Depuis un recoin du monde : lettre du compagnon Carlos López “Chivo”

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Compagnons, j’écris ces quelques lignes dans l’intention de faire connaître ma situation de vie actuelle, que j’ai décidé, à partir d’une perspective très particulière, de mener à bien dû à la succession de situations qui se sont présentées dans le contexte récent de la lutte individuelle et/ou sociale, et la répression contre celle-ci.

La liste est longue de compagnon-ne-s qui ont été harcelés et sous le coup d’enquêtes à cause de l’activité anarchiste de ces derniers temps ici, et plus précisément dans le centre et le sud du pays, en les faisant suivre pour épier leurs moindres mouvements et voir avec qui ils s’organisent, en envoyant des saloperies de balances pour obtenir des informations, en accusant les compagnon-ne-s étranger-e-s de financer les luttes, et j’en passe. Et même lorsque j’ai été arrêté et emmené en prison avec mes compagnonnes d’affinité Amelie et Fallon, il y a eu une tentative de faire un lien entre de nombreuses personnes du milieu libertaire/anarchiste afin d’essayer de les lier à notre affaire (5E), perquisitionnant des maisons afin d’obtenir des « preuves » (sans y parvenir) et ainsi avoir plus d’arguments pour armer un coup fort à l’intérieur du petit monde acrate.

Ceci a mené à l’arrestation du compagnon « tripa » (et la persécution d’autres compagnons qui ont aussi dû s’éloigner), où heureusement on a pu compter sur la réaction opportune des compagnonnes du GASPA [ NdT : Groupe d’Avocates Solidaires avec les Prisonniers Anarchistes] pour le sortir immédiatement, vu que l’accusation ne reposait sur rien, et il n’a pas eu d’autre choix que celui de la cavale, vu qu’il était accusé pour ses antécédents « délictueux » auxquels s’additionnait un lien avec les enquêtes de terrorisme, sabotage et autres affaires qu’ils ont voulu nous mettre sur le dos.

Pour les mêmes évidences et ayant la faculté de choisir librement, j’ai décidé de prendre le chemin de la fuite pour différentes raisons, principalement pour ma propre sécurité et celle des autres compagnons, vu le chemin que prend tout cela. Je ne serai pas le premier ni le dernier à le faire, en ayant pris un chemin de lutte qui m’amène à me réapproprier ma propre vie, et qui mène aussi sur un chemin violent, frontal et réfractaire à toute autorité. Et pas besoin d’être un érudit pour te rendre compte que tu seras dans la ligne de mire de ces flics et procureurs qui essaieront de te lier et t’impliquer à n’importe quel cas d’action directe qui a lieu sur le champs de bataille, et dans mon cas, en sortant sous libération sous contrainte avec un pointage il est évident que j’aurais été à leur merci pour me rééduquer à leur goût, plaisir que je n’ai pas l’intention de leur procurer, au moins dans la mesure de mes possibilités.

En plus de ne pas avoir la moindre intention de collaborer à ce foutu petit théâtre juridique qui aurait continué après ma sortie de prison, dès les premiers instants de ma libération physique j’ai décidé de ne pas être leur proie contrôlée par la visite périodique de l’endroit où j’étais censé me présenter pour effectuer une horrible signature durant un an et demi de plus. Pour tout cela j’ai décidé de ne pas me présenter devant le tribunal les jours suivants, cherchant à rompre avec ce que j’appelle une ligne de conduite.

Ceci ne veut pas dire que je m’éloigne de la lutte ou que je me repente de ce que j’ai vécu pour la mener à bien, au contraire, celle-ci continuera d’être le facteur principal qui continue de me pousser dans cette facette insurrectionnelles vers l’inconnu de la liberté. Depuis « dehors » aussi on peut continuer dans la quotidienneté de l’attaque permanente à travers ses diverses formes et contenus, en cherchant à poursuivre mes projets depuis autre part mais avec les mêmes visions, en sachant clairement que ça n’est pas avec la prétention de vouloir mener ma lutte dans la clandestinité volontaire ni de chercher une forme spécialisée ou supérieure d’attaque, mais en prenant en compte que celles-ci font partie des conséquences que nous devons affronter et assumer en circulant sur ces chemins du conflit, de faire les choses pour ce que à quoi nous croyons et de la façon que nous le croyons possible et nécessaire.

J’ai toujours su que s’opposer fermement aux formes de subordination et aux contenus idéologiques, que les techniques du mensonge démocratique emploient afin de maintenir leurs privilèges et l’état des choses, amènerait avec soi des situations opposées à ce que n’importe qui de « normal » voudrait pour sa vie. Mais comme moi je n’ai pas envie d’être ce genre de personne normale et d’accepter d’être un esclave de plus, j’ai voulu faire les choses de cette manière, comme le ferait n’importe quel irréductible à la recherche d’une vie meilleure à partir de sa façon de comprendre les choses.

Cela aurait été plus confortable pour moi, après être sorti de prison et marcher dans la rue, de voir la famille, les amis et d’être aux côtés de ma chère fille, tout comme d’être aux côtés des compagnon-ne-s et personnes de diverses tendances avec qui j’ai des affinités pour continuer d’agir ensemble. Mais comprenant que ceci n’est pas un jeu et que la lutte doit se mener jusqu’aux dernières conséquences, il faut lui donner le sérieux nécessaire, et donc parfois il faut prendre des décisions qui peuvent s’avérer douloureuses par la distance physique avec les êtres aimés. C’est pour cela que je ne vois pas la cavale comme la seule issue, mais comme celle la plus proche de la vision que j’ai de la situation. J’y ai vu une façon adéquate d’agir, et j’ai déjà dit auparavant, entre autres choses, de ne pas donner lieu à des enquêtes et tentatives de me lier à de futures actes violents similaires à celui pour lequel j’ai été emprisonné, et avec cela de me lier aussi à d’autres compagnon-ne-s et à ceux qui se trouvent sur le chemin, car nous savons de quoi se sert l’État et ses sbires de la loi et de l’ordre, et je ne dis pas ça par peur, mais en partant du fait que c’est aussi un acte insurrectionnel de prendre soin des nôtres.

Une part de mon insurrection individuelle consiste en une rupture avec toute forme d’entrave, et la destruction constante de n’importe quelle relation personnelle/sociale issue de l’ennemi tant abhorré, l’État/Capital, et de n’importe quelle autorité, est nécessaire et a un rôle prépondérant. Raison pour laquelle je continue de me déclarer en guerre permanente dans la mesure de mes possibilités. De telles relations se reflètent dans la société aliénée qui ne reproduit que ce qui s’apprend dans ses établissement éducatifs et religieux, ses moyens d’information et de production économique/technologique, de même que dans ses manières de se conduire dans divers aspects quotidiens, et ne mènent qu’à la domination et font que je refuse de participer au jeu juridique et à être un « bon citoyen » car cela pourrait prouver que la punition donnée par les lois et leurs mentors fonctionne très bien. Je les emmerde !

C’est pour cela que je préférerais mourir dans la tentative plutôt que de chercher une concession, médiation, aide ou pacte avec le même ennemi que je cherche à détruire. En comprenant que chacun a ses perspectives et façons de faire les choses, et respectant ce que chacun fait de ses luttes, et soutenant celles avec lesquelles j’ai le plus d’affinité ou qui au moins font preuve d’une certaine hostilité envers l’ennemi. Mais celle-ci est la mienne, et c’est à elle que je m’en tiens.
Sans rien d’autre à rajouter, je fais une grosse bise à ceux qui en viennent à me lire, et plus particulièrement à mes amis, compagnon-ne-s de lutte, à ma famille et à tous ceux qui s’identifient dans la lutte contre le pouvoir sous chacune de ses facettes. La lutte continue, ne reconnaissant pas la situation comme prémisse de la fin, mais seulement comme la continuité de mes agissement libres.

Pour la liberté des prisonnier-es-s dans le monde !
Pour la solidarité avec les compagnon-ne-s en cavale, que le vent efface leurs traces !
Pour la destruction du pouvoir sous toutes ses formes !
Solidarité avec les compagnons en grève de la faim !
Guerre sociale de toutes parts !

Vive l’anarchie !

Carlos López “Chivo”
Depuis un recoin du monde
5 avril 2015

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Actualisation sur le cas d’Henry Zegarrundo

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Cela fait presque trois ans qu’a eu lieu le coup répressif du 29 mai 2012, et le compagnon Henry Zegarrundo se trouve toujours sous certaines restrictions de sa liberté, étant en résidence surveillée, ce qui lui permet de sortir pour faire des activités personnelles, voir sa famille et travailler pour gagner quelques Pesos. Depuis qu’il a été emprisonné jusqu’à maintenant il a eu plus de quarante audiences, desquelles une trentaine ont été suspendues, et on a arrêté de compter.

Le pouvoir peut tout modifier et manipuler à sa guise, et plus de deux ans se sont écoulés depuis que le juge a sommé le parquet de présenter ses accusations, et si dans un laps de temps de cinq jours il ne le faisait pas le dossier serait clos (cet ordre du juge a eu lieu en mai 2013 suite à la sortie du compagnon en résidence surveillée totale, après un an d’emprisonnement), et puis le juge a fait un pas en arrière, comme on pouvait s’y attendre, et a fait preuve de partialité envers ses collègues du ministère public.

Il y a environ quatre mois une audience a eu lieu afin de résoudre cet incident qui vient d’être mentionné, et la défense a réussi à obtenir que le ministère public soit mis en dehors de l’affaire, cependant jusqu’à maintenant le tribunal n’a pas informé les différentes parties afin que les cinq jours s’écoulent, et s’ils ne font pas appel ou ne donnent pas leurs accusations l’affaire devrait être close (cette notification devait être prête quelques jours après l’audience), et ceci concerne l’accusation de terrorisme. L’autre accusation est celle de tentative d’homicide, dont  la plaignante, l’ex vice-ministre de l’environnement n’a déposé une plainte qu’en octobre 2011, et il y a eu un rapport d’expert de l’unité d’explosifs ambigu dans lequel même eux ne peuvent pas expliquer ce qu’il s’est passé. Cependant il n’y a pas ici un quelconque montage qui aurait imaginé les attaques qui ont eu lieu. Certaines cellules ont attaqué des structures physiques de l’État/Capital entre 2011 et 2012, mais à travers les délires du pouvoir dans sa tentative de montrer son « omnipotence », des preuves ont été inventées, et le pouvoir a obtenu que des personnes qui soi-disant luttent contre le système dominant et patriarcal balancent d’autres personnes. Dans ce fouillis de « preuves », ces déclarations, plus les plaidoyers, et les informations venant d’infiltrés dans le mouvement libertaire,  ils ont monté une affaire, où ils déclarent qu’il y a une organisation anarchiste avec des liens internationaux et un financement international, et ils ont même « criminalisé » la solidarité internationaliste envers les compagnon-ne-s séquestré-e-s par d’autres États et localement envers les peuples et les luttes indigènes.

Au cours du procès il y a eu de nombreuses manipulations du pouvoir, parfois le montage a été évoqué mais non pas depuis une position victimiste, mais une position d’offensive, de dénonciation, pour partager avec les compagnon-ne-s des expériences qui peuvent leur servir pour affronter l’ennemi face à des faits aussi néfastes que le pouvoir utilise. Pour en citer quelques -uns, dans les cahiers d’enquête il y a des choses pour le moins étranges : au cours de la première perquisition qu’ils ont réalisé chez les parents du compagnon, on voit apparaître le nom d’un soi-disant voisin qui aurait été témoin lors de la perquisition de la maison, et ce voisin n’existe même pas, ils l’ont inventé. Au cours de la seconde perquisition, qui cette fois avait lieu chez Henry, alors qu’il était séquestré dans une cellule, ils ont rajouté un agenda qui n’est pas à lui, et au moment de réquisitionner ses affaires, ils le « trouvent » comme s’ils étaient en train de découvrir une « preuve de plus » pour l’accuser.

La situation actuelle du compagnon n’a pas changé, sauf sa situation avec des « mesures alternatives », avec une soi-disant plus grande « flexibilité », vu que pour ces laquais du pouvoir il n’a pas cessé de représenter un danger pour leur société confortable.

Des solidaires.

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Réponse de Carlos López à la Gauche Révolutionnaire Internationaliste

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[Suite au texte d’Amélie et Fallon qui expliquait qu’elles ne voulaient pas être récupérées dans des événements de solidarité avec des gens et par des gens avec qui elles n’ont rien à voir, un groupe nommé la Gauche Révolutionnaire Internationaliste Buenaventura-Durruti a pondu une réponse totalement diffamatoire envers les deux compagnonnes. Ce texte n’est actuellement plus en ligne en français, mais nous avons quand même tenu à traduire la réponse de Carlos López].

3 mars,

À titre personnel je réponds à l’agression diffamatoire écrite qui a été faite contre mes compagnonnes d’affinité Fallon et Amélie.

Une chose qui caractérise l’internationalisme c’est la lutte contre l’idée de nation, ainsi que contre celle du pouvoir ou de l’autorité, en remettant en question la validité des frontières physiques et mentales que les gouvernements ont construits afin d’éviter l’entente fraternelle et libre entre les personnes nées à différents endroits géographiques.

Raison pour laquelle se permettre d’avancer que ces deux anarchistes sont venues dans cette région « pour vivre une expérience parmi les pauvres du tiers-monde après avoir abandonné leurs vies du Québec civilisé », me fait penser au mépris dont vous, gauchistes internationalistes, avez fait preuve envers des personnes étrangères qui ont décidé de mettre en pratique leur passion destructrice de l’État/Capital, qu’elles soient canadiennes, mexicaines, européennes ou de n’importe où.

Nous au moins nous ne cherchons pas la destruction partielle d’un seul État, car pris séparément ce ne sont que des tentacules du pouvoir mondial, ni d’unir les forces/capacités uniquement entre mexicains purs ou avec des révolutionnaires du tiers-monde. Nous voulons nous battre aux côtés de n’importe quelle personne libre, qu’elle soit née ici ou en Chine.

Mais, que pouvons-nous attendre de ceux qui crient sur tous les toits qu’ils appartiennent à « l’aile classiste du mouvement révolutionnaire mexicain », et accusent d’arrogance impérialiste et petite-bourgeoise celles qui font le choix de s’organiser à travers des affinités, ou de partager des moments de subversion avec ceux avec qui elles veulent ?
Bien entendu l’affinité n’est pas exclusive entre les libertaires/anarchistes, car elle peut se faire avec n’importe quel individu ou groupe qui s’identifie à la lutte pour la liberté totale, où plutôt que de chercher un « stade dans lequel personne ne sera plus emprisonné », l’on veut réduire en pièce toute construction carcérale physique ou mentale, avec tout ce que cela implique, ainsi que n’importe quelle institution autoritaire. Cela peut sembler utopique, mais je crois qu’il vaut mieux en finir avec la tiédeur des jolis mots et, loin d’idéaliser la réalisation de l’utopie, continuer avec la conflictualité permanente quotidienne du contexte social.

On ne conditionne pas la solidarité, car la solidarité se donne à travers des actes divers de soutien, et le fait de se positionner, ce qu’ont fait les compagnonnes, ne signifie pas conditionner la solidarité. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures.

Si Fallon et Amélie ont décidé de rompre avec toute éventualité d’être mélangées avec ceux qui se revendiquent comme prisonniers politiques, et si elles ne sont pas d’accord lorsqu’elles sont désignées comme tel, on ne peut que respecter leur décision. Les insulter comme vous l’avez fait juste pour ça, c’est infâme et lâche, saloperies de rouges !

Nous nous basons toujours sur nos réalités, et le fait d’avoir une défense dans le cadre du procès juridique est plus que nécessaire, car vouloir et essayer de détruire le système juridique est une chose, et que nous l’ayons déjà fait en est une autre.

Pour nous il ne s’agit pas de « profiter » d’une défense juridique, encore moins que ce soit notre « médiation » avec l’État, comme vous le dites dans votre texte. Nous savons que le jeu juridique doit se mener entre personnes politiques, et notre avocat se charge de cela. Ce dernier, bien sûr, n’est pas une médiation mais un compagnon de lutte anticarcérale, qui ne se consacre pas à sortir des prisonniers politiques, mais à la solidarité avec des prisonniers, sans s’attacher au fait qu’ils soient politiques ou anarchistes. La preuve est qu’il a pris notre affaire, que nous soyons anarchistes insurrectionnalistes ou informels, sans toucher un seul centime.

Juste à titre informatif, dans ce texte diffamatoire, il est mentionné que nous avons le même avocat que Jaqueline et Bryan, ce qui est faux. Mais même si c’était le cas, pour moi ça ne changerait en rien la situation. Ça ne fait que montrer que vous parlez sans rien savoir.

Vous tombez dans la posture historique d’attaquer ceux qui n’acceptent pas vos méthodes caduques/anachroniques d’intervention, basées sur le verbiage politique, en les accusant « d’actes téméraires et inutiles ». Vous parlez de « gauches tiers-mondistes », pour nous n’importe quelle gauche, de parti ou révolutionnaire, nous éloigne beaucoup de ses prétentions. Vous parlez d’actions collectives basées sur le quantitatif, et nous savons que souvent par ces actions l’individualité et son action créatrice sont niées. Vous parlez de lutte de classes et du triomphe de la classe ouvrière, tandis que beaucoup d’entre nous ne sommes ni ouvriers ni classistes et que si nous soutenons n’importe quelle action libératrice c’est avec le regard fixé sur la liberté de la personne dans sa totalité, qu’elle soit ouvrière, paysanne, autonome ou comme elle voudra se désigner. C’est pour ça que nous préférons utiliser les termes de la guerre sociale, ce qui inclut plus de secteurs que juste la lutte ouvrière et de classes.

D’aucune manière je ne crois, au moins pour ce que vous dites, que l’insurrectionnalisme est condamné à l’échec, et en réalité nous ne sommes en compétition avec personne pour voir qui est plus révolutionnaire ou plus efficace dans la lutte contre le Capital. Mais la critique des méthodes choisies est nécessaire, tant sur la forme que sur le contenu, mais … je crois que ce que vous avez écrit n’a pas pour objectif d’échanger des idées, puisque vous ne vous êtes attaché qu’à insulter mes compagnonnes, et sachez que puisque vous insultez, nous savons aussi mordre.

La solidarité c’est la solidarité à travers sa diversité des formes, et sachez que moi je ne veux rien de gens comme vous.

Carlos López “Chivo”

Abajo los muros-CNA México

Sur le danger de transformer l’anarchisme en un ensemble de pratiques « alternatives » sans contenu offensif contre le pouvoir

The Wizard of Oz 1939Sans aucun doute l’un des grands dangers qui guette l’anarchisme à toutes les époques c’est qu’il puisse devenir un ensemble de pratiques vides de tout contenu offensif contre le pouvoir.
Cette situation est favorisée, d’une part, par l’ennemi même, à travers ses valeurs démocratiques fédératrices comme la « diversité », la « tolérance, le « pluralisme » et aussi l’intégration économique par la marchandisation de la rébellion et la consommation « alternative ».
D’autre part il y a aussi tout un panel d’individus et de groupes « contestataires », y compris certains « anarchistes », qui de façon inconsciente ou délibérée se démarquent de l’antagonisme et du conflit permanent envers le pouvoir, que ce soit en passant sous silence la nécessité de la destruction et de l’attaque directe contre l’autorité ou, dans le pire des cas, en réalisant de grossières campagnes afin de laver l’image de l’anarchisme, se présentant comme de pathétiques défenseurs d’une idéologie étrangère à la confrontation contre le pouvoir.

Pour nous la réappropriation de nos vies est un processus qui implique la construction de notre autonomie par rapport au mode de vie aliéné, soumis et mercantile, que nous offre la société du capital et l’autorité. Mais nous n’abordons jamais ce point de vue depuis une logique de coexistence pacifique avec le pouvoir, mais à partir d’une attitude de confrontation permanente qui inclut aussi la perspective nécessaire de l’attaque directe et de la destruction du pouvoir comme éléments indispensables de tout processus de libération totale.
Et c’est donc précisément cette approche de confrontation, de guerre et d’attaque qui dépasse la légalité,  qui fait en sorte que toute pratique qui vise à « autogérer la vie » sort du cadre de n’importe quelle initiative spécifique, devenant une prise de position offensive impossible à assimiler par le pouvoir.

Sans aucun doute l’alimentation saine et sans exploitation animale, les jardins autogérés, la confection de nos propres habits, la médecine naturelle et la libération des relations entres individus sont des pratiques valables dans la lutte tant qu’on leur donne un sens en tant que pratiques qui propagent le conflit avec l’ordre social dominant. Il est aussi important d’apprécier ces pratiques à leurs justes valeurs, ce qui n’est pas exactement celles d’être des attaques directes contre le pouvoir. C’est pour cela qu’en développant de telles initiatives sous une approche de confrontation anti-autoritaire multiforme, elles finissent par dépasser leurs propres limites, en montrant qu’elles sont un apport de plus dans la lutte plutôt que « la » forme de lutte.

De même, les actions violentes qui ne font pas partie d’une offensive impliquant la récupération intégrale de la vie ont aussi une portée limitée dans leurs perspectives.
Et le fait de valoriser chaque outil dans son apport ponctuel, dans le but de dépasser la lutte dans la pratique même de l’insurrection permanente est aussi important que de ne pas hiérarchiser les moyens utilisés dans la lutte contre le pouvoir.
C’est pour cela que notre offensive fixe un horizon qui va au-delà des moyens utilisés, dotant d’un contenu et d’un sens de rébellion chacune des pratiques que nous développons en vue de l’élimination de tout pouvoir et autorité. Cette guerre contre le pouvoir implique pour nous la tension constante et l’autocritique desquelles émane le besoin de toujours se dépasser, de ne jamais se résigner, de conquérir la rue et le terrain à la police, d’attaquer la répression et l’ordre social avec toujours comme objectif la destruction de toute forme de pouvoir.

Propager l’anarchie n’inclut pas la défaite des valeurs antagoniques à l’ordre dominant, ni de transformer les formes d’autogestion de la vie en un ensemble de pratiques qui fuient la confrontation à l’ordre social. L’anarchie ne peut pas être une alternative à la culture de consommation, un ensemble de pratiques culturelles qui coexistent pacifiquement avec l’ennemi. L’anarchie est une façon d’être en guerre continuellement, et va bien au-delà des pratiques spécifiques qui écrasent toute idéologie parcellisante ou totalisante (animalisme, féminisme, naturisme, etc.).

Combien de notre temps et énergie nous consacrons à nourrir des discours et pratiques dépourvus de contenu offensif ? Combien nous consacrons à des projets ou des initiatives destinés à propager des valeurs, idées et pratiques basées sur la confrontation et l’attaque contre la domination ?

Ainsi, compagnon-ne-s, pas de pratiques d’autonomie sans perspective d’attaque, et pas de pratique d’attaque sans perspective de libération et d’autonomie dans les relations et la vie dans son ensemble. Parce que, comme l’a dit un compagnon, l’anarchie n’est pas, ni ne peut être, un remède ou un analgésique face aux maux de la société; l’anarchie est, et doit être, un poignard trempé dans du poison dirigé contre l’ordre social et contre tout autorité.

Contra toda autoridad

(Septembre 2014 #1)

Lettre de Francisco Solar depuis la prison de Villabona

afiche-monicayfranciscoCela fait un an que la police a débarqué dans notre appartement au cri de : »vous avez quelque chose de chaud ?! ». Ça m’avait surpris et en même temps ça m’avait fait rire. Ensuite on s’est rendu compte qu’ils voulaient savoir si on avait placé des engins explosifs comme piège, ce qui nous a fait encore plus rire.

Cela fait un an qu’ils m’ont séparé de ma compagne par des centaines de kilomètres, et depuis seulement quelques mois je peux écouter sa voix, 5 minutes tous les 15 jours.

Un an enfermé en isolement dans 3 prisons différentes du royaume espagnol. Des prisons qui basent leur politique pénitentiaire sur la psychiatrie, médicalisant les prisonniers dans le but de les étouffer. Établissant un contrôle absolu sur les communications et le contact avec l’extérieur. Dans ces prisons du premier monde on favorise la relation impersonnelle avec l’extérieur, tout ce qui est contact physique est complètement restreint, à la différence de mon expérience dans les prisons chiliennes. La possibilité d’être avec les tiens est impensable dans des endroits pareils.

Cela fait un an que la solidarité s’est fait sentir à chaque minute, spécialement de la part des anarchistes de Barcelone, qui avec leur volonté et initiative ont détruit la dispersion et l’isolement. Ils ont prouvé que la solidarité n’est pas un mot vide, que c’est un contenu inséparable de toute notre pratique et lutte pour la libération totale. Et avec ça une fois de plus le pouvoir est ridiculisé. Il ne comprend pas le moins du monde de quoi se nourrissent nos relations. Les difficultés qu’ils nous posent nous rendent plus forts, face aux adversités nous nous connaissons mieux et lorsque nous apprenons à nous connaître mieux nous rions de ce qu’on avait cru insurmontable. Si nous avons décidé d’affronter l’État c’est parce que ça fait très longtemps que nous avons décidé d’arrêter de vivre à genoux.

Francisco Solar

Centre Pénitentiaire de Villabona, le 13 Novembre 2014

Pour écrire aux compas :

Mónica Caballero Sepúlveda
Centro Penitenciario Ávila
Ctra. de Vicolozano-Brieva, s/n
05194 Brieva
Ávila (España)

Francisco Solar Domínguez
Centro Penitenciario Villabona
Finca Tabladiello
33480 Villabona-Llanera
Asturias (España)

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Situation de la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara

Swallow, Hirundo rustica

Santiago (Villa Francia), le 25 novembre 2014

C’est au 4eme tribunal Oral pénal, et à une date pas encore fixée, que commencera le procès contre la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara, prisonnière depuis presque un an dans la prison/centre d’extermination de San Miguel, sous les charges de tentative d’homicide qualifié et vol simple.

Cela a été décidé suite à l’audience de préparation du procès oral qui a eu lieu le 24 novembre à Santiago, à l’occasion duquel l’accusation et la défense de notre compagnonne ont présenté les examens d’experts, documents et preuves matérielles qui feront partie du procès.

Concrètement, à la demande de la défense de Tamara Sol, à charge des avocats Margarita López et Nelson Miranda, le tribunal a exclu presque une dizaine de témoins (sur un total de 28) présentés par le parquet, dans leur majorité des sbires de l’OS-9 [1] et des fonctionnaires de la succursale bancaire, dont certains n’ont pas été témoins direct des faits reprochés à la compagnonne.

Aussi, le tribunal a accepté la demande d’exclure d’autres éléments de preuves, des examens d’experts et matériels présentés par le procureur et par le représentant de la Banque Estado, plaignant dans l’affaire. Et même si cela rend la défense optimiste, il faut quand même garder ses précautions.

Soutien inconditionnel

L’audience de préparation du procès réalisée ce lundi a été marquée par une présence nombreuse de compagnon-ne-s qui dès le début ont exprimé leur solidarité et soutien à Tamara Sol et à sa famille. Cette fois ça n’a pas été différent. Beaucoup de ceux/celles qui se sont rendus jusqu’au mal nommé Centre de Justice, ont laissé de côté leurs activités pour être présents, soutenant la compagnonne dans ce moment décisif.
Comme preuve de cette inconditionnalité, ils sont resté-e-s à l’extérieur de la salle où avait lieu l’audience, malgré la restriction capricieuse d’accès ordonné par le juge, qui n’a permis qu’à cinq personnes de rentrer.
Malgré cela notre chère Tamara Sol a pu sentir leur présence à l’extérieur. Sur son joli visage et son sourire nous avons pu ressentir son énergie et la force avec laquelle elle a supporté ces mois d’enfermement, avec la dignité qui la caractérise.
Maintenant l’étape décisive arrive. Dans les prochains jours la date de début du procès oral devrait être fixée, ainsi que les noms des trois juges qui intégreront le tribunal.

Nous appelons donc à continuer à se solidariser activement, jusqu’à obtenir la liberté de Tamara Sol et de tous/toutes nos compagnon-ne-s prisonnier-e-s de l’État et de ses prisons.

Liberté pour Tamara Sol !
Liberté pour tous les prisonniers libertaires, subversifs et anticapitalistes !

 

Publicación Refractario


Notes :
[1] l’OS-9 est l’unité de carabiniers spécialisée dans la lutte contre les organisations criminelles.

Lettre d’Amelie et Fallon

amaf1Des nouvelles fraîches.

Aujourd’hui ça fait plus de 10 mois que nous sommes en taule. Au cours des dernières semaines les deux sentences, fédérale et locale, ont été rendues. Le premier novembre le juge Manuel Muñoz Bastida, du huitième tribunal du Reclusorio Sud, a prononcé la sentence de 7 ans et demi de prison sous l’accusation “d’incendie de bâtiment public avec des personnes à l’intérieur”, ça c’est pour les dommages qu’il y a eu sur le “Secrétariat des Communications et des Transports du Mexique”. Les “gens à l’intérieur” ce sont les deux porcs fédéraux en charge de la sécurité du lieu. Ensuite, le 7 novembre, nous avons reçu la seconde sentence sous les accusations de la juridiction locale qui sont “atteinte à la propriété privée aggravé en bande” et “atteinte à la paix publique”. Ces accusations font référence à l’attaque contre le concessionnaire Nissan. Puisque nous avons été arrêté-e-s à l’angle du Secrétariat des Communications et des Transports et du lieu où nous avons brûlé les voitures. La juge Margarita Bastida Negrete du tribunal de la juridiction locale #18 du Reclusorio Orient a prononcé une sentence de deux ans et sept mois de prison, joignant les deux délits, et de cette façon les atteintes à la propriété privée deviennent des réparations de dommages et on reste avec le délit d’atteinte à la paix publique et la réparation des dommages qui s’élève à 108 000 pesos. Selon la loi, pour toutes les sentences de moins de 5 ans pour les primo-délinquants il y a droit à des aménagements. Dans notre cas, si nous payons l’amende de 43 000 pesos on sera immédiatement libéré-e-s ou bien nous pourrons sortir en payant 10 000 pesos de caution chacun et en pointant chaque mois au tribunal pendant les 2 ans et 7 mois.

Nous sommes en appel dans les deux procès parce que le parquet a fait appel pour la sentence de la juridiction locale et nous avons fait appel pour la sentence fédérale. D’ici 5 mois la justice rendra sa décision. En fait c’est la sentence fédérale qui nous retient en prison. Pour pouvoir sortir, la sentence fédérale doit être inférieure à 5 ans. Ainsi dans les prochains mois nous verrons s’il y a une possibilité de sortir de cet endroit.

On a été informées de la parution d’un article de Philippe Teisceira-Lessard dans le journal québécois “la Presse”, l’un des journaux les plus lus au Québec. Nous sommes énervées par la parution de cet article qui parle de notre affaire, qui cite en partie nos lettres publiques, et aussi que notre avocat a parlé avec le journaliste. Jamais nous n’avons demandé à un média de masse de parler de l’affaire, et nous n’autorisons pas notre avocat à communiquer des informations sur nous à des journalistes. Si nous avons quelque chose à dire nous préférons le faire nous-même. Les médias sont des ennemis au même titre que la police, les outils les plus puissants de contrôle social qui puissent exister jusqu’à maintenant. Ceci étant dit, que ce salopard de Philippe Lessard arrête de harceler nos familles et qu’il se mette bien dans la tête que nous n’avons pas besoin de ses articles pour parler de notre situation.

Ainsi on a toujours cette force dans le cœur, emmerdant la justice et l’État. Nous n’attendons rien de la justice même si nous avons très envie de sortir dans la rue. Force et courage à notre complice Carlos Lopez Marin (au Reclusorio Orient), au compa Luis-Fernando (Reclusorio Sud), à Fernando et Abraham (Reclusorio Nord). Un coucou aussi à Mario Gonzales, qui est aujourd’hui dans la rue et une grosse bise à Felicity, Tripa et à la sorcière.

Feu à la civilisation, guerre à la société.
Jusqu’à la liberté et même au delà !

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Les limites de l’organisation clandestine

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Perspectives anarchistes sur la clandestinité, survolant le thème de la lutte armée

Il y a un point sur lequel nous n’aimons que trop débattre et donner nos humble avis, c’est celui de la Clandestinité et comment on la perçoit dans le milieu anarchiste. Précisément parce que, du moins au Mexique, on a eu peu de discussions à ce sujet, et la perceptive qui nous vient de certains compagnons ou cellules d’action [1] en ce qui concerne la clandestinité dans la pratique ou l’organisation, se rapproche presque toujours (ou plus que ça) des guérillas marxistes-léninistes, ou bien d’un discours lutte-armatiste (culte des armes), ce qui lorsqu’on se déclare anarchistes ou libertaires est souvent très ambigu.

Mais bien sûr on oublie aussi que cette confusion provient du fait que la plupart des gens n’aiment pas prendre position. Ils suivent le sens du courant, ils n’aiment pas débattre car ils trouvent cela ennuyeux et inutile, ou parce que nos discussions n’intéressent pas les gens normaux. C’est sans doute plus facile de faire le caméléon, en changeant de couleur selon là où l’on est, que de prendre position. Parce que c’est peut-être aussi plus facile de suivre ce qui est dit et écrit que de prendre des positions nettes et se donner le temps d’analyser, débattre et critiquer. Parce qu’arriver à une conclusion inachevée est généralement dur et “identitaire”, et qu’on préfère toujours éviter le débat et la critique. Est-ce que ça serait parce que ce qui est plus commode et simpliste est toujours mieux accepté et qu’aux yeux de la masse ou d’autres compagnons cela semblerait toujours plus recevable et facile à digérer ? De cette façon nous finissons par reproduire l’image du système capitaliste de vie actuel : l’intégration, la tolérance, le dialogue, l’acceptation, et notre soi-disant théorie révolutionnaire devient une marchandise de plus… Mais la critique est toujours nécessaire ! Et c’est quelque chose dont beaucoup parlent, qui est clamé aux quatre vents, et sur lequel on pleurniche sur les sites de gauche, mais bien évidemment seulement lorsque ce sont eux les critiques, parce que lorsque quelqu’un leur remet les pendules à l’heure ils finissent par nous dire : sociologues de l’anarchisme, psychanalystes, provocateurs ! Donc tous les anarchistes qui dans l’histoire ont développé des luttes et desquels nous avons appris quelque chose, que ce soit de leurs livres, mots ou actes, auraient été des sociologues, psychanalystes ou provocateurs ? Psychanalystes ? Aux yeux de certains c’est possible, mais aux yeux de d’autres ce ne sont que des compagnons qui ont contribué à l’analyse, à la critique et à l’attaque contre les structures du pouvoir, et qui même contribuent et ont contribué précisément à ce qu’une partie de l’anarchisme ne s’arrête pas, prenne son propre chemin et forme son propre caractère.

Pour commencer cette réflexion nous dirons que beaucoup de choses tournent autour de la question de la clandestinité. D’une part on pourrait affirmer que pour les anarchistes elle est parfois involontaire car c’est une conséquence de la lutte, favorisée par des conditions que l’ennemi a réussi à imposer à un moment donné, par exemple de type répressif, ou parce que c’est un besoin inévitable favorisé aussi par certaines conditions imposées par l’État. Mais parfois aussi elle est assumée comme une supposée lutte “réelle” et c’est là que se situe notre désaccord. Voilà donc ce sur quoi nous voulons débattre : lorsque la clandestinité volontaire finit par devenir une pratique qui se rapproche dangereusement de certaines idées de pouvoir, et lorsque d’un autre côté on en arrive à la fétichiser, alimentant la mode de jeunes qu’on nous vend sur le marché de la politique actuelle. “Que parlent les cagoules !” Au lieu des idées ? Nous pensons qu’une cagoule finit par devenir quelque chose d’abstrait et irréel lorsque son seul impact est la médiocrité de l’effet visuel. Une idée bien placée a un impact profond et réel parce qu’elle arrive (et il y a des milliers d’exemples, nous sommes nous-même un exemple) à marquer les esprits des individus et ainsi déranger la réalité immédiate. Mais bien sûr ! Nous oublions que les guérillas marxistes-léninistes utilisent cet effet visuel comme démonstration de force face à un ennemi de classe qui évalue encore plus son pouvoir, et le pire c’est que certains groupes anarchistes ont pour habitude d’imiter ce type de pratiques. En tant qu’anarchistes nous avons toujours (et lorsque nous disons toujours nous faisons aussi allusion à notre histoire) soutenu qu’il y a des choses qui doivent se faire à la lumière du jour et d’autres non. Des choses qui sont publiques et d’autres qui simplement requièrent la plus grande discrétion pour pouvoir les réaliser.

Ainsi en y voyant clair dans ces perspectives nous pensons que l’attaque (armée) n’a pas besoin d’endosser la “clandestinité” et toute sa rhétorique (autant opérative qu’idéologique) en tant que forme de lutte. Parce que notre objectif n’est pas de terminer dans une organisation ou par un acte qui nous conduit vers l’obscurantisme, la spécialisation, l’isolement et l’éloignement des luttes et du champs de la lutte réelle qui est notre vie quotidienne. Et qui à son tour réduit notre individualité comme notre créativité à une attaque armée, des sigles ou un symbole qui évoquent le culte des armes. Ou bien qui réduit toute notre capacité et potentiel individuel d’incision, rupture et destruction de l’existant à une identité qui le plus souvent porte un nom et dont la lutte en vient à se terminer par des actions réalisées uniquement pour défendre le statut créé dans son entourage, ainsi que pour le perpétuer dans le temps. C’est là que commence la mythification, arme des progressistes intelligents au service de l’État/Capital, pour condamner à l’oubli, bien rangées dans l’Histoire, des luttes et des modes d’intervention qui derrière des perspectives claires ont pu devenir une menace réelle pour l’État. Et par menace réelle nous ne faisons pas allusion à un groupe de spécialistes. Ces progressistes ont l’habitude d’écrire des livres ou de faire des documentaires pour qu’ensuite les consommateurs les voient comme “quelque chose” qui s’est passé et qui n’aura plus jamais lieu, se cantonnant encore plus au rôle de spectateurs. Mais malheureusement pour nous ce sont souvent les compagnons eux-mêmes qui y contribuent, et transforment en mythe nos actions et nos façons de nous organiser.

Considérer la logique clandestine comme étant une base, en plus de nous éloigner de la réalité et de la réalité des luttes, nous amène aussi à une position de délégation et nous finissons par tomber une fois de plus dans une sorte de division du travail révolutionnaire ou bien dans la spécialisation. Quelques-uns pour éditer des livres, pour tenir des squats ou des bibliothèques anarchistes, et d’autres pour attaquer l’État spécifiquement avec du feu et des explosifs ! Parce que certains ont des capacités et une force que d’autres n’ont pas ! L’avant-garde commence ! Et en général cela amène à ce que les décisions ne soient pas prises par l’individu à la première personne, mais par l’idéologie ! Ça n’est pas ça l’idée de rupture et de destruction que nous proposons.

Cependant, nous disions quelques lignes plus tôt que lorsqu’on a bien en tête ces deux situations (ce qui dans la pratique est difficile à conjuguer, d’autant plus à cause du niveau de contrôle que l’État a obtenu grâce aux technologies…) nous comprenons que l’utilisation des armes, se cacher le visage, utiliser parfois une manière de faire les choses qui pourrait être définie comme tactique de guérilla, est une arme à double tranchant. Un des tranchants de ce canif réside dans ce qui peut être favorable et utile pour attaquer l’ennemi, bien sûr en gardant en tête que tout cela (les bombes, le feu, les armes, les cagoules, etc) n’est que des instruments utilisés pour mener à bien la lutte, des instruments pour l’attaque, et que nous ne voyons pas de raison de leur vouer un quelconque culte. Parce que nous avons aussi conscience que l’attaque ne se réalise pas uniquement avec les armes à feu, le feu et les explosifs mais aussi avec les armes de la critique, de l’analyse, de la réflexion et plus encore avec notre conflictualité individuelle, notre rupture avec la société et notre intervention réelle. Parce que l’insurrection ne se résume pas par l’attaque armée en elle-même, ça en fait partie. Parce que l’insurrection dont on parle est aussi dans nos vies quotidiennes, l’authentique terrain de la guerre sociale, et ne se terminera qu’une fois la liberté obtenue. L’insurrection est une lutte qui se mène chaque jour et pas seulement lorsque l’on sort la nuit pour réaliser des actions, ou lorsque l’on va à la manif du 2 octobre ou du 1er décembre. On ne peut pas être soumis à une sorte de calendrier révolutionnaire, et on ne peut pas non plus attendre le prochain soulèvement pour contribuer à une insurrection généralisée. Ainsi le second tranchant que nous mentionnions quelques lignes avant, correspond aux moments où l’on ne sait pas bien gérer ces situations (ouvert-fermé) et où cette arme se retourne contre nous et nous finissons par être exactement ce que l’anarchisme rejette. Nous courrons alors le risque de tomber dans des positions d’avant-garde armée, de groupe unique, de militarisation et de spécialisation. Et c’est alors que vient le culte des armes, de la cagoule, de la supériorité des forces, que commence « l’isolement stratégique », les prisonniers politiques. Ce qui en même temps amène à des façons de s’organiser contraires à l’idéal anarchiste et on finit par tomber dans une ambiguïté qui demande ensuite un gros effort pour en sortir.

 Malheureusement une chose nous amène à une autre, et dans cette logique clandestine ou de lutte armée que certains compagnons ont développé, rentre en compte le culte de la charogne ou de la personnalité. À diverses occasions déjà, et même depuis les plate formes, cette critique a été faite contre certaines pratiques de groupes qui se revendiquent informels. Revendiquer (précisément revendiquer) des actions au noms de compagnons qui sont morts au combat (et ça sur certains points on peut le comprendre), ou pire, avec des noms de compagnons qui ne sont même pas morts, qui sont en prison ou en cavale. Comme récemment on a pu voir une cellule d’action de la FAI/Fraction Informelle Australie qui porte le nom de la compagnonne Felicity Ryder [2]. En nous basant seulement sur les mots que nous pouvons lire dans les communiqués nous voyons clairement qu’il y a une sorte de nostalgie ou de regret, ce que certains compagnons pourraient expliquer par des liens d’amitié ou des souvenirs des nôtres. Et donc à ce moment-là on se demande quel est l’objectif ? Culte ou solidarité ? Exaltation de la personne ou solidarité ? Pourquoi certains sont considérés comme exceptionnels et d’autres non ? Et c’est comme ça qu’on voit une nouvelle vague de groupes qui tout en se revendiquant anarchistes gardent une logique d’organisation plus proche des groupes de guérilla traditionnels. Ainsi il y a des commandos de tel nom, ou des fronts armés avec tel autre nom. Une logique et un langage de lutte armée qui ressemblent plus aux guérillas latino-américaines et européennes des années 70, malgré la façon anarchiste de s’organiser (toujours sous la critique et le changement, car informel), d’autant plus lorsqu’ils se disent individualistes ou anti-orga.

Voici jusque là quelques points sur le premier thème sur lequel nous pouvons avoir une base pour réfléchir. Nous disons que c’est le premier en pensant développer plus tard, dans un texte et tout au long de cette publication, quelques perspectives sur la lutte armée depuis l’anarchisme, quelque chose que nous avons évoqué superficiellement ici, en traitant le thème de la clandestinité, parce que précisément dans ce texte nous parlons de la clandestinité comme “voie de lutte”. Aussi, pour contribuer au débat il y a la traduction du texte « Sur l’anonymat et l’attaque », qui de la même façon cherche à prendre part à tout ce que nous avons tenté de définir ici.

Avant de finir nous voudrions dire que malgré la critique nous ne méprisons pas les actions que fait la CCF/FAI ou n’importe quel autre noyau d’action de ce genre. Bien au contraire, nous apprécions n’importe quelle action et geste de solidarité parce que pour nous ça fait partie du projet de destruction de l’État/Capital et aussi du projet anarchiste international. Par contre c’est certain qu’il y a encore beaucoup de choses à débattre et tout au long de ce chemin nous allons le faire. Nous voulons aussi préciser que la mention de noms de compas ne part pas d’une intention d’attaque, nous les avons utilisés juste pour donner des exemples.

La rédaction

Mai 2014


Notes:
1- Nous devons préciser que ce que nous percevons c’est ce que nous pouvons lire dans leurs communiqués sur internet, ou dans les entretiens avec certains d’entre eux publiés dans le livre « Que la nuit s’illumine », compilé par le compagnon Gustavo Rodriguez et édité par l’Internationale Noire.

2- Lorsque nous mentionnons le nom de F. Ryder c’est seulement pour illustrer ce que nous voulons dire, à aucun moment ça n’est une intention d’attaque, que ça soit clair !

Revista Negación

Mode ou rébellion ? Rébellion ou mode ?

brujita

L’arme la plus importante du révolutionnaire, c’est sa détermination, sa conscience, sa décision de passer à l’acte, son individualité. Les armes concrètes sont des instruments, et, en tant que tels, ils doivent constamment être soumis à une évaluation critique. Il faut développer une critique des armes.  […] La lutte armée n’est pas une pratique définie uniquement par l’usage des armes. Elles ne peuvent représenter, par elles mêmes, la dimension révolutionnaire.

Alfredo Bonanno, La joie armée

Les défenseurs de l’ordre existant et de la paix sociale s’obstinent à rejeter les expressions de révolte anarchiste de nos chapelles malgré les temps qui courent, où la conflictualité sociale est sur le point de déborder du fleuve. Les discours faciles, bourreaux de l’insurrection émergent de partout. Ceux qui manquent de perspective et qui n’ont aucune critique propre n’ont d’autre choix que de réduire ce qu’ils ne peuvent contrôler en une simple mode. Il est vrai qu’à certains moments, certaines expressions de révolte peuvent se reproduire entre elles sans aucune perspective, seulement par simple imitation ou encouragées par le raz-le-bol de survivre à ce spectacle mercantile qu’ils appellent vie. Mais même ainsi, certains aspects restent positifs, et ça n’est pas la révolution qu’ils se représentent dans leurs schémas rigides, mais des moments de rupture qui peuvent dévier vers une insurrection consciente d’elle-même, et qui prennent forme dans le processus d’insurrection même.

Les mots manquent aux pacificateurs pour expliquer les raisons de leurs refus, alors qu’à l’inverse quand ils s’agit de verbiage ils ne sont pas en reste. Ce qui ne vient pas de leurs rangs ils ne l’appellent plus provocation, mais mode. Ce qui dépasse leurs discours conformistes, pacificateurs et commodes c’est simplement une mode. Ce qui ne sent pas la Fédération, plate-forme ou alliance c’est simplement une mode. Ce qui critique y compris l’organisation armée traditionnelle et propose à la place de sortir dans la rue pour exprimer de mille et une façons la rage irrépressible, c’est simplement une mode, ou bien ça n’a aucune perspective ou encore “ça ne va pas marcher”, puisqu’on dirait que tout devrait être soumis à la compétitivité militaire. Ceux qui ne se contentent pas “d’attaquer durant la nuit sous le clair de lune” mais au lieu de ça cherchent à avoir une incidence, en partant de leur individualité et en plein jour, sur le marais de la conflictualité sociale émergente, sont simplement à la mode. Ceux qui ne voient pas l’anarchie comme un militantisme rigide ni comme une idéologie politique, mais au contraire y voient la joie de vivre, sont simplement à la mode, parce que leur anarchie a l’air puérile aux yeux de la professionnalisation intellectuelle de certains.

Les pacificateurs du conflit social et individuel, fidèles amis de l’ordre étatique n’ont plus aucune créativité pour débattre sur le but de la lutte anarchiste, des méthodes ou des moyens dont les révolutionnaires se servent pour rendre possibles leurs désirs. Au lieu de cela ils réduisent tous bourgeons de rébellion, quand bien même il seraient discutables, à une mode. Si les jeunes et les vieux conscients d’eux-même sentent que c’est le moment aujourd’hui et qu’ils se lancent tous dans la bataille, pour eux, les faux critiques de l’existant, la raison est que la révolte collective ou individuelle est devenue une mode. Ceux qui se cachent le visage pour protéger leur identité d’une façon minimale face à une possible répression de l’État, mais aussi pour éviter de “personnifier” la révolte, sont donc aussi à la mode. Pour eux même être prisonnier “politique” est à la mode, au lieu d’être une conséquence presque inévitable de la lutte contre le pouvoir. Le besoin d’attaque, d’étendre le conflit social sur un plan plus vaste, de contribuer à une sortie insurrectionnelle est pour eux simplement une mode. Soit, que ce soit une mode, si leur rigidité le désire ainsi, mais une mode qui dans la pratique et dans la théorie a dépassé les limites de la “théorie traditionnelle anarchiste”.

Alors que veulent-ils ? Quelle est cette révolution sociale qu’ils clament tant ?
L’insurrection n’est pas parfaite, c’est un processus douloureux et violent. L’insurrection n’est pas un chemin de roses et n’est pas non plus une expression militaire, mais elle est sociale. Les moments insurrectionnels (petits ou grands, individuels ou collectifs, et qui ont toujours précédé les grandes révolutions) peuvent survenir suite à une série de modestes et constantes interventions et un travail permanent des révolutionnaires sur le terrain, qui en dialogue avec différents “moments clés”, peut dépasser la rage, et qui est ce qu’on appelle la méthode insurrectionnelle. Ou alors l’insurrection peut nous prendre par surprise, mais dans n’importe quel cas elle ne sera jamais “préparée a priori“, mais simplement présente et ne nous garantit rien de certain. Ainsi, il vaut mieux agir que de se contenter de parler.

Ça n’est que pour ceux chez qui on trouve dans les théories une rigidité et une “perfection” de la méthode révolutionnaire, que les bourgeons insurrectionnels et les expressions de révolte individuelle ou collective qui sortent de leurs critères peuvent être réduits à une mode de jeunes, en plus d’être, selon eux, dépourvue de sens et de perspective.

Par les temps qui courent, le conflit social est brûlant et ne peut être soumis aux limitations et contradictions qui en soi sont une partie inséparable de toute organisation armée et guerrière, y compris “noire”. Par conséquent il ne peut pas non plus être soumis à celles d’une organisation de synthèse anarchiste qui cherche simplement à gagner des adeptes et étouffer tout bourgeon d’insurrection. Il y a une longue mèche qui emmène à une poudrière et personne ne peut la contenir. L’insurrection n’a pas de sigles ni de représentations spectaculaires qui arrivent à faire partie du marché des organisations armées, du contre-pouvoir, que ce soit ERPI, EPR ou TDR-EP [1] et plein d’autres encore. Pour les anarchistes, l’insurrection collective est anonyme parce que des individus y participent et pas des masses, tout comme n’y participent pas les organisations représentatives d’aucune sorte qui cherchent à représenter la rage des exploités, exclus et auto-exclus et l’attirer vers ses versants pour ainsi marquer l’histoire. Tomber dans cela c’est simplement dégénérer dans la politique de la représentation et de la réussite, qui sont le produit de la compétitivité du système.

La guerre sociale est en cours et c’est en elle que nous trouvons les gens avec qui nous avons des affinités, les créatures désenchantées du supposé bien-être social. Qui plus que de simples indignés, sont des êtres enragés qui en ont marre de voir la vie passer devant leurs yeux sans une minime intervention de leur part.

Ainsi, pour les pacificateurs de l’insurrection il est important d’injecter à temps l’antidote à la rage, avant que ce virus ne se propage et se transforme en épidémie et en pandémie.

Comme les nouveaux Tigres de Sutullena [2] qu’ils sont, mais hors contexte, ils cherchent à assassiner littéralement et métaphoriquement un certain insurrectionnalisme qu’ils pensent connaître à la perfection. Sans aucun argument basé sur notre propre réalité et expérience ils évoquent les vieux tigres espagnols pour expliquer à leurs “sujets fédérés” les maux de la lutte anarchiste locale qui ne se soumet pas à leurs limitations. La supercherie est leur meilleure arme et une mode anti-mode est simplement ce qui est en train de devenir à la mode.

La guerre sociale est présente, elle émerge des entrailles de la déception et du mécontentement social. Elle émerge aussi de la rage déchaînée d’individus désireux de liberté. Les fameuses conditions sont sur la table. Alors qu’est-ce qu’on attend ? Allons dans la bataille, mais avec les yeux bien ouverts. Déchaînons nos désirs, notre destruction créatrice. Faisons en sorte, depuis notre individualité, que ce conflit se propage, que les limites des pacificateurs soient dépassées, que leur mode anti-mode soit dépassée ainsi que tout discours modéré issu de ceux qui dans le fond n’ont d’autre intérêt que de maintenir l’ordre. Mais dépassons aussi toute revendication. La révolution est ici et maintenant.

Et même si la rébellion n’est qu’une mode pour eux, pour nous elle peut être le début d’une expérience absolue de liberté et on ne se contentera pas de moins que ça.

Quelques compagnonnes et compagnons anarchistes de la région mexicaine.
Novembre 2014

source

 


 

[1] ERPI (Armée Révolutionnaire du Peuple Insurgé), EPR (Armée Populaire Révolutionnaire) ou TDR-EP (Tendance Démocratique Révolutionnaire- Armée du Peuple)

[2] voir ici

Sentences pour Amélie, Fallon et Carlos [actualisation]

tumblr_m4j7ie0NN61qcv4xpo1_500Le 31 octobre Amélie, Fallon et Carlos ont été jugé-e-s au cours d’un procès fédéral pour destruction de bien d’autrui sous la forme de l’incendie. La sentence qui leur a été dictée est de 7 ans et 6 mois. Leurs avocats vont faire appel dans un délai de 15 jours.
La sentence du procès local pour atteinte à la paix publique et dommages n’a pas encore été dictée.

Solidarité avec Carlos, Amélie et Fallon !
À bas les murs des prisons ! Liberté pour tous !

Abajo los muros


Le 6 novembre la sentence est tombée dans le procès qui dépend de la juridiction locale pour atteinte à la paix publique et dommages aggravés en bande (l’attaque sur le concessionnaire Nissan).

La sentence est de 2 ans, 7 mois et 15 jours de prison, en plus de devoir payer une réparation de dommage de 108 mille pesos.

Les avocats vont faire appel de cette décision.

Abajo los muros