Écrit depuis une prison de cette société carcérale : histoire de clandestinité

volar“Lorsque les adjectifs qualificatifs disqualifient, le nom propre cesse d’en être un …
Nous volons pour la liberté … ”

Il est rentré dans la clandestinité comme on rentre dans une cascade d’eau.

Un beau jour il s’était réveillé avec un nom et une histoire – qu’on appelle identité-, le problème était le futur.

Sa prochaine demeure c’était la prison. À la fin de ce même jour rien de tout ça n’était à lui.

Ce qui composait sa personne c’était des bagages, une information qu’il portait en dehors des frontières de sa peau, il allait avec comme une ombre. Un fossé profond s’était élargi entre lui et le futur qu’il avait prévu.

Les premiers jours étaient courts. L’adrénaline ne laissait pas l’ennui ou la nostalgie s’installer , il relisait encore et encore le petit bout de papier, déjà froissé, qui contenait les informations basiques de son nouveau Moi. Il y avait des choses faciles, les noms, le travail, c’était des choses connues en étroit rapport avec sa propre vie; dans l’immédiateté de la réalité. Mais il y en avait de très difficiles; les chiffres lui avaient toujours échappé. Il se rappelait le bon choix de sa décision : son humanité résidait dans la fuite. Son Rut* contenait une multitude de chiffres, dans un ordre impossible !

Ça allait être long; il espérait que le fossé allait le séparer du futur obscur, de la prison et son humidité, son froid permanent, ses bruits sourds. Tout ça restera loin, de l’autre côté de l’abime où il voulait jeter ses peurs les plus profondes. Il pouvait ainsi vaincre la défaite.

Ces pensées lui provoquaient un rire nerveux, la demi-lune de son sourire se dessinait sur sa bouche, et laissait voir ses dents toutes blanches. Il devait le réprimer, il n’allait pas révéler sa liberté aux être obscurs de la Ville.

Quelques jours passèrent, et le temps n’était pas le temps; l’éclat de rire n’était plus si facile, il y avait moins de joie et plus de réflexion, l’ombre de son identité était toujours collée à ses pieds, il pensait aux enfants de Peter Pan, qui cherchent leur ombre. Et si il la perdait ? L’idée l’angoissait. Même ce futur obscur qui faisait parti de cette ombre lui semblait faire parti de lui.

Enfin bon, secouer la veste et se débarrasser de la nostalgie. Les enfants vont bien grandir. La compagnonne est forte et aimante. Elle lui avait offert un baisé éternel fort et sincère; rempli d’émotion il revenait sans cesse sur cette image. Ça le réconfortait et ça lui faisait aussi ressentir sa grande solitude crue.

Mieux vaut revenir au sentiment de victoire; la défaite de la défaite … c’est une nourriture. Il remplit ses poumons, il était un homme heureux, personne ne pouvait le contredire. La vie, vive, apparaissait à l’horizon. Il y aura du temps, il avait laissé au sol chaque décision du pouvoir sur son corps.

Les rires revenaient – et ça n’était pas la solitude; il entendait les rires de ses proches, de ses compagnons et des autres, il savait qu’il allait main dans la main avec les pires intentions, et avec les tumultes les plus créatifs de personnes vivantes et mortes.

S’observer, voyager, couler, changer, développer ces autres habilités, se connaitre un peu plus. S’aimer beaucoup, et toujours un peu plus. La peur comme bouclier, l’idée dans la paume des mains, voler et voler pour la liberté …

Salutations chaleureuses aux femmes et hommes qui façonnés d’amour prennent l’envol de leurs propres ailes.

-Libertad Estrella.-

*le Rut est le numéro d’identification (au Chili)

Publicación Refractario

 

Lettre d’un-e prisonnièr-e à une mouette libre

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On dit que les hommes ne pleurent pas
Je ne pleure pas parce que je n’en suis pas un
Je suis un animal sauvage à l’intérieur d’une cage
Parce que l’autorité fait que des murailles et des barreaux existent
Et tant qu’elle restera ainsi ce sera comme ça
Mais même si elle existe nous sommes là :
Les anti-autoritaires qui ne voulons pas perdre ;
Qui ne voulons pas ne pas pleurer ;
Dans la prison de dehors ou de dedans nous sommes libres,
Parce qu’à l’intérieur de nous survit un cœur sauvage,
Une âme rebelle qui détruit n’importe quel antagonisme.
Nous avons des sensations différentes :
Nous pleurons de joie, de tristesse, de rage, mais pas de peur,
Nous faisons face à la peur.

Nous sommes les incontrôlables sauvages
Qui envoyons et recevons de beaux gestes de solidarité.
On poursuit mes frères/sœurs et compagnon(ne)s,
On les emprisonne et on essaie de les extraire de leurs vies dignes ;
Nous contaminons la normalité partout,
Fermes, rebelles, sauvages et fortement conséquents.

Que les Belles Eaux suivent leur cours rebelle,
Que les tiens soient bientôt avec toi,
Que toutes la force que tu envoies te revienne
Chargée d’autant de force que tu en envoies.

Aujourd’hui je vole vers l’inconnu, dans l’obscurité,
Je retourne vers l’anonymat même si le pouvoir m’a sorti de là,
Aujourd’hui je me lève avec l’envie de revenir,
De revenir à la montagne sauvage d’où je viens,
Au lieu où je n’ai pas de nom mais une identité oui.
Toi tu prends ton nom parce que tu es toi,
Pas ce que les autres veulent que tu sois.
Tu es une indomptable qui refuse l’autorité,
Jamais ton noble cœur ne permettra qu’ils ne te vainquent.

Le pouvoir ou ceux qui te critiquent sans se connaître eux-même ne t’effaceront jamais,
Jamais ton nom ne sera un de plus dans notre histoire
Parce que tu l’as décidé ainsi, tu fais le nécessaire,
C’est pour ça qu’aujourd’hui nous pleurons de joie ensemble,
Parce que ces mots sont l’équivalent d’une grosse bise.

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