Communiqué de lycéens de l’Instituto Nacional

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Je ne parle pas de choses abstraites, je suis quelqu’un de très concret. Je te parle de prisonnier-e-s, de blessé-e-s, de mort-e-s, de personnes expulsées du lieu où elles vivent, de personnes qui meurent en cherchant un salaire. De personnes démolies dans leurs têtes parce qu’elles mangent des pilules contre la tristesse. La terre détruite par les routes. Les élevages, les centres de rétention et avant ça la guerre (…) Ça te semble exagéré notre manière de penser, mais c’est comme ça. La guerre c’est comme ça. Ici il y a une guerre et toi fais ce que tu veux.”
PIB – Ponte como quieras

Ce système est pourri depuis sa racine. L’ambition d’une poignée de personnes et l’idiotie-passivité de beaucoup qui n’ont rien fait pour faire face à ça, nous mène, ou nous a déjà amené, à une catastrophe naturelle presque sans issue. Et nous croyons vraiment que nous pouvons maintenir ce mode de vie d’une manière durable ? … impossible. Nous produisons 1000 fois plus que ce dont nous avons besoin et les médias nous mettent ces produits dans la bouche en les présentant comme nécessaires. Et même si nous arrivions à maintenir ce mode de vie durablement (comme le voudraient certains écologistes) nous savons que ça ne servirait à rien parce que nous en avons marre de ce mode de vie misérable et nous ne voulons pas continuer d’amener de l’eau au moulin de ce stupide progrès, nous ne voulons pas gaspiller nos vie à travailler du lever au coucher du soleil, nous ne voulons pas passer les meilleures années de notre jeunesse enfermés dans une école avec de pathétiques jours de repos accordés uniquement pour nous rendre plus productifs, et nous ne voulons pas non plus mourir d’un cancer ou d’une de ces maladies modernes provoquées par toute la merde qu’ils ont fait de notre alimentation. Ce qui est certain c’est que ce système c’est de la merde et sur ça y a déjà suffisamment de choses écrites.

Ce qui est important c’est que face à tout cela l’école n’est pas un salut, comme beaucoup veulent le faire croire, mais elle est une horrible institution dans laquelle on nous prépare pour cette vie. Dans ce lieu on nous apprend à obéir sans poser de question, les horaires, la routine, les façons d’agir et de suivre une ligne de conduite qui ensuite nous servira pour devenir un engrenage de plus, de la main d’œuvre ou un professionnel avec des activités stupides et routinières. Ces choses qu’on nous enseigne ne sont utiles que pour ce système. Tu veux être ingénieur pour construire des grands centre commerciaux ou des immeubles ? Pourquoi faire ? Si c’est ce que nous devrions abattre.

Mais le sens que nous donnons au terme nocivité, dépasse celui de la simple capacité de mettre en danger la santé d’un organisme ou d’un écosystème. Nous parlons sous les yeux de la nocivité culturelle, politique, sociale mais la situation que nous souhaitons identifier c’est le processus qui caractérise la relation de pouvoir, de technologie et de manipulation, de destruction du vivant, des intérêts de l’héritage acquis par l’industrie scientifique, de millier d’années de pensée autoritaire et anthropocentrique. Quelque chose qui va bien au-delà d’un problème sanitaire, impliquant les aspects fondamentaux d’une civilisation technologique qui se nourrit du temps et de la vie de milliers d’individus humains et non humains, qui trie et redivise les êtres vivants en races, en espèces, en catégories rentrées dans une échelle hiérarchique qui classifie selon ses nécessités ”.
Extrait du “Manifiesto Della coalizione contro ogni nocivita”. Dans “Nanotecnalogie: la pietra filosófale del dominio” Revista II silvestre 2011

Pour les raisons déjà citées (et bien d’autres dont nous n’avons pas le temps de parler) nous avons décidé de poser une bombe de fumée (NdT : dans le lycée), dans un but plus symbolique que destructeur, afin que cette pestilence se souvienne et imprime bien dans sa conscience que l’école aussi est une institution pourrie comme le sont les banques ou un commissariat, et donc elle fait tout autant partie de la grande machinerie de ce système et doit être attaquée. Par cette attaque nous voulons aussi rompre avec le discours généralisé des étudiants qui veulent réformer l’irréformable et ainsi se contenter de contribuer à la perpétuation du système, comme l’a déjà dit Theodore Kaczynski, c’est le “tour le plus ingénieux du système”. On ne veut pas dire par ça qu’étudier c’est mal, si quelqu’un veut étudier qu’il étudie, y a toujours eu des gens intéressés par le savoir, de plus avoir des connaissances peut nous donner les armes cognitives pour en finir avec l’idéologie dominante qu’on essaye de nous faire rentrer dans la tête. Le propos c’est plutôt de critiquer l’école comme une contrainte et comme un outil au service du système. Nous voudrions insister sur la contrainte pour tous ceux qui disent “si vous aimez pas le lycée pourquoi vous partez pas ?”, parce que si c’était comme vous le présentez (comme une simple liberté de consommation) ça serait facile, et on se serait tiré de là depuis belle lurette. Or le capitalisme agit comme une contrainte qui englobe toutes nos vies. Qu’est-ce qui se passerait si nous n’allions pas à l’école ? Nous devrions devenir de la main d’œuvre pas chère sans diplômes, travaillant du lever au coucher du soleil sans avoir le temps de connaître nos proches, ou que se passerait-il si nous décidions d’aller vivre dans les bois pour vivre le vieux fantasme hippie ? Il suffirait qu’on se trouve dans un endroit suffisamment intéressant pour le capitalisme pour qu’on nous vire de là à coup de fusil, comme ça se passe de nos jours avec les mapuches, et c’est pour ça que nous ne voulons pas coexister pacifiquement avec le système, que nous aspirons à être partout le bâton dans ses roues,  qui ne lui permet pas d’avancer et qui le détruit.

Nous avons conscience qu’un lycée comme celui-ci, même s’il n’est qu’un engrenage, peut aussi permettre à certaines personnes d’accéder à une vie un peu plus digne, et c’est pour cette raison que nous considérons qu’un acte de sabotage est plus utile qu’un acte de destruction, mais nous préférerions cent fois plus que quelqu’un veuille le détruire plutôt que d’en faire un autel.

Nous voudrions aussi dire ce que l’on pense de sortir faire la fête*. Le système t’offre deux options : ou bien t’es un gros bosseur, c’est à dire un futur contributeur de ce système, ou bien si tu n’as pas les capacités ou que t’as la flemme, on te donne la possibilité de concentrer ton énergie pour faire la fête, où de toute façon tu finiras par contribuer au système. Ainsi nous appelons à être sérieux, à se préparer et attaquer, et c’est pour ça que nous refusons la pose hypocrite de l’inadapté fêtard qui n’a en rien une attitude rebelle ou anti-système.

Nous savons que malgré tout ce que représente l’école, il y a des profs qui contre toutes les limites que le système impose, essaient de faire du lycée quelque chose de plus supportable, essayant de ne pas se résigner à leur rôle de prof, et nous avons beaucoup de respect envers eux. Mais il y a aussi tous ces inspecteurs, professeurs et directeurs qui croient avoir l’autorité suprême, nous humiliant et nous mettant de sales notes comme si il n’y avait pas de conséquence alors qu’en réalité ils jouent avec notre futur, se comportant comme des juges ou des procureurs. Nous leur rappelons que malgré notre jeune âge nous savons reconnaître ceux qui nous font du mal et saurons appliquer notre justice. Ça serait dommage que la prochaine bombe explose dans vos voitures ou vos maisons, ainsi nous vous mettons en garde.

Si je crois en la justice ? Non. Ce que tu comprends par justice n’est qu’une contradiction vivante (et des pires) : tu dis que la “justice” c’est ce qui nous maintient sain et sauf en temps que société civilisée, mais c’est cette même justice dont tu me parles qui est responsable de toutes les guerres … tu connais la phrase  “œil pour œil dent pour dent ” (…) Le soi disant juste est injuste, le soi disant bien est mal, tout dépend d’où tu le vois. Ma façon de résoudre les problèmes c’est un duel, à mort si c’est nécessaire, avec mes ennemis. De toute façon je serai toujours celui qui résoudra mes problèmes, c’est ce qui m’incombe en tant qu’individu autonome. Je ne paierai jamais de gros bras pour résoudre mes problèmes. Ce système mercenaire c’est celui des matons et pas le mien. Que ce soit des matons, soldat, flics, personne ne leur enlèvera leur rôle de sbires ”.
Un-e de l’entropía

À la veille d’un nouveau 11 septembre nous voudrions nous souvenir de tous ceux qui sont tombés en action directe, et rappeler que dans ce lycée comme dans tant d’autres il y a eu des personnes qui ont lutté face à l’ennemi, laissant la peur de côté. Que malgré toutes les fausses possibilités pour se rebeller qui se présentent à nous (mais qui ne sont qu’une façon de nous canaliser et contrôler la révolte) il y a toujours eu un autre choix  : celui d’attaquer, celui de ne pas attendre le bon moment qui n’arrivera jamais si nous ne le construisons pas, celui de reprendre notre vie en main et d’en faire un défi contre le pouvoir, ce choix que beaucoup portent et ont porté en eux et que le pouvoir s’est appliqué à cacher : le choix qui existe encore et que certains continuent de faire, et pour le faire il n’ y a pas besoin de faire partie d’un collectif ou un parti, il faut juste avoir envie, perdre la peur et passer à l’offensive.

Pour tout cela nous saluons ceux qui ont fait ce choix, notre tendresse la plus sincère et une bise pour vous tous. Ça va aussi pour ceux qui ont souffert et souffrent des conséquences de tout ça, pour vous : soyez tranquilles, nous nous sommes nourris de vos expériences et courage, nous serons la jeunesse qui va en finir avec cette merde.

Liberté pour tous les prisonniers du monde, qu’ils soient enfermés derrière les grilles ou en dehors.

Beaucoup de force pour les mapuches qui sont en lutte contre le capitalisme !

Multiplions les noyaux d’action !

Vive l’internationalisme de la FAI-FRI !

Ainsi je pense qu’un rebelle devient un guerrier lorsqu’il est capable de se relever bien qu’il soit tombé de très haut, lorsqu’il est capable de faire face à la réalité. Un guerrier ne doit pas forcément savoir fabriquer une bombe ou la manipuler, il n’a pas non plus à connaître des techniques de camouflage ou savoir comment tirer sur les flics, ce sont des choses qu’on apprend en complément. Les guerriers sont dangereux pour leurs idées et principes, parce qu’ils vont jusqu’au bout, toujours debout, inébranlables, parce qu’ils ne se trahissent pas eux-mêmes, ni leurs compagnons, parce qu’ils sont toujours sur le qui vive, parce qu’ils n’écoutent pas les rumeurs ou les commérages, parce que s’ils ont un problème ils l’affrontent, parce que s’ils sont tristes ils pleurent, et s’ils sont heureux ils rient, parce que s’ils ont la rage ils explosent, parce qu’ils savent mener une vie pleine, mais pas tranquille pour autant. C’est ça les vrais guerriers”
Luciano Pitronello – Ex-prisonnier insurrectionnaliste

PS: on aimerait parler face à face de plein de thèmes dont on n’a pas pu parler, parce que nous savons qu’un texte comme celui-ci ne peut pas contenir tout ce que nous voudrions dire, c’est pour ça que nous demandons que ce texte ne soit pas juste lu, et que vous tiriez vous-même vos propres conclusions. N’attends pas de nous qu’on te donne toutes les réponses, nous pouvons seulement donner quelques indices sur ce que nous ne sommes pas et que nous ne voulons pas être.

L’insurrection c’est aussi valoriser la remise en question elle-même”.

Enfants mutilés par l’éducation, en affinité avec la FAI-FRI
Septembre 2013

*en espagnol du Chili carretear c’est faire la fête

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