[Grèce ]Texte des prisonniers anarchistes Alexandros Mitroussias et Giorgos Karagiannidis

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Bien sûr, la contradiction est ce qui alimente la critique de nos détracteurs. Ainsi, la soi-disant »défaite » de la revendication de responsabilité est utilisée en même temps comme l’alibi de base des anarchistes innocents emprisonnés et de leurs solidaires pour prouver qu’ils n’ont pas de lien avec ce dont les flics les accusent (par exemple le procès pour les 250 attaques de la Conspiration des Cellules de Feu, où sont poursuivis avec nous d’autres personnes étrangères). Si la « défaite » du choix de la revendication de responsabilité pris par nous n’existait donc pas et que nous avions recourus à un vague flou, puisqu’en outre il n’existe légalement pas de preuves (empreintes digitales, ADN, témoins visuels) contre nous, alors peut-être que quelques-uns en viendraient à « se plaindre »…

Cette citation précise est un extrait d’un texte de la CCF publié le 15 octobre 2013 [1]. De notre côté, nous voudrions clarifier toutes les discussions soulevées au sein du paragraphe sus-dit, dans leur tentative de créer une impression à travers une manière de s’exprimer vague qui exacerbe la confusion. Tout d’abord, l’emploi du terme « de leurs solidaires » est très problématique, car c’est offensant pour tout-e compagnon-ne qui a participé à des mouvements de solidarité envers nous d’être mentionné comme « notre » solidaire. L’usage du pronom possessif est incorrect puisqu’il laisse entendre que chaque prisonnier a ses solidaires propres et exclusifs.

Nous n’avons donc pas « nos » solidaires car nous ne pensons pas en de tels termes. De plus, jamais jusque-là nous n’avons fait référence aux poursuites auxquelles nous faisons face en utilisant la dualité légale innocent/coupable parce que ces concepts découlent de la justice bourgeoise. Dans aucune circonstance donc, nous n’avons invoqué notre innocence de manière générale et vague avec pour seul but des peines plus favorables. Les tribunaux peuvent nous condamner mais pas nous juger, ils peuvent nous acquitter mais pas nous innocenter. Nous avons reconnu ce qui nous correspond et nous avons déclaré que les armes que nous portions n’ont pas de lien avec l’action de l’organisation. Pour nous, notre présence au tribunal renferme la preuve de la démonstration des tactiques et manipulations de la part de la police et des juges qui ont donné lieu à notre inculpation sous les charges les plus élevées possibles, avec jusqu’à maintenant quatre affaires judiciaires différentes contre nous et éventuellement encore une autre à venir de l’État italien.

Malgré tout, la CCF persiste, soit au tribunal, soit dans ses textes, de nous mentionner dédaigneusement, ainsi que d’autres, comme « accusés innocents ». Et on ne peut que s’inquiéter que la dualité innocent/coupable soit intégrée dans le discours d’une organisation révolutionnaire, une dualité ennemie qui est introduite par le pouvoir étatique et sur lequel tant de brochures et de textes ont été écrits.

Pour nous, la revendication de responsabilité pour participation à une organisation ne constitue pas une défaite et nous ne partageons pas de telles logiques. De toute manière, personne ne se déclare innocent parce que d’autres anarchistes ont revendiqué la responsabilité pour participation à une organisation. La position qui dit que la revendication des membres de la CCF s’utilise comme alibi – principal – par tous ceux qui sont accusés avec eux est inconsistante. C’est-à-dire que l’on n’invoque pas le manque de preuves de la part de la police mais que l’on revendique que certains sont membres pour faire face à chaque accusation ? Cela ne s’est jamais passé.

Nous sommes en prison depuis près de trois ans, faisant face à de longues peines de prison et des allégations sur lesquelles nous n’avons pas été encore jugés en première instance. Quand nous voulons intervenir publiquement en utilisant Indymedia, nous ne le faisons pas pour participer à une arène publique mais à un cadre d’information. Nous avons conscience que cette intervention n’offre rien en soi, cependant laisser un fait imaginaire être restitué comme une vérité, d’une manière délibérément abstraite crée la confusion et donne libre cours à des insinuations.

Alexandros Mitroussias, Giorgos Karagiannidis
Prison de Korydallos, 22 octobre 2013

Source : Indymedia Athènes

En anglais

[1] http://theparabellum.squat.gr/2013/10/15/spf-sxedio-foinikas-7-prakseis-kai-1-apologismos/ (en grec)

Un jour tout ça terminera

loneUn jour tout ça terminera,
et l’on dira qu’au moins on a essayé.
Que nous ne sommes pas nés injustement,
ni ne sommes devenus un fardeau pour la terre pour rien,
Que nous avons laissé quelque chose derrière nous.

Et on aura des rides sur nos visages,
chaque ride une entaille profonde,
pour chaque moment d’agonie
pour chaque éternité de solitude.

Ceux qui ont peur des rides,
ont peur de leur passé,
de leur présent dénué de sens,
de leur futur prédéterminé.
Ils se détestent. Ce qu’ils deviennent.

Le temps laisse ses traces.
Et nous les assumerons avec fierté.

Anastasios K. Theofilou
prison de Domokos
23.10.2012

Lettre d’une lycéenne à ses parents

la_des1-300x225Je sais que je vous dois beaucoup. Vous m’avez donné naissance, vous m’avez nourrie et abreuvée, et vous m’avez élevée. Vous m’avez même aimée. Ou plutôt vous dites que vous m’avez aimée. Car la réalité est un peu différente.

Vous m’avez amenée dans un monde où vous étiez forcés de me laisser quelque part chaque jour, et de partir à vos occupations et votre travail. Vous m’avez mise au monde, puis vous avez toujours cherché un endroit où me jeter. Vous m’avez amenée à l’école et, comme si ce n’était pas suffisant, vous m’avez fait suivre toute une série de cours de soutien, et m’avez inculqué l’anxiété pour mon avenir incertain. Si mon futur est si incertain, si vous avez fait de cette planète un endroit si dangereux où vivre, pourquoi alors m’avoir amenée dans ce monde ? En quoi consiste ma vie ? Deux heures par jour de télé et de jeux vidéo ?

Je veux découvrir le monde, ouvrir mes ailes, m’envoler et tout observer en l’espace d’un instant. Je veux sortir et rencontrer des gens, jouer et m’amuser, me sentir heureuse et ne pas me soucier de si j’ai cours demain et que je n’ai pas fait mes devoirs. Je veux rêver d’un monde où ils ne chercheront pas de lieu où me stocker, où ils n’auront pas à travailler en permanence, où l’on ne craindrait pas de rencontrer de nouvelles personnes, où le futur ne m’effraiera pas, et où il n’y aura ni maîtres ni esclaves.

Je vois votre misère mais je ne m’y suis pas habituée, et je ne veux pas m’y habituer. Vous ne me ferez pas baisser les bras juste parce que vous avez baissé les vôtres. Je ne veux être ni l’esclave ni le chef de personne. Je veux que vous me laissiez tranquille.

Je n’ai pas peur de ces chiens de garde en uniforme dont vous avez peur. Vous voyez de l’ordre et de la sécurité en eux. Cessez de vous moquer de moi, car je sais très bien que cet ordre n’est qu’hypocrisie ; quant à la sécurité publique, eux-mêmes sont le plus grand des dangers.

Ils sont des symboles du Pouvoir, de votre propre autorité, de l’autorité des profs, des politiciens, de tous les adultes qui vivent ainsi. Vous êtes ceux qui ont appris à vivre ainsi, pas moi. S’ils veulent me chercher des noises, ils vont voir. Ils n’ont aucune chance face à moi, qu’ils gardent bien ça en tête. Je suis en colère et dangereuse. Et nous sommes nombreux, nous somme partout, on peut même nous trouver dans les foyers des meurtriers. Partout où ils sont, ils ne peuvent pas se cacher de nous. D’une façon ou d’une autre nous sommes ceux qui resteront debout, pas eux.

Ne soyez pas fâchés contre moi, je fais seulement ce que vous m’avez appris. Vous dîtes que cette révolte n’est que désordre et destruction. Et maintenant que je grandis, désordre et destruction sont tout ce que vous obtiendrez de moi.

Je vous aime. À ma façon toute particulière, mais je vous aime vraiment.

Mais je dois construire mon propre monde afin de vivre une vie libre, et pour cela je dois détruire le votre. C’est la chose la plus importante à mes yeux. Pour le dire avec vos mots : c’est mon travail.

Grèce, décembre 2008