L’action et la solidarité sont urgentes, le reste n’est que prétexte

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Réflexions sur l’avancée de la répression au Chili. Diffusant la solidarité avec Juan, Nataly et Guillermo.

1. Nous y revoilà. Parce que la guerre continue.

Suite à un cycle d’actions de rue, de manifs et d’expansion des conflits sociaux au Chili, le pouvoir a cherché à créer des mécanismes qui favorisent la continuité et le renforcement du modèle de domination démocratique.

Afin d’éviter que les fissures ne s’étendent dans l’ordre social remis en question, ou deviennent plus profondes, le gouvernement en place a déployé diverses tactiques qui lui permettent d’étouffer progressivement le mécontentement. Ainsi aux mobilisations massives qui ont remis en question le modèle économique et social crée sous la dictature, il a répondu par des propositions de réformes sociales qui récupèrent les slogans des mouvements de protestation pour les inclure dans des solutions modelées par l’État. Face à la critique contre « l’élite politique » il a répondu en « ouvrant »  des sièges parlementaires à des dirigeants sociaux et étudiants. Face à la critique qui dit « la vieille politique à portes fermées » il a organisé des tables de négociation avec des organisations citoyennes pour discuter des demandes et renforcer l’image démocratique et participative de l’État. Ce qui parmi d’autres mesures cherche à augmenter le consensus social, affaiblir la remise en question de l’ordre dominant et assurer un nouveau cycle de gouvernance pour le pays.

Mais en prévenant de futures crises du modèle de domination capitalisto-démocratique, cet « agenda social » de l’État s’est développé en parallèle d’une politique répressive destinée à isoler et punir les secteurs radicalisés qui propagent la non-négociation, l’intransigeance et l’affrontement avec l’ordre existant. D’autres compagnon-ne-s ont déjà esquissé tout ça  depuis quelque temps.

Nous nous voulons approfondir sur un aspect en rapport avec ce dernier point, qui a à voir avec la configuration d’une nouvelle politique contre-insurrectionnelle destinée à l’annihilation de toute remise en question radicale du pouvoir, et qui a aujourd’hui comme priorité politique et expérimentale l’offensive contre le milieu anarchiste le plus combatif, c’est à dire celui qui mise sur l’insurrection et l’offensive multiforme contre toute forme d’autorité. Ce milieu dont nous venons en tant qu’individus qui luttent pour la liberté et en tant que noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande.

Dans ce texte on prend le temps de réfléchir. On ne veut pas répéter des choses déjà dites, mais réaffirmer nos positions de guerre en exprimant notre situation en plein dans un nouveau contexte de répression qui va crescendo. Nous croyons que c’est un moment clé dans la continuité de la lutte contre l’ordre social capitalisto-autoritaire sur notre territoire. C’est pour ça que c’est important de se donner le temps et d’analyser la réalité dans laquelle on vit pour favoriser l’expansion de l’attaque multiforme contre le système de domination et affiner nos positions parmi ceux qui le combattent.

C’est pour ça qu’avant tout, ces idées que nous exprimons ici surgissent à la chaleur de la pratique de l’anarchie et cherchent surtout à réfléchir sur « comment continuer », pour ne pas tomber dans l’immobilisme que cherche à obtenir l’ennemi, ni dans les lectures simplistes qui se laissent dépasser par un contexte en changement et dynamisme permanent.

2. Le pouvoir démocratique au Chili et ses avortons contre-révolutionnaires.

Dans le but d’éviter une crise de l’ordre institutionnel et afin de s’assurer un nouveau cycle pour le modèle de domination démocratique, la politique actuelle contre-insurrectionnelle de l’État chilien a commencé à élaborer des commissions et des sommets de sécurité en prenant comme excuse la nouvelle vague d’attaques incendiaires-explosives qui en 2014 ont été en augmentation en comparaison avec les deux dernières années.

Récupérant l’enseignement répressif des dictatures civico-militaires de la dernière moitié du siècle et sa continuité sous des régimes démocratiques, l’État chilien se sert de sa propre expérience, avec ses réussites et ses erreurs, dans la désarticulation de la subversion marxiste d’abord, et ses tentatives d’anéantir l’insurrection autonome anti-autoritaire plus récemment. En associant des méthodes anciennes avec des nouvelles, le pouvoir est en train d’engendrer une nouvelle politique contre-insurrectionnelle qui a recours à différentes tactiques déjà connues, et qui aujourd’hui sont configurées dans un modèle applicable aux nécessités actuelles du pouvoir.

En ce qui concerne la répression sélective envers des groupes belligérants spécifiques dans le présent et envers ceux qui peuvent apparaître à l’avenir, l’État chilien est en train de reconfigurer et de renforcer ses appareils d’intelligence, en cherchant à donner plus de pouvoir à ses policiers et en incorporant la figure de l’agent sous-couverture pour infiltrer des groupes antagoniques au système, en donnant la priorité à ce qu’ils appellent « l’anarchisme insurrectionnel ». Par là ils cherchent à obtenir des informations sur les milieux de lutte, cherchant des preuves pour mettre des compagnon-ne-s en taule. Ils cherchent aussi à encourager le développement d’opérations armées incitées par des agents sous couverture et « menées » par la police qui jette des compagnon-ne-s dans les griffes de la répression. Avec ça ils cherchent aussi à susciter la méfiance entre compagnon-ne-s, l’isolement entre groupes et l’affaiblissement moral et matériel des forces hostiles au pouvoir.

À côté de ça l’appareil répressif dans sa dimension juridique se renforce, pour appliquer toujours plus d’années de prison à ceux qui sont arrêtés au cours d’actions de violence antagonique, renforçant la loi de contrôle des armes et blindant la législation anti-terroriste au maximum, en misant sur le fait que dans le futur n’importe quel agissement qui mette en danger la stabilité de l’ordre social puisse être écrasé par la machinerie légale du pouvoir.

Tout cela a été modelé au cours des derniers mois avec un déploiement médiatique qui cherche à dégager le terrain pour les agissements des forces répressives, suscitant la panique collective face à la figure crée du « terroriste », provoquant le consensus afin que la répression progresse sans remise en question de la part de la population. Par le bombardement médiatique d’images et de gros titres de presse sur le « danger terroriste », le pouvoir tente de vider de son contenu politique et révolutionnaire n’importe quelle revendication qui accompagne l’action violente contre l’ordre établi.

Cette manœuvre déjà connue mais favorisée par l’actualité ne place plus les médias de masse comme de simples outils pour les plans du pouvoir mais comme une nouvelle armée d’occupation destinée à pénétrer dans les esprits et les comportement des masses.

3. Au sujet d’une action qui a provoqué des débats pour affiner nos objectifs.

Comme on le sait, le 8 septembre dernier un extincteur avec de la poudre noire a explosé dans les couloirs d’une galerie commerciale d’une station de métro dans la commune de Las Condes. Cela a provoqué une grande confusion parce que 14 personnes ont été blessées, ce qui a facilement été récupéré par le pouvoir pour alimenter l’hystérie « anti-terroriste » et insérer à travers le choc l’idée que le terrorisme « est  au coin de la rue ».

En ce qui concerne l’action, d’autres compagnon-ne-s se sont déjà exprimé à ce sujet, surtout dans le laps de temps où l’attaque est restée dans l’anonymat et que le pouvoir profitait bien des conséquences de ce fait. Mais ensuite l’action a été revendiquée par un groupe anarchiste qui a déclaré avoir averti la police quelques minutes avant car ils n’avaient pas d’intérêt à blesser des passants, dégageant un peu les doutes qu’il y avait.

Sur cette action et sa revendication, nous partageons son objectif de frapper les puissants et de ne pas blesser les passants, mais nous posons clairement que ce genre de lieu n’est pas un repaire de puissants, et que la sécurité prise au préalable n’était pas suffisante.

Débattre sur le premier point, sur le lieu choisi, est en rapport avec le débat sur les objectifs de notre lutte : qui est notre ennemi et comment le frapper, comment nous envisageons l’offensive dans l’espace-temps, quels outils nous utilisons, quand et où, etc. Ça concerne le milieu anarchiste, anti-autoritaire et anti-capitaliste-autonome en général, car le débat et la réflexion sur nos pratiques multiformes est un outil indispensable pour parfaire nos positions de lutte, remplir nos vides discursifs et dépasser les faiblesses que chacun d’entre nous peut avoir.

Mais d’un autre côté il y a aussi un cadre qui fait partie de la lutte multiforme mais qui se trouve plutôt en rapport avec l’aspect opératif des actions menées par les groupes d’action directe : comment se déplacer dans la ville au cours d’une action, comment ne pas laisser de traces, des mesures de sécurité opérative, etc. À ce sujet nous insistons pour dire que cela regarde ceux qui réalisent ces actions ou désirent participer à leur développement, et pas ceux qui critiquent par des discussions de bistrot en pointant du doigts les « erreurs » d’autres mais sans risquer ni une portion minime de leurs vies dans la lutte multiforme contre le pouvoir.

4. La solidarité avec les compagnon-ne-s en prison est une action urgente. Le reste n’est que prétexte.

Tandis que tu lis ça trois compagnon-ne-s sont aujourd’hui emprisonné-e-s, accusé-e-s d’avoir participé à plusieurs attaques explosives.

Tout l’appareil juridique, policier et journalistique au service du pouvoir s’est rué sur les vies de Juan, Nataly et Guillermo, arrêté-e-s le 18 septembre au cours d’une nouvelle opération répressive télévisée. Ils n’ont pas encore émis de communiqués publics mais ils ont fait preuve de défiance face à la police et à la presse. Pour l’instant on se contente de ça. Peut-être que plus tard, lorsque leurs positions seront connues, on se sentira plus, ou moins, en affinité avec eux, mais aujourd’hui la solidarité avec les trois compagnon-ne-s est urgente et n’accepte aucun faux prétexte.

« J’ai du mal à être solidaire avec eux parce que je ne me retrouve pas dans l’action dont on les accuse », pourraient dire certains, partant de l’erreur de considérer les compagnon-e-s « coupables ». « Il faut d’abord attendre leurs communiqués publics pour être solidaires », pourraient proposer d’autres, comme si l’image de Juan criant « à bas l’état policier » ne nous suffisait pas, tout comme celle des deux compagnon-ne-s sortant la tête haute du commissariat pour être formalisé-e-s sous les charges de terrorisme.

Notre solidarité envers Juan, Nataly et Guillermo est une solidarité envers des compagnon-ne-s, et pas de simples individus, dont les vies ont été mises en prison en conséquence d’un coup du pouvoir afin de désarticuler tout type d’opposition à l’ordre de domination.

De plus, dans un contexte dans lequel l’ennemi cherche à se renforcer, la solidarité envers les compagnon-ne-s en prison doit être assumée comme faisant partie de notre responsabilité individuelle et collective en tant que protagonistes d’une lutte continue et multiforme qui refuse de se taire face aux offensives du pouvoir.

Et c’est l’action offensive et solidaire, et pas les critiques dans son petit confort, qui nous permettra de surmonter des moments adverses et de favoriser la continuité de la lutte anti-autoritaire sur ce territoire.

5. Une fois de plus, nous surmontons les obstacles en affrontant le pouvoir par des actions multiformes. Nous sommes ceux qui ne se rendront pas.

Un milieu de lutte où le débat et la réflexion sont rares ou superficiels, où prime le copinage et l’auto satisfaction, où les bonnes intentions et les discours radicaux ne se transforment pas en pratiques concrètes, est un milieu de lutte destiné à être facilement détruit dans ses convictions et perspectives d’action.

Nous disons cela parce que nous croyons qu’aujourd’hui il est urgent de dialoguer et réfléchir entre compagnon-ne-s pour que la pratique anarchiste soit encadrée dans un processus dont les horizons de confrontation permanente fassent avancer la lutte en construisant des relations d’affinité réelle qui dépassent le copinage, où les compagnon-ne-s sentent l’urgence de l’action et donnent à leurs projets des perspectives qui cherchent la continuité du conflit malgré les coup répressifs.

Nous nous n’allons pas prendre peur et nous continuerons notre pratique de propagande, en diffusant des réflexions qui émanent de l’offensive anti-autoritaire. Nous continuerons d’intervenir dans les rues grises avec notre propagande, éditant nos publications intermittentes, provoquant des ponts de communication avec des compagnon-ne-s d’autres territoires à travers des traductions et des informations d’événements importants pour le débat fraternel et l’agitation solidaire avec les compagnon-ne-s prisonnièr-e-s. Nous ne retiendrons pas, ni d’un millimètre, la propagation de la confrontation contre le pouvoir dans la lutte pour la liberté, dans laquelle toutes les formes d’action, depuis la propagande jusqu’aux actions armées, sont une contribution si la destruction totale de la domination est posée.

Il est essentiel de prouver par nos agissements que la lutte continue, que rien n’a changé ici, que la lutte contre l’autorité n’est pas terminée tant que nous restons actifs et forts.

On peut rester dans le combat tant qu’on veut se battre, ceci étant particulièrement important aujourd’hui, comme à chaque moment la réflexion renforce les conviction, valeurs et idées menées à la pratique.

Aujourd’hui le moment nous exige une action offensive urgente matérialisée par l’agitation de rue, par l’accentuation de conflits qui remettent en question l’ordre social, par la propagande, le débat et la diffusion large de l’idée de la destruction du pouvoir, toujours en cherchant à répandre et renforcer des convictions, favoriser des liens d’affinité et des engagements de lutte, sentant le besoin de créer des groupes et s’organiser entre personnes en affinité pour modifier la réalité à partir d’une prise de position offensive de libération totale.

En somme, notre force individuelle et collective dans les temps à venir résidera dans la sortie pratique que nous donnons à un processus réflexif et autocritique nécessaire qui nous amène à acquérir ou à renforcer ces éléments, capacités, connaissances et expériences qui permettent de tenir une confrontation continuelle, une offensive permanente qui se nourrit des bonnes ou mauvaises réponses et qui ne s’affaiblit pas face à la répression, afin que notre offensive, et les compagnon-ne-s qui décident de lancer leurs vie dans la lutte multiforme contre le pouvoir, ne recommencent pas de zéro une fois de plus.

Ainsi, chaque jour notre vie en guerre est une énergie incandescente qui obstrue le flux de la domination.

Parce que la destruction de l’ordre existant dépend de nous.
L’action et la solidarité ne peuvent pas attendre.

Sin Banderas Ni Fronteras, noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande.
Chili, Octobre 2014.

Contrainfo

Quelques mots pour Felicity Ryder, anarchiste en cavale, et quelques réflexions autour de la clandestinité

muralxfelicityCela fait presque deux ans que nous avons diffusé un texte en solidarité avec le compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, clandestin depuis 2009 ( pour l’ordre d’arrestation émis contre lui à la suite d’une dénonciation de sa mère qui avait trouvé du matériel pour fabriquer des explosifs). À cette occasion nous avions partagé quelques réflexions sur les particularités de la clandestinité de compas anti-autoritaires et anarchistes.
Un effort similaire avait été fait par des compas il y a trois ans lorsqu’ils avaient écrit et édité le livre “Al Acecho” ( À l’affût), au sujet de l’affaire de Diego Ríos, qui pour nous est le premier texte fait au Chili qui aborde la thématique de la clandestinité depuis une perspective anti-autoritaire et à partir d’un cas concret. D’autres textes, comme le livre “Incognito” et les communiqués de la compagnonne Gabriela Curilem avaient aussi abordé des expériences de clandestinité de compas anarchistes/anti-autoritaires, une thématique qui semble être peut discutée dans ce coin là.

C’est ainsi que nous avions déjà partagé l’idée que saluer les compagnons en cavale c’est saluer leur décision de lutte, leur choix de s’évader de la prison, qui est aussi une action contre les tentatives du pouvoir d’enfermer ceux qui le combattent.
Aujourd’hui nous voulons saluer en particulier la compagnonne en cavale Felicity Ann Ryder, dans le cadre de l’appel réalisé par des compas anonymes à deux semaines de solidarité avec elle, du 21 février au 7 mars. Nous voulons saluer la compagnonne et lancer en l’air quelques idées sur la clandestinité pour enrichir notre praxis anti-autoritaire, qui sont fruits d’apprentissages individuels et collectifs dans l’aiguisage de nos positions dans le scénario permanent de la guerre sociale.

Que l’oublie et le silence ne dévorent pas nos compagnon-ne-s …

Ce qui est sûr c’est que trop de fois les compagnon-ne-s sont seuls et se prennent des portes qui claquent dans la gueule, souvent les compagnon-ne-s n’ont pas de quoi manger, errent sans avoir où dormir et doivent affronter dans la plus complète solitude les démons à gages. Souvent les frères/sœurs n’ont personne à qui parler, ni d’ habits pour se changer ou quelqu’un avec qui discuter des tactiques, souvent ils sont diffamé-e-s sans la possibilité de se défendre et le silence se brise seulement avec l’écho de l’infamie. Et cela arrive parce qu’au lieu de retrousser ses manches, de gérer, créer et unir des volontés, certains préfèrent se retirer cyniquement, s’annuler dans la peur. Dans la mesure où on ne comprend pas le rôle que joue chacun-e et l’importance vitale des gestes concrets, l’oublie continuera de dévorer des compagnon-ne-s séquestré-e-s, blessé-e-s, ou en cavale.
(La Graine Noire de Nos Convictions. Des mots de la compagnonne Gabriela depuis la clandestinité, août 2011)

[…] ceci n’est pas une plainte ni une énumération de douleurs, c’est écrit dans le but de contribuer à la discussion et à l’échange d’expériences, pour que l’on voit l’arrière-boutique d’un thème qui parait avoir peu de réflexion […]. La revendication d’après moi ne porte pas sur la clandestinité ( qui peut se finir à n’importe quel moment), mais sur la décision de lutte permanente, jusqu’à la fin. Arrive ce qui arrive, même si la vie doit partir avec cela.
(Dépliant les Ailes. Réflexions depuis la clandestinité par la compagnonne Gabriela Curilem. Novembre 2010).

Actuellement dans le territoire appelé Chili nous disposons de quelques expériences de compagnon-ne-s qui se sont déclarés dans la clandestinité et ont décrit ce choix comme une décision contre la persécution des puissants. C’est le cas du compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, du compagnon Hans Niemeyer, de la compagnonne Gabriela Curilem (qui est sortie de la clandestinité en 2012), des compagnons Juan Aliste et du compagnon Marcelo Villarroel (actuellement emprisonnés, accusés de l’attaque d’une banque qui s’est soldée par la mort d’un flic). En plus de cela, les appareils répressifs des puissants n’ont pas pu trouver ni emprisonner le compagnon anonyme du Punk Mauri (mort dans une action en 2009), ni la personne qui accompagnait Tortuga (aujourd’hui en liberté sous condition) après son accident lors de l’explosion de la bombe qu’il posait sur une banque en 2011.

De notre part, lorsqu’avec d’autres compagnon-ne-s nous avons réfléchi sur la clandestinité de compas anti-autoritaires nous avons centré nos analyses sur les différences qui existent avec la forme traditionnelle de clandestinité des organisations révolutionnaires hiérarchiques et centralisées, et dans la nécessité de posséder des moyens propres/autonomes dans la lutte multiforme contre le pouvoir.

Aujourd’hui nous voulons mettre en débat d’autres nécessités importantes et des défis à l’heure d’affronter la clandestinité de quelque compagnon-ne, que nous le/la connaissions ou pas, que nous ayons ou pas des contacts directs avec ceux/celles qui les aident plus ou moins directement, car c’est secondaire lorsque le lien est le compagnerisme forgé par la décision de lutter contre l’autorité …

C’est important de comprendre et de saluer la clandestinité d’un-e compagnon-ne comme une décision personnelle de lutte, mais de ne pas l’idéaliser comme une forme supérieure de l’affrontement, surtout lorsque la décision a pour origine la persécution de compagnon-ne-s spécifiques sur qui l’ennemi a émis des ordres de détention, de recherche et de capture, etc …

Une autre chose importante c’est de considérer que l’ennemi a l’habitude de publier la photo de nos compagnon-ne-s clandestin-e-s dans ses moyens de communication pour que les citoyens collaborent à leur capture, et c’est donc une responsabilité et un acte de solidarité de notre part de retirer des pages d’information anarchistes -ou autre type de propagande- toute photo de compas qui sont rentrés en clandestinité, pour faire obstacle, même si c’est pas grand chose, à la chasse que mène l’ennemi. Nous le soulignons car lorsque le compagnon Hans Niemeyer est rentré dans la clandestinité il y a quelques mois, certains blogs informatifs du milieu anti-autoritaire et d’autres compagnon-ne-s solidaires ont continué de mettre sa photo dans les nouvelles sur le compagnon ou en en forme de propagande solidaire avec sa situation.

C’est aussi important d’avoir conscience que même si chaque jour qui passe sans que nos sœurs/frères en cavale ne soient capturés ridiculise l’ennemi et est un acte de propagande anti-autoritaire contre toute sa machinerie répressive, dans chacun de ces jours il se peut aussi que nos compas aient mille nécessités, comme celle de ne pas se sentir seul-e après avoir été séparé-e-s de personnes/animaux proches et aimé-e-s ou de certains projets et compagnon-ne-s. C’est pour cela que c’est très important que chacun dans ses propres possibilités contribue à ne pas couper les liens communicatifs avec les compagnon-ne-s en cavale et que nous les rendions présents dans l’échange d’expérience sur la scène globale de la guerre sociale. Avec des salutations à travers la propagande et des actions, ou répondant à leurs communiqués envoyés depuis la clandestinité nous pourrions contribuer énormément à ce que le moral de nos frères/sœurs ne baisse pas malgré les obstacles. C’est comme ça que nous pouvons participer à générer des voies de communication et des réflexions plutôt que de les nier ou les couper, isolant ainsi encore plus les compagnon-ne-s clandestin-e-s/

Felicity Ryder, que le vent efface tes traces et te protège des chasseurs.

Dans ces moments difficiles c’est très important pour moi d’avoir des gens proches ou éloignés qui sont solidaires, même sans me connaître. (…) Vive l’anarchie !
(Lettre de la compagnonne Felicity Ryder depuis un endroit hors des cages, juillet 2012).

Felicity a décidé de rentrer dans la clandestinité après l’arrestation du compagnon Mario Lopez, qui en juin 2012 a été arrêté après avoir été blessé en portant un engin incendiaire qui a pris feu, à ce moment là il portait sur lui des documents d’identité de Felicity. Le compagnon Mario a assumé la responsabilité de l’action en indiquant que la compagnonne était juste là au moment où l’engin a explosé et qu’il considère que c’est une erreur d’avoir eu sur lui ses documents d’identité. Dans les premiers jours, la police et la presse du pouvoir ont essayé d’inventer que Felicity était arrêtée, mais quelques mois plus tard la compagnonne a démenti cette version et a reconnu son passage dans la clandestinité face à la persécution répressive qui a commencé contre elle.
La presse du pouvoir a aussi raconté que Felicity avait été au Chili, ce qui a servi à alimenter encore plus le délire des autorités mexicaines sur une soi-disant organisation anarco-insurrectionnaliste gravitant autour du blog Liberación Total, avec comme base le Chili et le Mexique. Du pur délire.

L’expérience de Felicity a des similitudes avec des cas de compas qui ont réalisé des actions avec des compagnon-ne-s qui ont fini morts, blessés ou arrêtés, comme le cas de la personne anonyme qui accompagnait Mauricio Morales, le cas aussi de la personne anonyme qui accompagnait Tortuga, et comme le cas du compagnon Mike, de France, qui a été gravement blessé alors qu’il manipulait un engin explosif avec sa compagnonne Zoé. Sur ce dernier cas il y a eu beaucoup de silence de la part de ses proches, mais le compagnon a récemment diffusé une lettre parlant de sa situation et appelant à la solidarité. Courage et solidarité avec Mike !

Quant à elle, Felicity a écrit des communiqués, le dernier pour saluer le compagnon Mario López après sa sortie de prison en décembre 2012. Ainsi nous arrivons au thème des 2 semaines de solidarité avec la compagnonne qui a eu lieu du 21 au 7 mars, dans laquelle nous avons voulu participer à cet appel en creusant quelques idées sur la clandestinité de compas anti-autoritaires et en invitant tous les compas à débattre sur le thème, à réfléchir sur quoi faire dans de telles circonstances et à connaître et partager les expériences qui peuvent se diffuser. Et dans ce débat, chère compagnonne Felicity, toi aussi tu as beaucoup à nous apporter. Nous espérons que tu vas bien et que tu continues d’écrire à ceux qui se considèrent comme tes compagnon-ne-s dans la lutte contre toute autorité.

Salut aux compas du squat Isla Tortuga qui ont organisé un repas anticarcéral dans le cadre des 2 semaines de solidarité avec Felicity Ryder, nous leur envoyons toute notre estime pour maintenir vive la flamme de solidarité et espérons que ces initiatives se multiplient.

Avec le souvenir vif du compagnon anarchiste grec Lambros Foundas, mort en action en mars 2010.
Avec Punky Mauri présent dans chaque mot et action d’offensive anti-autoritaire.
À la veille d’un nouveau 29 mars, jour du jeune combattant.

Guerre sociale, anarchie et rébellion contre toute autorité !

Sin Banderas Ni Fronteras, noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande écrite.
Mars 2013.