Écrit pour le jour du jeune combattant

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Des chaînes qui tels des oiseaux volent sur les câbles électriques, l’obscurité règne,  et les loups, sauvages comme ils sont, dansent autour du feu qu’ils embrassent.

Des bouteilles allumées qui comme des lucioles illuminent avec la lune la redoutable réponse qui arrive face à une telle agression. Elles explosent … Comme des volcans énervés qui se déchaînent sur les blindés verts. La brume qui tombe et se répand dans les rues au fil des heures, le brouillard épais nous aveugle, un zorrillo* traître nous asphyxie et nous pleurons. Nous pleurons de rage, nous pleurons pour les morts, nous pleurons de bonheur, nous pleurons en nous rebellant, nous pleurons à cause des gaz.

Et la lune ne calme pas cette soirée orageuse. Elle l’observe avec dédain, mais elle observe quand même, car la lune verra toujours ce que le soleil n’a pas pu voir. Comme des chats perchés sur des toits, nous vivons l’agitation. Nous nous déplaçons éreintés jusqu’à chaque carrefour. Les lucioles s’en vont maintenant, les volcans continuent leur incessante et lumineuse furie, les guêpes vont à la rencontre de leur attaque mortelle, et après chaque tir cherchent à s’incruster dans ces crânes misérables.

Les pistolets hurlent, les guêpes partent à l’attaque et les traversent, tandis que la nuit continue dans son apogée. Les blindés verts éclatent en sanglot, pour ensuite fuir pour rester en vie.

La lune est partie, les loups en meute hurlent de joie, les volcans, oiseaux, chats, lucioles et guêpes dansent ensemble victorieux tandis que le chaos se déchaîne à chaque carrefour.

Un flic est mort, et les balles continuent de répondre.

* littéralement c’est la mouffette, mais ça désigne les petits véhicules blindés qui dispersent des gaz lacrymogènes

Contrainformate

L’anarchiste, à Severino Di Giovanni

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La phrase tomba
comme une guillotine
amputant au ciel
la clarté du jour.
Vint la nuit,
l’obscurité se fit,
vint la nuit,
son visage sévère.

Nuit noire
de sombres présages
longue veille
de pensées agitées.

La phrase tomba,
de mort, redoutable,
elle secoua d’un coup
d’une force terrible.
Elle le trouva debout,
presque prêt,
clair dans ses idées.

Ils le fusillèrent juste là-bas,
étouffant son cri de guerre :
vive l’Anarchie !

José Luis Parra, 1979

 

Tout et rien (au Chaos et à l’Amour)

Extrait de la revue Revuelta Violenta

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La rencontre inespérée
un vent violent qui souffle
la surprise de l’invasion de sensations
qui embrasent l’intérieur.

Les muscles, les os, nos têtes qui répandent des désirs
répétant des moments, un instant concret.
Les regards fuyants.
Ne dis rien
je sais déjà tout.

Soudain le chaos
laissant voir l’instant cristallin.
Deux complices au milieu de ce chaos
qui a explosé en une seule vérité
ils ne sont rien, mais sont tout.
Ils ont détruit les conventions
car ils ne s’aiment que sous des bombes de silence.

Farfalla Selvaggia (Papillon Sauvage)

Animal humain en captivité

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Poème écrit par Hardy Peña depuis le C.A.S. (Prison de Haute Sécurité), extrait du Fanzine Estado Vegetal #1  mars 2005.

Une nouvelle girafe est arrivée au zoo
Pour la grande majorité c’est indispensable
de l’anthropomorphiser :
Un concours télévisé lui trouvera un nom.
Au cas où j’en propose deux ou trois :
« Arrachée du ciel vert, la clôture
est plus haute que son cou ».
C’est probablement un nom très long,
mais douloureusement vrai.
Je vais plutôt en essayer un autre,
même si de toute façon
ça sera un pot rempli de fiel :
« Ruminant la tristesse elle sera
de nombreuses années au même endroit »
C’est aussi très long.

Le temps a passé
et je n’en ai pas trouvé un approprié.
Ainsi comme j’ai l’habitude
de trainer sur les bancs des parcs
je ferai mieux de lancer un appel au petites filles,
et pour éviter qu’on me traite de sexiste,
aux petits garçons
et ils viendront dans un vacarme énoncer
« Trop lumineuses pour la cage
les taches de la girafe sont, en réalité,
l’unique souci de cette chanson » :
entonne le chœur d’enfants,
comme si ce lieu, le zoo métropolitain,
accouchait dans leurs cœurs et dans mes vers
d’une sensation étrange, mélange de douleur,
fraternité, solidarité.

Il n’est pas à moi, ce poème, il est à ceux
qui demandent la liberté pour la girafe.
Je suis sûr que la fin de tout zoo
ne pourra faire de mal à personne.

Publicación Refractario

Désenfermement

rain-in-la-pazUne autre fois la nuit, un jour de plus à souffrir,
à converser avec moi-même, je retourne une fois de plus de la maison de la “justice”.
J’ai juste réussi à voir à travers la vitre fumée.
Voir les rues, les gens qui se réduisent à un code de plastique.
Un certain endroit me rappelle quelqu’un,
me rappelle mes compagnon-ne-s,
me rappelle qui je suis, dans quel but je vis, pourquoi je vis.

Je ne m’accroche pas à la vie, parce que s’accrocher à elle
ne fait que t’apporter la peur d’arrêter de vivre.
Je m’accroche à la liberté, à la liberté de pouvoir rugir,
de pouvoir rugir dans une forêt de ciment.
Parfois la haine m’envahit, et je m’endors dans la haine.
Lorsque je me réveille je sais que l’amour est l’amalgame avec la haine
qui me fait respirer profondément pour continuer de vivre.

Je ressens dans l’enfermement la haine collective contre la société,
la haine de la prison, de l’isolement.
C’est digne d’éloigner son regard du sol,
et c’est mieux de le diriger sur l’ennemi,
sur cet ennemi qui me tient prisonnier de sa cupidité,
l’ennemi qui fait des ravages avec la terre,
qui détruit les formes libres de vivre.

L’ennemi qui enferme, qui punit, qui mutile,
qui t’infecte de désespoir avec son cancer de Pouvoir
qui mute d’organe en organe.
Nous sommes ses anticorps, nous avons développé l’immunité
devant leur insalubre peste humaine.
Nous sommes la lutte sans frontière ni distance,
la colère du bouillonnement de notre sang.

Nous allumons la lumière de la nuit.
L’obscurité et la lumière sont complices des pas,
nous sommes la bataille sans repos,
une métastase de cellules qui sont partout,
c’est mieux de mourir en se battant que de mourir sans l’avoir tenté,
c’est mieux d’être libre même en étant enfermé.

Aujourd’hui je me rêve encore une fois, différent d’hier,
avec la certitude de ne pas avoir perdu, de ne pas m’être laissé abattre.
Demain sera différent de ce jour,
ma rage ne sera pas différente, ni celle de demain.
La force viendra de ceux qui ont la rage avec moi.
Elle arrivera en traversant les murs et les distances
et donc je rugirai une fois de plus sous la lune.

Je grifferai le sol de ciment
comme si il était de boue et d’herbe
jusqu’à ce que mes griffes saignent.
je me fondrai dans les colonnes
je respirerai l’air rempli de crasse au lieu du brouillard.
Les taches sur mon corps me disent qui je suis.

Une fois que je ferme les paupières
je me transporte au paradis onirique
où le silence des vents
est comme le baiser d’un-e compagnon-ne.
Un jour de plus à ne pas me voir vaincu
un jour à rêver sans arrêter d’être celui que je suis
un jour de plus à être prêt à me lever demain.

Henry.
Prison de San Pedro, La Paz pluvieuse

Un jour tout ça terminera

loneUn jour tout ça terminera,
et l’on dira qu’au moins on a essayé.
Que nous ne sommes pas nés injustement,
ni ne sommes devenus un fardeau pour la terre pour rien,
Que nous avons laissé quelque chose derrière nous.

Et on aura des rides sur nos visages,
chaque ride une entaille profonde,
pour chaque moment d’agonie
pour chaque éternité de solitude.

Ceux qui ont peur des rides,
ont peur de leur passé,
de leur présent dénué de sens,
de leur futur prédéterminé.
Ils se détestent. Ce qu’ils deviennent.

Le temps laisse ses traces.
Et nous les assumerons avec fierté.

Anastasios K. Theofilou
prison de Domokos
23.10.2012

Lettre d’un-e prisonnièr-e à une mouette libre

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On dit que les hommes ne pleurent pas
Je ne pleure pas parce que je n’en suis pas un
Je suis un animal sauvage à l’intérieur d’une cage
Parce que l’autorité fait que des murailles et des barreaux existent
Et tant qu’elle restera ainsi ce sera comme ça
Mais même si elle existe nous sommes là :
Les anti-autoritaires qui ne voulons pas perdre ;
Qui ne voulons pas ne pas pleurer ;
Dans la prison de dehors ou de dedans nous sommes libres,
Parce qu’à l’intérieur de nous survit un cœur sauvage,
Une âme rebelle qui détruit n’importe quel antagonisme.
Nous avons des sensations différentes :
Nous pleurons de joie, de tristesse, de rage, mais pas de peur,
Nous faisons face à la peur.

Nous sommes les incontrôlables sauvages
Qui envoyons et recevons de beaux gestes de solidarité.
On poursuit mes frères/sœurs et compagnon(ne)s,
On les emprisonne et on essaie de les extraire de leurs vies dignes ;
Nous contaminons la normalité partout,
Fermes, rebelles, sauvages et fortement conséquents.

Que les Belles Eaux suivent leur cours rebelle,
Que les tiens soient bientôt avec toi,
Que toutes la force que tu envoies te revienne
Chargée d’autant de force que tu en envoies.

Aujourd’hui je vole vers l’inconnu, dans l’obscurité,
Je retourne vers l’anonymat même si le pouvoir m’a sorti de là,
Aujourd’hui je me lève avec l’envie de revenir,
De revenir à la montagne sauvage d’où je viens,
Au lieu où je n’ai pas de nom mais une identité oui.
Toi tu prends ton nom parce que tu es toi,
Pas ce que les autres veulent que tu sois.
Tu es une indomptable qui refuse l’autorité,
Jamais ton noble cœur ne permettra qu’ils ne te vainquent.

Le pouvoir ou ceux qui te critiquent sans se connaître eux-même ne t’effaceront jamais,
Jamais ton nom ne sera un de plus dans notre histoire
Parce que tu l’as décidé ainsi, tu fais le nécessaire,
C’est pour ça qu’aujourd’hui nous pleurons de joie ensemble,
Parce que ces mots sont l’équivalent d’une grosse bise.

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