situé sur la commune d’Estación Central.

Les encapuchadxs ont avant coupé la circulation sur l’Alameda, en face de l’Usach. Puis en même temps que l’attaque incendiaire ils ont crié des slogans contre la consommation qui en cette période de fin d’année provoque une frénésie pour s’endetter afin d’obtenir des choses (des merdes) pas nécessaires.

En proie aux flammes le sapin a commencé rapidement à brûler, mais malheureusement les gardiens consciencieux ont couru pour sauver le symbole noëlien du capitalisme et du christianisme. Il n’a pas été réduit en cendre, s’en tirant avec quelques dommages et une attaque à la logique de marché.

Cette même nuit à un autre endroit de Santiago, des encapuchadxs ont mis le feu à des barricades et se sont affrontés à l’aide de cocktails Molotov avec la police sur l’avenue Grecia, devant le campus JGM de l’Université du Chili à Ñuñoa.

Lettre d’une lycéenne à ses parents

la_des1-300x225Je sais que je vous dois beaucoup. Vous m’avez donné naissance, vous m’avez nourrie et abreuvée, et vous m’avez élevée. Vous m’avez même aimée. Ou plutôt vous dites que vous m’avez aimée. Car la réalité est un peu différente.

Vous m’avez amenée dans un monde où vous étiez forcés de me laisser quelque part chaque jour, et de partir à vos occupations et votre travail. Vous m’avez mise au monde, puis vous avez toujours cherché un endroit où me jeter. Vous m’avez amenée à l’école et, comme si ce n’était pas suffisant, vous m’avez fait suivre toute une série de cours de soutien, et m’avez inculqué l’anxiété pour mon avenir incertain. Si mon futur est si incertain, si vous avez fait de cette planète un endroit si dangereux où vivre, pourquoi alors m’avoir amenée dans ce monde ? En quoi consiste ma vie ? Deux heures par jour de télé et de jeux vidéo ?

Je veux découvrir le monde, ouvrir mes ailes, m’envoler et tout observer en l’espace d’un instant. Je veux sortir et rencontrer des gens, jouer et m’amuser, me sentir heureuse et ne pas me soucier de si j’ai cours demain et que je n’ai pas fait mes devoirs. Je veux rêver d’un monde où ils ne chercheront pas de lieu où me stocker, où ils n’auront pas à travailler en permanence, où l’on ne craindrait pas de rencontrer de nouvelles personnes, où le futur ne m’effraiera pas, et où il n’y aura ni maîtres ni esclaves.

Je vois votre misère mais je ne m’y suis pas habituée, et je ne veux pas m’y habituer. Vous ne me ferez pas baisser les bras juste parce que vous avez baissé les vôtres. Je ne veux être ni l’esclave ni le chef de personne. Je veux que vous me laissiez tranquille.

Je n’ai pas peur de ces chiens de garde en uniforme dont vous avez peur. Vous voyez de l’ordre et de la sécurité en eux. Cessez de vous moquer de moi, car je sais très bien que cet ordre n’est qu’hypocrisie ; quant à la sécurité publique, eux-mêmes sont le plus grand des dangers.

Ils sont des symboles du Pouvoir, de votre propre autorité, de l’autorité des profs, des politiciens, de tous les adultes qui vivent ainsi. Vous êtes ceux qui ont appris à vivre ainsi, pas moi. S’ils veulent me chercher des noises, ils vont voir. Ils n’ont aucune chance face à moi, qu’ils gardent bien ça en tête. Je suis en colère et dangereuse. Et nous sommes nombreux, nous somme partout, on peut même nous trouver dans les foyers des meurtriers. Partout où ils sont, ils ne peuvent pas se cacher de nous. D’une façon ou d’une autre nous sommes ceux qui resteront debout, pas eux.

Ne soyez pas fâchés contre moi, je fais seulement ce que vous m’avez appris. Vous dîtes que cette révolte n’est que désordre et destruction. Et maintenant que je grandis, désordre et destruction sont tout ce que vous obtiendrez de moi.

Je vous aime. À ma façon toute particulière, mais je vous aime vraiment.

Mais je dois construire mon propre monde afin de vivre une vie libre, et pour cela je dois détruire le votre. C’est la chose la plus importante à mes yeux. Pour le dire avec vos mots : c’est mon travail.

Grèce, décembre 2008

Affiche de grève avec une perspective de genre

huelgaAppeler au boulot pour dire que tu es malade le matin de la grève.
Exproprier les biens du lieu de travail pour ensuite les redistribuer.
Mal travailler, plus lentement, avoir beaucoup “d’étourderies”.
Faire du boycott et saboter des petits trucs.
Faire la grève de la consommation.

Donner du courage aux grévistes ( celles qui comptent et celles qui comptent pas), leur donner de l’eau, leur offrir un abri si la situation devient difficile.

Je n’ai pas de contrat / je suis en stage / je suis travailleuse du sexe / j’ai migré et maintenant je travaille sans contrat / je suis travailleuse domestique / j’ai besoin d’argent / mon chef va me virer / je suis femme au foyer / je suis à mon compte et je ne peux pas perdre mes clients / j’ai un visa de travail / je m’occupe de personnes âgées / …

Quel que soit le motif, pour beaucoup d’entre nous la grève « traditionnelle » n’est pas suffisante. Nous ne sommes pas importantes pour les syndicats majoritaires, celles qui ne sont pas prises en compte et ne veulent pas rentrer dans le jeu avec les patrons et les gouvernements. Sans papiers, sans contrats, sans chefs, sans bureau, sans sécurité sociale, sans avoir un travail reconnu comme travail, sans maison, sans être payé pour tout ce que nous bossons, comment on ferait la grève dans le sens traditionnel du terme ?

Chaque jour devrait être un jour de grève. Mais pas une grève de devanture, de débat télévisés et quatre mots de fin de soirée. Chaque jour devrait être la grève du genre, la grève de la consommation, la grève de l’obéissance, la grève de la soumission, la grève de la reproduction, la grève des loyers, des hypothèques et des frais de logements, la grève des mères, la grève des corps, de la main d’œuvre pas cher, la grève de la non-violence face à la violence policière, la grève de se serrer la ceinture, que des jours meilleurs arriveront. La grève comme synonyme d’un raz le bol, la grève comme synonyme d’attaque. Ce n’est pas seulement la possibilité de bloquer le capital sur les lieux de travaux légitimés pas l’État, mais aussi dans la reproduction hétéro-patriarcale, capitaliste et raciste de la vie sociale.

Nous n’attendons pas assises à ce qu’on nous dise quand, comment et qui peut lutter ; nous redéfinissons le concept de grève.

La rage n’attend pas les appels à la grève, la rage n’a pas d’horaires déterminés.

Rage indéfinie. Grève indéfinie.

Ce Fut Notre Travail. Mais ça ne l’est plus désormais.

TIOJTrois ans après le premier article sur This Is Our Job*, j’ai décidé de mettre fin à ce projet anarchiste particulier afin de me consacrer à d’autres projets anarchistes. Tout d’abord, je veux avoir plus de temps pour la traduction et la préparation de la diffusion de livres publiés à travers memory_lapse press, qui est ma propre petite initiative d’édition.

Je ne suis toujours pas sûr de quoi les premiers livres parleront, s’ils voient le jour. L’anarchisme insurrectionnaliste a beaucoup signifié pour moi dans les quatre ou cinq dernières années, mais en toute honnêteté il a aussi eu certains effets négatifs sur ma personne pour que j’en ai le besoin de m’en distancier. Donc peut-être que les livres auront à voir avec des sujets qui sont dans la confrontation et constructifs à la fois, contemporains et historiques, mais portant toujours au centre l’anti-autoritarisme et la pertinence éternelle de ceux qui voient véritablement le monde à travers son voile mensonger, encore certains que cela devra, pourra, et sera un bien meilleur endroit.

J’ai quelques choses à dire à propos de l’état actuel de l’anarchisme insurrectionnaliste en tant que courant au sein d’un anti-autoritarisme plus large, tout comme sur le rôle et l’efficacité de ce qui est maintenant connu en tant que contre-information comme un moyen de diffuser les nouvelles et discours venant d’anarchistes insurgés. Je dois admettre que j’avais des réticences sur le fait d’aller de l’avant et partager ouvertement ce que j’ai envie de dire, mais comme c’est mon dernier article, je devrais tout de même faire tout ce qui doit être fait.

Depuis mon premier contact avec l’anarchisme insurrectionnaliste, j’ai graduellement distillé certains aspects de la théorie qui est derrière, comme essentielle, et rejeté le reste. Pour moi, un anarchisme insurgé fécond est diffus, illégal, offensif, stratégique, consistant et éthique. Son but premier devrait être l’attaque des infrastructures physiques de la répression, réduisant et handicapant éventuellement ainsi la capacité de la répression à fonctionner. Ce qui en découle n’est pas la destruction radicale de chaque élément de la société telle que nous la connaissons, mais l’ouverture d’un espace dans lequel des initiatives anarchistes constructives peuvent fleurir. Quand la domination est repoussée, la libération va de l’avant.

Mais en pratique ce n’est pas vraiment ce que j’ai observé pour la plupart des groupes d’action et des individus s’engageant dans l’anarchisme insurrectionnaliste. Malgré mon respect énorme pour leur héroïsme, mettant leurs vies en danger pour attaquer l’irrationalité brutale du pouvoir, nombre d’entre eux ont fait preuve de mauvais choix lorsqu’il s’agit de décider des cibles et de l’exécution technique.

Sans pointer du doigt des exemples précis d’attaques que j’ai trouvés particulièrement inutiles – des attaques qui semblent avoir été menées seulement pour faire un communiqué, avoir un peu de publicité sur internet et permettre aux participants de gonfler un peu leurs muscles, voire juste de se mettre en avant – j’ai ressenti que la stratégie de base n’est pas prise en considération par ceux qui s’engagent dans l’anarchisme insurgé. Cela mène à de longues peines de prison pour nombre de compagnon(ne)s, souvent en échange de dommages structurels négligeables, et c’est une équation non viable pour une tendance déjà si marginale qu’elle ne peut être considérée que comme l’avant-garde de l’avant-garde.

Quand on attaque une cible, la première bonne question à se poser est : combien cette cible spécifique participe à la répression (voire même, à quel degré suis-je personnellement réprimé par celle-ci ?), et à quelle hauteur sa destruction causera des difficultés à la répression ? C’est une question simple, mais un coup d’œil sur ce en quoi constitue ces jours-ci l’attaque de l’anarchisme insurrectionnaliste démontre clairement qu’elle n’est pas posée.
L’État déploie des éléments répressifs spécifiques en premières ligne : la police (commissariats, véhicules et autres équipements), les tribunaux (et les bâtiments qui les logent) et les prisons (qui comprennent les entreprises privées et étatiques qui les dirigent). La ligne suivante comprend les agences de renseignement et leurs infrastructures physiques (bureaux, véhicules, ordinateurs et réseaux de communication, etc.). Et finalement, il y a l’infrastructure militaire et tout ce que cela comprend.

Du côté du capitalisme, la répression découle de l’industrie financière, de l’industrie de la publicité, l’industrie manufacturière et celle de la vente, parmi d’autres. Mais prenons par exemple l’industrie financière. Causer des dégâts mineurs (ou même majeurs) à un DAB ou à une succursale est, pour un conglomérat banquier, largement équivalent à une piqûre de moustique. L’infrastructure opérationnelle véritable du capitalisme réside dans les bureaux et les sièges corporatifs, et bien que ces cibles soient difficiles à atteindre, elles ne devraient pas être complètement négligées.

Cependant on attaque rarement ces objectifs étatiques et capitalistes. Est-ce que c’est parce que la peine possible de prison pour saboter à la colle un DAB est moindre que celle qu’on se prend quand on met le feu à un hélicoptère de la police ? Ou bien est-ce que c’est un manque de vision, d’ambition, de capacité, de ressources ? J’aimerais le savoir. Tout ce que je peux dire avec certitude c’est qu’en attaquant ce que je considère comme des objectifs de peu d’importance – objectifs dont la valeur répressive pour le système est si basse que ça serait comme ne rien faire – l’anarchisme insurrectionnaliste est en train de tomber dans le même piège que le reste des courants anarchistes, comptant sur des routines rebattues qui ne conduisent nulle part en dehors du ghetto alternatif de ceux qui sont déjà impliqués dedans.

Comme un ajout à la critique précédente, je veux dire quelque chose au sujet des bombes. Je crois qu’il est clair que l’usage de bombes par des anarchistes insurrectionnalistes devrait ou bien être complètement abandonné, ou du moins être confié à ceux qui ont vraiment des connaissances expertes dans la fabrication d’explosifs improvisés qui soient sûrs et efficaces. Combien de fois nous avons lu que des bombes n’avaient pas explosé, ou qu’elles avaient explosé au mauvais moment, blessant au hasard des passants, ou bien qu’elles avaient explosé comme prévu mais avaient causé peu de dommages ? Sans parler des compagnon(ne)s qui sont morts ou ont été gravement mutilés par l’explosion prématurée de bombes qu’ils/elles essayaient d’utiliser. Je crois vraiment qu’au lieu de bombes il faudrait faire un effort coordonné pour utiliser des engins incendiaires transportables bien conçus, vu qu’un incendie ravageur fera toujours plus de dégât qu’une explosion de basse intensité.

Maintenant au sujet de la contre-information. Ma frustration principale avec This Is Our Job a été que très peu de gens le lisait. C’est peut-être de ma faute, vu que j’aurais pu faire certaines choses pour en faire la promotion. Mais le dilemme reste : si le but de la contre-information est de diffuser – autant que possible- des nouvelles et des discours issus de l’action de l’insurrection anarchiste, alors la contre-information en elle-même doit aller au delà de ce qu’elle fait à l’heure actuelle. Je ne sais pas vraiment comment faire pour que ça arrive, et ces insuffisances m’ont posé problème la majeure partie du temps durant les trois années où This Is Our Job a été actif. Je ne suis pas au courant de la fréquentation qu’ont eu les autres pages de contre-information, sans tenir compte de la langue, mais je peux dire que mes propres chiffres ont été positivement faibles.

Ainsi, étant donné tout ce qui précède, ça semble pertinent de mettre un terme au projet à ce moment précis. Les archives resteront en ligne, sur l’ancien site comme sur l’actuel. J’essaierai toujours de satisfaire les demandes pour récupérer des textes spécifiques postés à certains moments. Et j’apprécie toujours les propositions de traduction du milieu de langue grecque – et espagnole- envoyées à l’adresse mail habituelle : tioj[at]thisisourjob[dot]org. Peut-être que je pourrai les mettre dans un livre un jour.

Pour finir je voudrais remercier tous les compagnon(ne)s qui ont pris du temps pour lire le site régulièrement et qui m’ont contacté personnellement pour me tenir informé, coordonner le travail, m’envoyer des textes à traduire, ou juste pour me saluer. J’espère seulement qu’un jour, d’une façon ou d’une autre, on pourra se rencontrer face à face pour partager un verre, un repas, une bise, et l’intimité chuchotée de notre passion pour la libération.

Vive les rebelles, toujours.

– Matthew (This Is Our Job).

* Le compagnon anarchiste, Matthew, s’est inspiré d’un communiqué d’une jeune rebelle écrit à ses parents durant les batailles de rue de décembre 2008 en Grèce pour donner un nom au blog This is Our Job (c’est notre travail) : “(…) Vous dites que la révolte c’est le désordre et la destruction. Je vous aime. À ma manière, je vous aime. Mais je dois construire mon propre monde afin de vivre une vie libre, et pour cela je dois détruire le votre. C’est la chose la plus importante à mes yeux. Pour le dire avec vos mots : c’est mon travail [this is my job]”.

Catalogne antinationaliste : ni catalanistes ni espagnolistes

no_nacionalismoLe thème de l’indépendance est plus présent que jamais. L’élite catalane, depuis le gouvernement de Catalogne et les moyens de communication, bombardent la population de messages nationalistes qui embrouillent d’une telle façon que le conflit social, la tension entre riches et pauvres, est pratiquement neutralisé. Les gens aiment « leurs » institutions nationales, leurs leaders politiques, la classe patronale catalane, se donnant et se soumettant avec beaucoup de plaisir, tout émus de voir que ceux qui les rendent esclaves et les exploitent économiquement maintenant, les sauveront de l’oppression espagnole.

Nous espérons que notre apport à la question, d’un point de vue anarchiste, puisse contribuer à développer une force sociale de pensée et d’action qui s’oppose au courant dominant nationaliste. Les partis politiques de toutes les couleurs, bourgeois et pseudo-ouvriers, de droite et de gauche, alimentent un courant de pensée dominant à caractère patriotique et nationaliste dans lequel se noie la société catalane et duquel peu de gens sont capables d’échapper.

Les mouvements nationalistes ont tendance à appliquer le critère suivant : ou tu es avec moi ou tu es contre moi, tu es des miens ou tu es du peuple ennemi (ou encore, tu es catalan ou tu es espagnol, tu es serbe ou tu es croate, tu es ukrainien ou tu es russe). N’importe qui, qui décide de se démarquer des plans et programmes d’un mouvement nationaliste, est accusé de donner sa préférence et d’appartenir au peuple détesté, à l’ennemi. Peu importe le motif, il n’y a pas de raison (rationnelle) qui puisse tenir tête au sentiment (irrationnel) d’appartenir à un peuple déterminé à réaliser son destin glorieux.

Nous, les anarchistes, nous ne suivons pas le courant catalaniste dominant, ni ne paradons avec les forces politiques en faveur de l’indépendance de la Catalogne, ni ne nous identifions avec la patrie catalane. C’est pour ça qu’ils nous accusent d’être espagnolistes.

Par ce texte nous voulons rompre avec la dualité catalan/espagnol, indépendantiste/espagnoliste. Nous voulons apporter une troisième vision, une nouvelle voie de dépassement du conflit national. Nous voulons dépasser le conflit en portant simplement l’attention sur l’individu à l’heure de construire une société juste et sans oppression.

Au sujet de la libération et de l’autodétermination des peuples

Aujourd’hui l’autoritarisme, dans ses diverses formes (capitalisme, patriarcat, religion, État …) s’étend à travers le monde en soumettant par une forme ou une autre la totalité des populations. À cette force paralysante et abrutissante qui suppose l’autorité s’oppose l’action et les idées de ceux/celles qui veulent créer un monde nouveau basé sur la relation fraternelle, libre et solidaire entre les individus et leurs communautés : les anarchistes.

En Catalogne, le fait est qu’une grande partie de la population s’identifie avec une série de traits linguistiques et culturels qui ne correspondent pas dans leur totalité avec les valeurs linguistiques, morales, religieuses, culturelles, traditionnelles, artistiques, esthétiques et éthiques que le Royaume d’Espagne (Reino de España) promeut et impose de la même façon à tous ses sujets. On pourrait dire qu’une grande partie de la population catalane se sent appartenir à un collectif de personnes avec lequel elle partage une façon relativement similaire de parler, de célébrer les fêtes, de manger, de regarder le foot, de marier les filles…

Ceux qui s’identifient avec ce collectif ne voient peut-être pas très clairement quelles sont les caractéristiques qu’ils doivent avoir, les conditions qu’ils doivent remplir pour appartenir à ce club de personnes aussi hétérogène, aussi vaste, aussi abstrait. Les membres de ce club disent « je suis catalan ! » mais ils auraient bien du mal à définir ce que veut dire être catalan, ou définir avec clarté ce qu’est le peuple catalan.

Or, les membres, et surtout le président du club, eux voient très clairement comment tu ne dois pas parler si tu veux faire partie du club, comment tu ne peux pas célébrer Noël et quelle équipe de foot tu ne dois pas supporter. Pour être catalan tu peux parler comme les bourges de Barcelone ou comme les gitans de Lleida, mais tu ne peux pas parler comme le Quichotte, tu ne peux pas manger de la « zarzuela » pour Noël, tu ne peux pas être de Madrid, tu ne peux pas, tu ne peux pas…

Depuis l’apparition de l’État espagnol (1714), ses élites ont mené à terme un plan d’homogénéisation de la population au niveau culturel et linguistique qui consiste à imposer les traits culturels et linguistiques que seulement une partie des sujets partagent : les Castillans. Il s’agit de créer une communauté homogène de sujets qui s’identifient à une seule langue, un seul roi, un seul État, un seul drapeau.

Ce processus d’uniformisation culturelle a comme victime la diversité et l’hétérogénéité. Cette relation de domination a provoqué historiquement la répression et la persécution de tous les traits culturels et linguistiques propres aux territoires catalans.

Par opposition à cette répression culturelle sont apparus au cours de l’histoire des initiatives sociales et politiques qui ont revendiqué l’autodétermination du peuple catalan. De nos jours cette tension persiste, même si c’est de façon moins violente, et les forces indépendantistes et nationalistes catalanes continuent de revendiquer l’autodétermination, mais toujours sous un même principe : la création d’un État catalan. Mais sous quelle forme le peuple catalan peut-il réellement être libre ?

En tant qu’anarchistes nous concevons la liberté comme le développement entier des individus dans toutes leurs formes (intellectuel, émotionnel, culturel, physique…) au sein d’une société libre et solidaire, dénuée de tout type d’autorité. Pour autant, nous rejetons l’idée que n’importe quel État-nation soit la solution à notre esclavage, quand bien même il s’appellerait catalan. Nous sommes pour la destruction de tous les États et pas pour en créer de nouveaux.

L’anarchisme propose de construire la société en centrant l’attention sur les intérêts de chacun de ses individus, puisqu’il considère que ceux-ci ne sont pas nés pour satisfaire les aspirations de tiers, mais pour s’auto-réaliser. D’un autre côté, le nationalisme prétend construire la société et la justice en centrant l’attention sur les intérêts des nations. Celles-ci sont des entités abstraites construites à un niveau supérieur à l’individu. Dans les nations, les individus sont des moyens pour satisfaire l’intérêt national et ainsi, au moment où l’intérêt de l’individu s’oppose à l’intérêt national, la société basée sur la nation oblige l’individu à agir contre son propre intérêt et contre sa propre volonté pour satisfaire ce qu’il y a de plus sacré : la volonté nationale. C’est ainsi que les soldats vont faire la guerre contre la nation ennemie, prêts à donner leur vie pour sauver la patrie.

Le nationalisme catalan, comme n’importe quel autre, tend à créer une perception homogénéisante et simpliste qui implique le fait d’être né dans un endroit déterminé. La pensée propre du nationalisme, le patriotisme, culpabilise, exclut et punit la diversité culturelle (par exemple la coexistence de différentes langues ou de différentes identités sur un même territoire), la concevant comme une menace envers l’identité en elle-même, qu’il faut réprimer et contrôler. L’exaltation patriotique de ce qui est propre à un peuple porte la plupart du temps sur la volonté de soutenir dans le temps des traditions et coutumes qui, pour être anachroniques ou injustes, devraient être dépassées.

La conclusion la plus claire que nous tirons est que n’importe quel type de nationalisme, même de caractère indépendantiste (par exemple le cas basque ou catalan), est centraliste et réprime les différences qui existent en son sein, vu qu’il appartient à la « nation », en oubliant que chaque individu est un être autonome avec des caractéristiques propres qui le rendent unique par rapport à une autre personne.

Souvent, deux peuples, deux nations, peuvent se différencier principalement en pratiquant une religion différente (Serbes-orthodoxes, Bosniaques-musulmans et Croates-catholiques) mais ils partagent la langue (les Serbes, Bosniaques et la majorité des Croates partagent un parler slave appelé štokavica, štokavština ou štokavsko narječe).

Dans le cas des Catalans et des Castillans, la langue est la caractéristique déterminante, ou la plus évidente, à l’heure d’établir une différence vu que les Catalans comme les Castillans, traditionnellement, se sont soumis au pape de Rome.

Au cours de l’histoire il y a eu des exemples de nations ou peuples qui se sont crées et défaits selon les intérêts politiques des élites dominantes du moment.

Pour créer une nouvelle identité nationale qui englobe un nouvel État, il faut juste centrer l’attention et donner la catégorie de valeur nationale, de trait distinctif, à ce qui est commun à tous les territoires de l’État. Dans le cas de la République fédérative socialiste de Yougoslavie de Tito, les différences de religion entre Serbes, Bosniaques et Croates seront oubliées et l’identité nationale sera construite sur la base de la lutte contre le fascisme et de la langue slave commune « serbo-croate ».

Pour diviser une nation en deux ou plus, il faut juste nier ce qui est commun et favoriser au maximum ce qui différencie. Pour séparer les Catalans des Valenciens, on ignore les similitudes du parler valencien avec le parler catalan occidental et on centre l’attention sur les particularités de la langue de la capitale valencienne pour tracer la ligne de séparation. Pour diviser la nation yougoslave en nations serbe, croate et bosniaque, il faudra juste rappeler à la population à quelle église ou mosquée allaient les parents des Serbes, Bosniaques et Croates.

La création des nations et leur évolution est clairement déterminée par les intérêts politiques des élites dominantes qui appliquent des plans d’homogénéisation ou de division de la population en mettant en avant ou en ignorant les différences et les traits culturels. Les nations telles que nous les connaissons et leurs frontières ont vu le jour avec des guerres et des conflits d’intérêts entre élites de pouvoir de différents endroits du territoire.

Les Pays catalans (Catalogne Nord, Pays valencien, la Franja, le Principat, l’Alguer et les Baléares) sont le résultat de l’expansion du pouvoir de Jacques Ier d’Aragon, du nettoyage ethnique sur les territoires conquis aux Sarrasins et de l’établissement de la population catalane sur les territoires annexés à la Couronne. Les nationalistes catalans prétendent maintenir durant des siècles ce statu quo hérité de Jacques Ier d’Aragon, de même que les nationalistes castillans prétendent maintenir le statu quo hérité de Philippe V.

Autant les uns que les autres prétendent appliquer leurs plans sur une population déterminée. Ils prétendent de forme consciente mouler la culture du pays à leur image et la faire évoluer dans le sens de leurs intérêts, en s’opposant et en essayant d’éviter le développement naturel des traits culturels et linguistiques des différentes communautés. Pour cette transformation culturelle planifiée on utilise les moyens de communication nationaux, et on crée des standards linguistiques, on enseigne les traits culturels que l’on désire dans les écoles de tout le territoire ou à l’extrême, on procède au nettoyage ethnique en favorisant le racisme.

En tant qu’anarchistes, nous nous opposons à n’importe quelle tentative de manipulation de la population par des intérêts politiques. Nous défendons la diversité culturelle et linguistique, le métissage, l’échange, le dépassement des traditions injustes. Nous défendons le développement libre et naturel des cultures. Nous pratiquons le respect des particularités de chacun et de chaque communauté.

C’est pour cela que nous nous opposons à l’État espagnol et ses plans d’homogénéisation artificielle et prédéterminée, de la même manière que nous nous opposons au nationalisme catalan qui prétend créer des frontières, catalaniser et construire la justice sociale sur la base des intérêts nationaux.

Ce n’est qu’en combattant de la même façon n’importe quel nationalisme, qu’il soit basque, espagnol, galicien, catalan ou andalou, que l’on peut être un minimum cohérent, parce qu’ils sont tous aussi dangereux. Et ce n’est que par le fédéralisme et l’internationalisme libertaire que l’on peut respecter l’autonomie personnelle, les différentes cultures autochtones et les particularités de chaque zone sans les sacrifier aux intérêts politiques.

Groupe Anarchiste L’Albada Social

APOLOGIE DE LA DÉLATION

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Assis sur ma couchette qui s’est convertie en l’un des endroits où je peux lire et écrire, je veux exprimer ce qui me perturbe. Le brouhaha des 50 prisonniers avec qui je partage cet espace se fait maître de l’environnement. Une faible lumière s’approche de la feuille de papier sur laquelle j’écris pour laisser place à ces mots, ces mots qui décident de rompre le silence en parlant des délateurs/trices.

Il faut avoir en tête – dans la réflexion permanente – que le but de l’État est la réduction de l’individu en utilisant ses stratégies connues qui ne sont pas vraiment une innovation, comme la matérialisation routinière de la punition à travers l’emprisonnement, la persécution et le fait de faire des exemples. Il cherche à réduire l’individu à une carte d’identité, un numéro ou un code. Il cherche à nous exterminer moralement, à anéantir n’importe quelle pratique révolutionnaire. Mais il y a un détail à remarquer : n’importe quelle personne qui se reconnaît dans l’éventail libertaire possède la notion de se situer du côté de la barricade opposé à celui du Pouvoir-autorité. Cependant, il existe des gens qui se revendiquent libertaires ou anarchistes et qui justifient et cautionnent la répression. À partir de cet aval-justification cette revendication se transforme en simple discours auto-hypocrite, ils passent de l’autre côté de la barricade, et l’on se retrouve face à eux et non plus à côté d’eux.

Si il y a des personnes emprisonnées ça n’est pas parce que les « responsables » des attentats sont coupables de l’emprisonnement par l’État d’individus à tendance ou pratiques politiques *. L’État-Pouvoir profite seulement de ces incidents pour pousser, justifier son efficacité ou « sécurité » citoyenne. C’est très clair que la nécessité politique et répressive et ses alliés plateformistes sont les seuls responsables de l’enfermement de certains d’entre nous dans les entrailles du Pouvoir. Par conséquent, c’est pathétique de demander que les personnes qui ont fait les attentats se rendent ou viennent échanger leur liberté avec celle d’autres personnes. À ces personnes qui parlent de vrais ou faux anarchistes il ne leur manque plus qu’à demander un uniforme de policier en échange de la délation et la collaboration. Ils n’ont pas compris qu’une lutte est digne lorsqu’elle possède de hautes valeurs révolutionnaires, et qu’une personne sans vide moral ne dénonce pas les autres.

Dans ce débat ça n’est pas la priorité de se déclarer « coupable ou innocent », la priorité est qu’il n’y ait pas d’autres compagnon(ne)s qui soient emprisonnés, et au sein de cette priorité il y a la douleur qui se propage dans la famille et les proches qui ne doit pas se reproduire.

Dans l’histoire des luttes sur ces terres il est inévitable de reparler des femmes aguerries du S.F.O.V. ( Syndicat Féminin de Métier Variés) et la F.O.F ( Fédération Ouvrière Féminine). Dans le courant des années 20-50 la lutte contre l’État-Bourgeois oppresseur était organisée en syndicats et à l’intérieur de ceux-là – pas seulement en Bolivie mais dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique – il y avait des initiatives empreintes d’un lien solidaire fort envers des prisonniers politiques de d’autres pays. Ces cholas** anarchistes courageuses étaient conscientes qu’il ne fallait de prisonniers anarchistes nulle part. À la fin de l’année 1927 elles ont décidé de se joindre à la campagne internationale pour la libération des anarchistes italiens Sacco et Vanzetti. Comme on le sait c’était deux immigrés, travailleurs et anarchistes, qui ont été jugés et exécutés par électrocution pour le supposé vol à main armée et le meurtre de deux personnes. Ce qu’il y a de remarquable dans cette histoire est le fait que la campagne de solidarité ne demandait pas la tête des auteurs des attentats. Les cholas anarchistes exigeaient la libération de Sacco et Vanzetti et maintenaient une conception élevée et une pratique morale. Elles savaient très bien que faire du chantage et demander aux auteurs qu’ils se rendent pour que la liste des prisonniers politiques s’allonge ne fait pas partie des luttes libertaires.

Bien que beaucoup d’eau ait coulé sous les ponts depuis ce temps, la dignité et les attitudes éthiques se maintiennent intactes. S’il y a eu des délateurs on a toujours considéré qu’ils étaient étrangers à la lutte contre le Pouvoir. Les « cholas» anarchistes du S.F.O.V. et de la F.O.F. sont une bonne référence de lutte anti-patriarcale et avec beaucoup de cohérence elles ont su se libérer d’attitudes accusatrices et délatrices. Actuellement les syndicats – en tout cas ici sur ces terres- sont dans les mains des trotskos. La lutte syndicale est devenue un organisme verticale et autoritaire, et n’a donc rien à voir avec une posture anarchiste. Elle s’est institutionnalisée et n’est qu’une agglutination de masses qui ne font que suivre les accords entre ses dirigeants et l’État.

Je ne m’attendais pas à ce que dans ce chapitre carcéral les délateurs/trices deviennent les protagonistes principaux. À ma charge, je ne m’attendais pas à ce que ceux qui disent être des compagnon(ne)s demandent à ce que les rangs des prisonniers anarchistes soient grossis. Par conséquent je rejette n’importe quel acte solidaire qui m’implique avec des individus qui valident la répression.

Je suis toujours dans l’attente de sortir de cette cage, la machine judiciaire avance lentement mais même ainsi je suis fort et ferme. J’admire tous ceux/celles qui continuent de lutter dans les prisons de dehors et de dedans. Un grand sourire apparait sur mon visage lorsque j’entends que le Caso Bombas a eu une fin, c’est une grande victoire dans notre histoire. Tous les montages des États tomberont tôt ou tard. Je refais un salut à tous les prisonnièr(e)s du Pouvoir qui ne se rendent pas, à ma famille et mes compagnon(ne)s.

Ne laissons pas nos rêves se faire voler. La solidarité est ce qui donne du courage à un(e) prisonnièr(e) et le/la fait ne pas se sentir seul.

Henry Zegarrundo
Prisonnier anti-autoritaire

N.d.T. :

* Le 28 août le collectif de solidarité Libertad a écrit : « nous regrettons que Nina [Mansilla], dans son désespoir de sortir de ce centre d’extermination, a chargé ses compagnons Krudo [Mayron Gutiérrez Monroy] et Henry [Zegarrundo] dans sa déclaration sur laquelle elle est revenue de son propre chef ; de même qu’elle a donné les noms de ceux dont elle pense qu’ils font parti de la FAI-FRI.

Le 29 septembre l’auto-proclamée « activiste anarcho-féministe » Nina Mansilla a mentionné, entre autres choses, que les personnes qui ont commis les 17 attaques devraient prendre la responsabilité de leurs actions et ne pas laisser quelqu’un d’autre « payer pour le mouvement ». De plus, au sujet de la vidéo qui selon le procureur montre Nina en action, elle a fait des allusions à des détails afin d’impliquer une autre personne qui, selon ses mots « je l’ai considéré comme une compagnonne et une sœur à un moment donné, mais je ne peux plus dire la même chose maintenant, alors qu’elle connait ma situation légale et émotionnelle, qu’elle sait que je suis là à cause d’elle, parce que soit disant j’ai une légère « ressemblance » avec elle. » Enfin, N. Mansilla a eu le culot d’écrire : « pourquoi devrais-je me taire ? Pour protéger qui ? On a dit de moi que je suis une balance, et des gens ont retiré leur solidarité envers moi parce que « j’ai accusé d’autres personnes pour me sauver » ; de ce que je vois, c’est très facile pour quiconque de se gargariser avec des discours radicaux, de parler de loyauté et de résistance derrière un clavier, d’écrire des déclarations intransigeantes contre l’État, la société et tous ceux qui ne pensent pas comme eux juste pour se faire mousser. Mais qui est à ma place ? Qui vit avec moi tous les jours ? Qui subit l’humiliation et l’intimidation que je dois supporter depuis les quatre derniers mois ? »

** Le terme chola a une longue histoire et revêt une importante connotation culturelle en Amérique du Sud. En général ça désigne les femmes andines issues de la campagne, qui portent la pollera (costume traditionnel), parlent quechua ou aymara et vendent leurs produits sur les marchés (un archétype des femmes andines). Mais chola peut aussi représenter une certaine attitude dans la façon d’être et de vivre, des traits qui complètent la tenue pour être identifié comme tel. Le terme était utilisé de façon péjorative par les bourgeois pour désigner une femme belliqueuse, séductrice et lascive, en somme un objet de désire sexuel, et de plus l’incarnation du sacrifice à travers la maternité et le travail. C’est devenu un terme qui symbolise la triple oppression que ces femmes subissaient (et subissent encore) : discrimination basée sur l’indigénité, la classe sociale et le genre. Comme Henry l’explique dans le texte le terme désigne aussi les qhateras (marchandes) et d’autres femmes qui se sont rebellé depuis les années 20 et ont pris part à la lutte anarchosyndicaliste en Bolivie, et plus particulièrement à La Paz, s’appropriant le terme chola.

Lettre d’un-e prisonnièr-e à une mouette libre

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On dit que les hommes ne pleurent pas
Je ne pleure pas parce que je n’en suis pas un
Je suis un animal sauvage à l’intérieur d’une cage
Parce que l’autorité fait que des murailles et des barreaux existent
Et tant qu’elle restera ainsi ce sera comme ça
Mais même si elle existe nous sommes là :
Les anti-autoritaires qui ne voulons pas perdre ;
Qui ne voulons pas ne pas pleurer ;
Dans la prison de dehors ou de dedans nous sommes libres,
Parce qu’à l’intérieur de nous survit un cœur sauvage,
Une âme rebelle qui détruit n’importe quel antagonisme.
Nous avons des sensations différentes :
Nous pleurons de joie, de tristesse, de rage, mais pas de peur,
Nous faisons face à la peur.

Nous sommes les incontrôlables sauvages
Qui envoyons et recevons de beaux gestes de solidarité.
On poursuit mes frères/sœurs et compagnon(ne)s,
On les emprisonne et on essaie de les extraire de leurs vies dignes ;
Nous contaminons la normalité partout,
Fermes, rebelles, sauvages et fortement conséquents.

Que les Belles Eaux suivent leur cours rebelle,
Que les tiens soient bientôt avec toi,
Que toutes la force que tu envoies te revienne
Chargée d’autant de force que tu en envoies.

Aujourd’hui je vole vers l’inconnu, dans l’obscurité,
Je retourne vers l’anonymat même si le pouvoir m’a sorti de là,
Aujourd’hui je me lève avec l’envie de revenir,
De revenir à la montagne sauvage d’où je viens,
Au lieu où je n’ai pas de nom mais une identité oui.
Toi tu prends ton nom parce que tu es toi,
Pas ce que les autres veulent que tu sois.
Tu es une indomptable qui refuse l’autorité,
Jamais ton noble cœur ne permettra qu’ils ne te vainquent.

Le pouvoir ou ceux qui te critiquent sans se connaître eux-même ne t’effaceront jamais,
Jamais ton nom ne sera un de plus dans notre histoire
Parce que tu l’as décidé ainsi, tu fais le nécessaire,
C’est pour ça qu’aujourd’hui nous pleurons de joie ensemble,
Parce que ces mots sont l’équivalent d’une grosse bise.

source

Contre la quotidienneté du capital

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Action directe aux alentours du campus Juan Gómez Millas, à Santiago.

En vivant l’oubli et l’impuissance d’une société qui s’attache à fixer l’attention sur ce qui maintient des vies malheureuses, insatisfaites et domestiquées. En assimilant le spectacle d’une économie qui feint d’être le progrès même. En observant comment l’amnésie capture des esprits et les rend vide de souvenirs, comment la non-mémoire de milliers abonde dans la mort de milliers d’autres. En allumant la télé et en voyant comment 200 imbéciles mettent des journées interminables à augmenter de quelques centimes le salaire minimum.

Pour le mapuche à qui on viole la terre, pour le prisonnier qui déteste sa cellule et se trouve enfermé entre les murailles de l’institution célèbre produite par les riches pour rester riche, pour la féministe qui ne tolère pas le machiste, pour le travailleur qui prostitue sa vie et déteste son patron, pour le futur étudiant éternel débiteur, pour l’homosexuel qui cache ce qu’il veut vivre à cause d’une société qui condamne la différence par l’indifférence et le rejet, pour l’immigrant qui veut être de partout dans le monde, mais qui s’en voit empêché, car la marchandise s’écoule plus rapidement et libre que lui qui ne veut pas croire dans les nations, pour l’anti-spéciste qui sait que pas uniquement celui qui marche sur deux pattes peut être son frère, pour le vagabond qui ne s’habille pas d’un col et d’une cravate, mais qui a plus à raconter que n’importe quel stupide tas de soie, pour chacun à qui ça soulagerait que le mois soit plus court pour pouvoir vivre plus tranquillement. Pour tout cela, nous faisons face, et nous n’arrêterons jamais de le faire. La vie elle-même est un champ de bataille, et si tu ne veux pas livrer bataille c’est parce que tu es déjà mort, engrenage nauséabond de l’état actuel des choses qui produit et reproduit la misère et l’insatisfaction !!

Depuis la rage même, la haine libre qui émane de toute cette putréfaction, crions nos slogans , interrompons la vie que nous détestons, tout comme nous détestons vos vies, nos propres vies, le monde entier, toute cette réalité capitaliste que nous supportons jour après jour, toute cette insatisfaction, pour tout ça je ne veux plus continuer de vivre comme ça, nous y mettons le feu, car nous voulons respirer, nous aspirons à une vie différente !!

Je n’oublie pas ceux qui sont tombés à cause du terrorisme de la machine étatique chilienne au service de la machine mondiale capitaliste. Alex Lemún, Manuel Gutiérrez, Claudia López, Matías Catrileo, Johnny Cariqueo, Rafael Vergara, Eduardo Vergara, Rodrigo Rojas de Negri, et d’autres.

Traduit de hommodolars