Uruguay : Au sujet des attaques contre le mouvement anarchiste à Montevideo

sshhhhEn l’espace d’une semaine et demie 14 compagnon·ne·s ont été arrêté·e·s, sans compter les écoutes, filatures, tentatives d’expulsions et attaques contre le mouvement anarchiste de Montevideo. Rien de cela ne nous fait peur, ça ne fait que nous rendre plus forts. Ils s’en prennent à nous parce que nous dérangeons. Si nous dérangeons les puissants et leurs collaborateurs c’est que nous faisons bien les choses.

Il y a une guerre sociale qui passe par différentes phases. Les puissants le savent, nous aussi. La presse le cache, souffle sur le cerf-volant du capital, imposant l’idée d’une démocratie rance qui ne respecte pas ses propres mensonges les plus répétés, sécurité, droits de l”homme, justice … Au milieu de tout ça le coup de gueule fait son chemin.

Le gouvernement des tupamaros torture. En quoi c’est une nouvelle ?

L’État qui occupe le territoire uruguayen n’est pas étranger à la peur et aux tentatives de redoubler le contrôle sur la population que mène à bien les différents gouvernements progressistes de la région (souvenez-vous des rencontres de sécurité et “d’anti-terrorisme” du Mercosur). Le fantasme du printemps arabe est une peur lointaine mais qui palpite et le Brésil devient un cauchemar pour la clique patronale. Quel est le cauchemar pour les démocrates, extrémistes, radicaux du pouvoir et autres fascistes ? La révolte, l’insurrection qui lorsqu’elle se réveille semble ne pas pouvoir être contrôlée. Une rage qui ne peut pas être calmée par le football ou le shopping. C’est là qu’apparaissent ceux qui font le “travail sale” de Bonomi, Tabaré et Mujica, les forces de l’ordre au service de leur autorité. C’est là que les mercenaires élevés par la droite et spécialisés par la gauche du pouvoir sortent pour attaquer.

Les violents, cagoulés, anarchistes.

Des mots vides de sens ont rempli la bouche des journalistes ces jours-ci. Les anarchistes ci, les anars ça, les tactiques de violence urbaine, les minorités, etc .. Les violents du 14 août, les radicaux qui s’infiltrent partout, jusque dans le groupe d’ultras de Peñarol (comme si dans ce groupe il n’y avait pas assez de sentiment anti-flics pour que les acrates doivent l’infiltrer). De tous les côtés l’union entre la répression policière, la coordination politique, le tout présenté par la presse. L’attaque a plusieurs pointes. L’État se défendant en définitive. Mais de quoi ? De quoi se défend l’État ? Aujourd’hui toute la troupe qui maintient l’ordre existent (la presse, la police, les militaires, les politiques et autres privilégiés) se conjugue à l’abri d’un niveau inédit de consensus entre la droite et la gauche en ce qui concerne le renforcement du développement capitaliste. Au delà du jeu électoral, les bases importantes du développement du capital dans la région ne sont discutés par aucun des partis. La mégaminerie, le forestier, la coordination, enfin, l’instauration du plan IRSA et autres plans, leur grande coordination politique, économique et militaire suit son chemin. Il est donc nécessaire d’arrêter et éviter toute résistance, tout germe de résistance. Il est nécessaire d’arrêter ceux qui ne négocient pas, les “violents”.

Un pas de plus …

Et que dire de la violence ? Ce n’est pas un “choix politique” comme le croient les sociologues intellos. Pas du tout. Ce n’est pas un choix, et ce n’est pas du tout politique. Le choix que nous faisons c’est celui d’essayer de vivre de l’unique manière qui nous semble digne, libre. Le choix de ne pas se taire, celui de faire quelques chose lorsque nous voyons que ça va mal et que ça va empirer. Nous choisissons de résister, nous choisissons de nous défendre.
Ici (au delà du jeu préféré de la presse, des dirigeants syndicaux et autre politiques) il n’y a pas de violents et non-violents, de bons et de mauvais, et autres catégories du pouvoir. Celui qui ne s’est jamais énervé, qui n’a jamais eu envie de résister à la misère, de s’opposer et réagir devant autant de saloperies ne doit simplement pas avoir de sang dans les veines. Qui ne s’énerve pas en ayant connaissance des trafics des flics avec la pasta base*, la misère du travail ou le goût de l’eau de l’OSE ? La violence dans ce monde capitaliste est naturelle, la résistance contre celui-ci est une nécessité vitale.

Et un autre …

Nous ne nions pas, jamais nous l’avons fait, nos crimes. Nous voulons et nous faisons tout pour la liberté, et ça c’est une grand crime contre le pouvoir. Pas l’étiquette de liberté, abstraite, utilisable et appropriée par n’importe qui. C’est pour cela que nous pratiquons la solidarité, l’entraide, la réciprocité, la résistance et c’est cette pratique qui inévitablement produit des conflits dans un monde qui se démène à nier encore plus chaque fois, étage après étage, que nous sommes en train de tomber. La culture de la peur ne peut pas, n’a pas pu et ne pourra pas nous faire peur même si elle essaie. D’où les insultes, les menaces de torture et de viol, d’où le flingue pointé sur la tête d’un compagnon dans le commissariat, la mise à nue obligé et les coups. D’où l’acharnement.

Et illes se demandent, pourquoi illes sourient ?

Nous n’avons pas un monument avec le nom de nos martyrs. Si nous dénonçons un autre coup contre le mouvement anarchiste c’est pour montrer, pour continuer de montrer, ces coups dont nous souffrons généralement dans nos quartiers et que la police a l’habitude de passer sous silence. Nous savons parler, nous le faisons bien et nous sommes suffisamment libres et forts pour ne pas nous taire. La raison de coups continuels et nombreux contre le mouvement correspond à une augmentation que le pouvoir n’a pas pu freiner même si il a essayé. Ça correspond a la perte de la peur et l’abandon de la confiance qu’une part de la société avait offert aux gouvernements progressistes. Nous sommes durement traités parce que le gouvernement a du donner carte blanche face à la présence que le parlementarisme a supplanté dans les rues. Devant l’action directe qui ne cherche aucun compromis, qui ne demande rien. Nous sommes traités avec fermeté parce que cette façon de s’auto-organiser et qui développe un vrai dialogue, entre personnes égales et pas avec des politiques ou hommes d’affaire, s’est contagié. Nous sourions parce que le vent va dans notre sens et nous savons nous défendre.

Le miroir du pouvoir.

Partout où ils regardent ils se cherchent eux-même. Dans leurs interrogatoires lorsqu’ils ne se basent pas sur la simple insulte ou la menace, ce qu’ils cherchent c’est eux-même et leur nécessité de chefs, de quelqu’un qui leur dise ce qu’ils doivent faire. Le pouvoir a besoin d’ennemis et ça ne lui sert à rien que ceux-ci ne ressemblent pas à des terroristes, qu’ils ne cherchent pas à gouverner ou qu’ils n’aient pas de chefs. Le manque de respect un peu partout dans la société ne peut venir, pour les services de renseignement, que d’un seul groupe de personnes, ils ne peuvent pas ne pas avoir de chefs ou ne pas avoir une grande structure organisée pour insuffler la terreur. Mais ceux qui sommes dans la rue nous savons que le crédit social s’est terminé et que les compagnon·ne·s sont nombreux·ses et ne répondent pas du tout à la logique de partis. Tant pis pour eux, mais c’est comme ça.

Les anarchistes nous ne sommes pas ceux qui maintiennent un système de santé qui génère mort et problèmes sanitaires, nous ne faisons pas de méga opérations dans les quartiers pauvres, nous ne faisons pas avancer le pillage et la destruction de l’environnement et nous ne sommes définitivement pas ceux qui maintiennent le marché de la pasta dans les quartiers. Nous ne disons pas aux jeunes qu’ils ne sont rien s’ils ne portent pas telle marque de fringue et nous ne construisons pas des prisons pour ensuite les y empiler.

Mais nous ne sommes pas non plus des citoyens obéissants, nous ne le sommes pas, nous n’avons jamais fait parti de ceux qui oublient, nous faisons parti de ceux qui ont toujours combattu, et nous sommes frères/sœurs de ceux/celles qui se battent en ce moment dans n’importe quel endroit du monde contre un système qui nie la vie. Nous développons et nous continuerons de développer la rébellion pour obtenir toujours plus de liberté. Ils ont voulu sortir les pauvres de la vue des touristes en créant une illusion de vente mais ici nous ne sommes pas tous/toutes client·e·s ou soumis·e·s.

C’est pas tout le monde qui se laisse invisibiliser, ni tout le monde qui jette l’éponge.

Des Anarchistes
Montevideo, Août-Septembre 2013

* la pasta base c’est une drogue pas cher à base de cocaïne qui se fume

Au sujet des affrontements du 11 à Santiago

Cette année, dès le 4 septembre, des salidas (attaques sur les flics et barricades aux abords ou depuis les universités ou lycées) ont eu lieu à partir de plusieurs universités du pays, pour commémorer le 11 septembre, l’une d’elle a eu lieu à Valparaiso. La vidéo de l’action dit au début : « Pour tous ceux tombés, nous continuons de lutter dans la rue. On ne discute pas avec le fascisme, on le détruit »:

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Devant le lycée d’Aplicación :  » À 40 ans du coup d’État … les morts ne se pleurent pas ! Vengeance ! » signé : Aplikapucha (encapuchados du lycée d’Aplicación)

Le matin du 5 septembre des barricades ont été montées dans la población* de La Pincoya. Il y a eu plusieurs coups de feu en direction des flics et une voiture a été brûlée. C’est dans cette même población que Claudia López a été tuée.

Le dimanche 8 septembre près de 50 000 personnes ont participé à une manifestation jusqu’au cimetière général, à l’appel de l’Assemblée des Droits de l’Homme, avec comme arrivée finale le monument qui rend hommage aux personnes assassinées et disparues. Continuer la lecture de « Au sujet des affrontements du 11 à Santiago »

Montevideo, Uruguay : répression contre les anarchistes

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Montevideo: Douze compagnon-ne-s arrêté-e-s juste avant la manifestation devant El Filtro

Le samedi 24 août, aux environs de 17H, heure à laquelle était appelée la manifestation jusqu’à El Filtro, douze compagnon-ne-s ont été arrêté-e-s près de La Solidaria à quatre endroits différents, à travers quatre grandes opération simultanées menées à bien par les renseignements policiers, le DOE (Département d’Opérations Spéciales) et Interpol.

Les douze compagnon-ne-s ont été transporté-e-s jusqu’à la préfecture, où illes ont été pris en photo, illes ont aussi été interrogé-e-s au sujet de leur participation à la manifestation du 14 août, ainsi que sur leurs appartenances à des groupes particuliers et des questions de caractère idéologique, bien évidemment tout cela au milieu d’insultes, humiliations, coups et menaces de viol.

Apparemment les arrestations servaient juste à identifier les personnes, les compas ne passeront pas devant le juge, et vers 21:30 illes étaient dehors, sans aucune charge.

Il nous apparait évident que les Renseignements et la DOE font des enquêtes depuis un moment sur les compas qui participent à n’importe quelle mobilisation, autant en prenant des photos qu’en mettant des flics infiltrés dans les manifestations pour les reconnaitre et les poursuivre (comme ça a été le cas des deux compas arrêtés le 14 août).

Sans aucun doute les dernières arrestations sont une attaque claire contre tous les individus, collectifs ou organisations qui luttent contre ce monde d’exploitation, contre ceux/celles qui refusent l’inévitable destruction de la terre à laquelle conduit n’importe quel projet du capital, contre ceux/celles qui participent dans des espaces autonomes et autogérés, contre ceux/celles qui par leurs mobilisations montrent du doigts ceux/celles chargé-e-s de la répression actuellement et dans le passé.

Avec leurs coups ils essaient de provoquer la peur et l’instabilité, ils essaient de nous faire taire, mais leurs coups nous rendent plus forts.

Nous lançons un appel de solidarité partout dans le monde.

Contre la répression, solidarité et action !

source

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Nouvelle attaque contre le mouvement anarchiste à Montevideo.

Dans l’après-midi d’hier une compagnonne du Chili qui vit ici et qui est en train de faire les démarches pour avoir ses papiers a été séquestrée par l’État. Elle a été appelée pour se présenter au service de migration et nous ne savons pas exactement à quel moment elle a été arrêtée par les flics. Dès la nuit les compagnon-ne-s sont sorties à sa recherche et ont fini par trouver l’endroit où elle se trouvait, le commissariat de femmes. Les services de renseignement sont les responsables de l’arrestation.

Aujourd’hui une autre compagnonne en sortant de sa maison a vu une camionnette suspecte et ensuite on l’a fait monter de force dans une voiture. Les voisins ont informé les anarchistes de son enlèvement. Plus tard nous avons pu vérifier qu’elle était elle aussi arrêtée.

À 14h toutes les deux seront transférées au tribunal, nous ne savons pas encore sous quelles accusations. Nous supposons que les arrestations sont en relation avec ce qu’il s’est passé lors de la manifestation du 14 août. Le 24 elles avait déjà été arrêtées avec 10 autres compagnon-ne-s juste avant une autre manifestation qui avait lieu ce jour là.

Ces dernières semaines il y a eu plusieurs attaques contre le mouvement anarchiste : filatures, écoutes, menaces et arrestations. Rien de tout cela ne nous fait peur !

Nous serons devant le tribunal comme nous avons été devant les commissariats parce qu’ici personne ne se rend. Les compagnonnes ne sont pas seules, aucun prisonnier ou arrêté est seul tant que nous sommes dehors et que nous nous battons.

S’ils touchent à unE, ils nous touchent à tous/toutes. Vive l’anarchie !

Des anarchistes

Défendons les compagnon-ne-s des griffes de la répression.

aficheperseguidosLa logique du pouvoir s’alimente en définissant la légalité ou l’illégalité, que ce soit des actes, des idées, des gestes, y compris des personnes. Loin de ces paramètres qui ne font que nourrir la domination, ce qui est réellement valable ce sont les décisions de lutte menées par des personnes concrètes. Pour cela nous défendons les compagnon-ne-s et les différentes pratiques d’attaque contre le pouvoir.

*Il y a 4 ans le pouvoir a décidé que la vie de Diego Ríos était illégale, en trouvant chez lui du matériel pour fabriquer des explosifs. Devant la chasse menée contre lui le compagnon anarchiste décide de fuir et ne pas baisser la tête, restant en cavale jusqu’à aujourd’hui.

*En 2013 dans le contexte du combat et de la lutte de rue, où les actions de combat et d’affrontement contre les puissants s’est propagé, des flics des services de renseignement filment un jeune cagoulé attaquant des flics avec un cocktail molotov. La filature policière permet de l’identifier, ces images et son identité sont largement diffusées par les médias.

Les deux situations mettent en évidence le monopole de la violence de la part de l’État. Lorsque quelqu’un s’affronte contre la domination, la répression lui tombe dessus avec tout son appareil policier, politique, journalistique et judiciaire.

Devant les assauts de l’État il ne nous reste qu’un chemin à prendre : la défense illimitée de toutes les formes de lutte contre le pouvoir et des compagnon-ne-s qui décident de faire ce pas.

Soutien et solidarité avec nos compagnon-ne-s persécuté-e-s.
Lutte permanente contre la domination.

  Traduit de Publicación Refractario

Répression contre les émeutiers

Au cours de la manifestation étudiante du 26 juin des équipe de la police politique DIPOLCAR (service de renseignement) se sont infiltrés dans la manifestation et les émeutes, filmant de près une personne cagoulée qui avait un cocktail molotov à la main.

Le jeune encagoulé allume le molotov sur une barricade et le lance contre la police. Après avoir été suivi durant les émeutes il est filmé en train de se changer à l’intérieur de la USACH et essayant des chaussures provenant d’un pillage qui a eu lieu au cours des émeutes dans le centre de Santiago.

Les griffes de la répression se serrent sur Nicolás Sandoval Toro (19 ans) et son frère de 17. Ils sont arrêtés et formalisés pour port illégal d’engin incendiaire, atteinte à l’autorité et recel. Donnant 120 jours d’enquête au parquet, le compagnon reste en libération conditionnelle.

Après une médiatisation de son affaire (la “fuite” dans des journaux télévisés  à des horaires de grande écoute au sujet de sa filature) la cour d’appel a décidé d’emprisonner Nicolas Toro le 4 juillet.

Défendons les compagnon-ne-s accusé-e-s de combat de rue !

Traduit de Publicación Refractario

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Le 13 juin au cours d’une manifestation étudiante une jeune “encapuchée” a lancé un cocktail molotov sur les forces répressives.

Les images sont filmées depuis un bâtiment par la police secrète de la DIPOLCAR, le policier caméraman suit la jeune encagoulée jusqu’à ce qu’elle se change d’habits derrière des arbres éloignés de l’action.

Des heures après la jeune est arrêtée lors de l’incursion policière dans le siège central de l’Université de Chile bloquée, accusée seulement à ce moment là de désordres pour se trouver dans une université bloquée. Des jours après et devant les critiques du comportement violent des policiers lors de leur incursion dans l’université la police a “déclassifié” ces images pour justifier la violence exercée.

La presse a montré en boucle les images, l’individualisation de la compagnonne la surexposant à l’humiliation publique et lui donnant comme surnom “la blonde encagoulée”, en plus de rendre publique son histoire et son profil.

Ce n’est que le 7 juillet que l’intendance de Santiago a porté plainte contre la compagnonne l’accusant sous les délits de ports d’engins incendiaires et désordres publics devant le septième tribunal de garantie. *

Solidarité avec la compagnonne Giuria Muñoz!

Empêchons les campagnes médiatiques contre les compagnon-ne-s participant dans la lutte de rue !

Traduit de Publicación Refractario

NdT :

* le 19 juillet elle a été arrêtée dans un appartement de la commune de Ñuñoa après avoir été en cavale pendant 10 jours. Le même jour elle a été formalisée pour les “délits” de port d’engin incendiaire et désordres publics. Dix ans de prison avaient été sollicités, puis 90 jours de prison préventive, mais finalement la jeune s’en est tiré avec une liberté sous caution, devant payer  500 mille pesos pour être libérée.

 Il y a d’autres personnes qui ont été arrêtées et jugées sous les même accusations en 2013 dans le cadre des manifestations, malheureusement nous n’avons aucun chiffre, et ces deux exemples ont été utilisés car la presse a allègrement trainé les deux jeunes dans la boue et a rendu leur histoire connue.

Sur les nombreuses personnes arrêtées lors des manifestations certains se voient signifier une interdiction d’assister aux manifestations, parfois pour plusieurs mois. Ainsi l’État essai de noyer ce mouvement en menaçant par la prison et en propageant ainsi la peur, et les “fuites” dans la presse au sujet du groupe tactique d’intervention rapide de la police, appelé Fenix, ne font qu’aller dans ce sens, car quoi de mieux pour essayer de contenir ces manifs que de faire savoir qu’au milieu des manifestants cagoulés il y a des membres des forces d’intervention spécialisés dans le suivi d’émeutiers ?

Grève générale du 26 juin à Santiago

Ceci est un compte-rendu fait à partir de ce que nous avons pu voir dans les rues le mercredi 26 juin, c’est donc loin d’être exhaustif car il y avait trois manifestations simultanées et plusieurs lycées attaqués la nuit, nous n’avons pas pu être partout.

L’animation a commencé dès 07 heures du matin à divers points de la capitale, se matérialisant par des barricades érigées devant les universités et les lycées. Comme d’habitude le complexe universitaire de Macul con Grecia et la Usach n’ont pas été en reste.

ter6La manifestation commençait à 13h, mais des heures avant le centre ville était quadrillé de flics, et des jeunes jugés suspects ou qui n’avaient pas leurs papiers sur eux étaient arrêtés en prévention.

On pouvait aussi voir des hélicoptères voler au dessus de la manif, et un œil observateur pouvait déceler sur certains toits de la Alameda d’étranges photographes ou caméramans, flics ou journalistes (la même chose), malheureusement suffisamment hauts pour être hors d’atteinte des manifestants.

À 13h il y avait trois manifestations simultanées qui devaient se retrouver toutes à un même point, la place de Los Heroes. On compte plus de 100 000 personnes qui auraient assisté à la manifestation, qui n’était pas uniquement des étudiants, puisqu’il y avait plusieurs revendications, étudiantes, mais aussi laborales, ainsi que des revendications par rapport aux lois liberticides que l’État chilien s’apprête à nous sortir, entre autre la loi qui punit toute insulte sur les flics, et la loi Hinzpeter, qui parmi d’autres choses interdira le port de la capucha (la cagoule faite avec un tee-shirt).

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9340_632187956792152_2133531382_n Continuer la lecture de « Grève générale du 26 juin à Santiago »

Quelques mots pour Felicity Ryder, anarchiste en cavale, et quelques réflexions autour de la clandestinité

muralxfelicityCela fait presque deux ans que nous avons diffusé un texte en solidarité avec le compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, clandestin depuis 2009 ( pour l’ordre d’arrestation émis contre lui à la suite d’une dénonciation de sa mère qui avait trouvé du matériel pour fabriquer des explosifs). À cette occasion nous avions partagé quelques réflexions sur les particularités de la clandestinité de compas anti-autoritaires et anarchistes.
Un effort similaire avait été fait par des compas il y a trois ans lorsqu’ils avaient écrit et édité le livre “Al Acecho” ( À l’affût), au sujet de l’affaire de Diego Ríos, qui pour nous est le premier texte fait au Chili qui aborde la thématique de la clandestinité depuis une perspective anti-autoritaire et à partir d’un cas concret. D’autres textes, comme le livre “Incognito” et les communiqués de la compagnonne Gabriela Curilem avaient aussi abordé des expériences de clandestinité de compas anarchistes/anti-autoritaires, une thématique qui semble être peut discutée dans ce coin là.

C’est ainsi que nous avions déjà partagé l’idée que saluer les compagnons en cavale c’est saluer leur décision de lutte, leur choix de s’évader de la prison, qui est aussi une action contre les tentatives du pouvoir d’enfermer ceux qui le combattent.
Aujourd’hui nous voulons saluer en particulier la compagnonne en cavale Felicity Ann Ryder, dans le cadre de l’appel réalisé par des compas anonymes à deux semaines de solidarité avec elle, du 21 février au 7 mars. Nous voulons saluer la compagnonne et lancer en l’air quelques idées sur la clandestinité pour enrichir notre praxis anti-autoritaire, qui sont fruits d’apprentissages individuels et collectifs dans l’aiguisage de nos positions dans le scénario permanent de la guerre sociale.

Que l’oublie et le silence ne dévorent pas nos compagnon-ne-s …

Ce qui est sûr c’est que trop de fois les compagnon-ne-s sont seuls et se prennent des portes qui claquent dans la gueule, souvent les compagnon-ne-s n’ont pas de quoi manger, errent sans avoir où dormir et doivent affronter dans la plus complète solitude les démons à gages. Souvent les frères/sœurs n’ont personne à qui parler, ni d’ habits pour se changer ou quelqu’un avec qui discuter des tactiques, souvent ils sont diffamé-e-s sans la possibilité de se défendre et le silence se brise seulement avec l’écho de l’infamie. Et cela arrive parce qu’au lieu de retrousser ses manches, de gérer, créer et unir des volontés, certains préfèrent se retirer cyniquement, s’annuler dans la peur. Dans la mesure où on ne comprend pas le rôle que joue chacun-e et l’importance vitale des gestes concrets, l’oublie continuera de dévorer des compagnon-ne-s séquestré-e-s, blessé-e-s, ou en cavale.
(La Graine Noire de Nos Convictions. Des mots de la compagnonne Gabriela depuis la clandestinité, août 2011)

[…] ceci n’est pas une plainte ni une énumération de douleurs, c’est écrit dans le but de contribuer à la discussion et à l’échange d’expériences, pour que l’on voit l’arrière-boutique d’un thème qui parait avoir peu de réflexion […]. La revendication d’après moi ne porte pas sur la clandestinité ( qui peut se finir à n’importe quel moment), mais sur la décision de lutte permanente, jusqu’à la fin. Arrive ce qui arrive, même si la vie doit partir avec cela.
(Dépliant les Ailes. Réflexions depuis la clandestinité par la compagnonne Gabriela Curilem. Novembre 2010).

Actuellement dans le territoire appelé Chili nous disposons de quelques expériences de compagnon-ne-s qui se sont déclarés dans la clandestinité et ont décrit ce choix comme une décision contre la persécution des puissants. C’est le cas du compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, du compagnon Hans Niemeyer, de la compagnonne Gabriela Curilem (qui est sortie de la clandestinité en 2012), des compagnons Juan Aliste et du compagnon Marcelo Villarroel (actuellement emprisonnés, accusés de l’attaque d’une banque qui s’est soldée par la mort d’un flic). En plus de cela, les appareils répressifs des puissants n’ont pas pu trouver ni emprisonner le compagnon anonyme du Punk Mauri (mort dans une action en 2009), ni la personne qui accompagnait Tortuga (aujourd’hui en liberté sous condition) après son accident lors de l’explosion de la bombe qu’il posait sur une banque en 2011.

De notre part, lorsqu’avec d’autres compagnon-ne-s nous avons réfléchi sur la clandestinité de compas anti-autoritaires nous avons centré nos analyses sur les différences qui existent avec la forme traditionnelle de clandestinité des organisations révolutionnaires hiérarchiques et centralisées, et dans la nécessité de posséder des moyens propres/autonomes dans la lutte multiforme contre le pouvoir.

Aujourd’hui nous voulons mettre en débat d’autres nécessités importantes et des défis à l’heure d’affronter la clandestinité de quelque compagnon-ne, que nous le/la connaissions ou pas, que nous ayons ou pas des contacts directs avec ceux/celles qui les aident plus ou moins directement, car c’est secondaire lorsque le lien est le compagnerisme forgé par la décision de lutter contre l’autorité …

C’est important de comprendre et de saluer la clandestinité d’un-e compagnon-ne comme une décision personnelle de lutte, mais de ne pas l’idéaliser comme une forme supérieure de l’affrontement, surtout lorsque la décision a pour origine la persécution de compagnon-ne-s spécifiques sur qui l’ennemi a émis des ordres de détention, de recherche et de capture, etc …

Une autre chose importante c’est de considérer que l’ennemi a l’habitude de publier la photo de nos compagnon-ne-s clandestin-e-s dans ses moyens de communication pour que les citoyens collaborent à leur capture, et c’est donc une responsabilité et un acte de solidarité de notre part de retirer des pages d’information anarchistes -ou autre type de propagande- toute photo de compas qui sont rentrés en clandestinité, pour faire obstacle, même si c’est pas grand chose, à la chasse que mène l’ennemi. Nous le soulignons car lorsque le compagnon Hans Niemeyer est rentré dans la clandestinité il y a quelques mois, certains blogs informatifs du milieu anti-autoritaire et d’autres compagnon-ne-s solidaires ont continué de mettre sa photo dans les nouvelles sur le compagnon ou en en forme de propagande solidaire avec sa situation.

C’est aussi important d’avoir conscience que même si chaque jour qui passe sans que nos sœurs/frères en cavale ne soient capturés ridiculise l’ennemi et est un acte de propagande anti-autoritaire contre toute sa machinerie répressive, dans chacun de ces jours il se peut aussi que nos compas aient mille nécessités, comme celle de ne pas se sentir seul-e après avoir été séparé-e-s de personnes/animaux proches et aimé-e-s ou de certains projets et compagnon-ne-s. C’est pour cela que c’est très important que chacun dans ses propres possibilités contribue à ne pas couper les liens communicatifs avec les compagnon-ne-s en cavale et que nous les rendions présents dans l’échange d’expérience sur la scène globale de la guerre sociale. Avec des salutations à travers la propagande et des actions, ou répondant à leurs communiqués envoyés depuis la clandestinité nous pourrions contribuer énormément à ce que le moral de nos frères/sœurs ne baisse pas malgré les obstacles. C’est comme ça que nous pouvons participer à générer des voies de communication et des réflexions plutôt que de les nier ou les couper, isolant ainsi encore plus les compagnon-ne-s clandestin-e-s/

Felicity Ryder, que le vent efface tes traces et te protège des chasseurs.

Dans ces moments difficiles c’est très important pour moi d’avoir des gens proches ou éloignés qui sont solidaires, même sans me connaître. (…) Vive l’anarchie !
(Lettre de la compagnonne Felicity Ryder depuis un endroit hors des cages, juillet 2012).

Felicity a décidé de rentrer dans la clandestinité après l’arrestation du compagnon Mario Lopez, qui en juin 2012 a été arrêté après avoir été blessé en portant un engin incendiaire qui a pris feu, à ce moment là il portait sur lui des documents d’identité de Felicity. Le compagnon Mario a assumé la responsabilité de l’action en indiquant que la compagnonne était juste là au moment où l’engin a explosé et qu’il considère que c’est une erreur d’avoir eu sur lui ses documents d’identité. Dans les premiers jours, la police et la presse du pouvoir ont essayé d’inventer que Felicity était arrêtée, mais quelques mois plus tard la compagnonne a démenti cette version et a reconnu son passage dans la clandestinité face à la persécution répressive qui a commencé contre elle.
La presse du pouvoir a aussi raconté que Felicity avait été au Chili, ce qui a servi à alimenter encore plus le délire des autorités mexicaines sur une soi-disant organisation anarco-insurrectionnaliste gravitant autour du blog Liberación Total, avec comme base le Chili et le Mexique. Du pur délire.

L’expérience de Felicity a des similitudes avec des cas de compas qui ont réalisé des actions avec des compagnon-ne-s qui ont fini morts, blessés ou arrêtés, comme le cas de la personne anonyme qui accompagnait Mauricio Morales, le cas aussi de la personne anonyme qui accompagnait Tortuga, et comme le cas du compagnon Mike, de France, qui a été gravement blessé alors qu’il manipulait un engin explosif avec sa compagnonne Zoé. Sur ce dernier cas il y a eu beaucoup de silence de la part de ses proches, mais le compagnon a récemment diffusé une lettre parlant de sa situation et appelant à la solidarité. Courage et solidarité avec Mike !

Quant à elle, Felicity a écrit des communiqués, le dernier pour saluer le compagnon Mario López après sa sortie de prison en décembre 2012. Ainsi nous arrivons au thème des 2 semaines de solidarité avec la compagnonne qui a eu lieu du 21 au 7 mars, dans laquelle nous avons voulu participer à cet appel en creusant quelques idées sur la clandestinité de compas anti-autoritaires et en invitant tous les compas à débattre sur le thème, à réfléchir sur quoi faire dans de telles circonstances et à connaître et partager les expériences qui peuvent se diffuser. Et dans ce débat, chère compagnonne Felicity, toi aussi tu as beaucoup à nous apporter. Nous espérons que tu vas bien et que tu continues d’écrire à ceux qui se considèrent comme tes compagnon-ne-s dans la lutte contre toute autorité.

Salut aux compas du squat Isla Tortuga qui ont organisé un repas anticarcéral dans le cadre des 2 semaines de solidarité avec Felicity Ryder, nous leur envoyons toute notre estime pour maintenir vive la flamme de solidarité et espérons que ces initiatives se multiplient.

Avec le souvenir vif du compagnon anarchiste grec Lambros Foundas, mort en action en mars 2010.
Avec Punky Mauri présent dans chaque mot et action d’offensive anti-autoritaire.
À la veille d’un nouveau 29 mars, jour du jeune combattant.

Guerre sociale, anarchie et rébellion contre toute autorité !

Sin Banderas Ni Fronteras, noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande écrite.
Mars 2013.

Sur la solidarité dans la répression. Sur l’affinité.

solidaridadUne fois j’ai entendu un vieil anarchiste qui avait vécu la révolution et la guerre et qui avec la sagesse que donne l’expérience et un petit sourire sur le visage disait :” les anarchistes ce qui nous plaît le plus c’est de nous disputer”, et il n’avait pas tort. Il y a mille et une divergences connues au sein du mouvement : cénétistes vs. cégétistes, anarchosyndicalistes vs. insurrectionnalistes, mais même au delà de ça, au sein de l’idéologie, de chaque groupe, de chaque famille émergent des divergences et les débats explosent avec passion, parce qu’en plus d’envie de se disputer une autre chose que nous avons l’habitude d’avoir, nous les anarchistes, c’est une passion pour ce que nous croyons, et cette passion nous envahit à chacun de nos pas, à chaque décision que nous prenons, à chaque risque que nous assumons. Cette “richesse” qui donne la variété d’opinions est la conséquence du refus que personne ne te dise ce que tu dois penser ou ce que tu dois faire, le refus des dirigeants qui tracent une ligne politique à suivre, la raison d’être de l’importance et la responsabilité individuelle face à la soumission devant un leader, un programme, un parti, etc … Évidemment nous ne prendrons pas le palais d’hiver mais ce que nous faisons, les décisions que nous prenons, seront la conséquence d’une analyse personnelle que chacun de nous assumera individuellement.

L’affinité dans nos groupes est quelque chose de fondamental, la libre association fait que cette affinité est agglutinante du groupe, et même, cette affinité en plus de politique devient nécessairement personnelle car l’honnêteté envers les compagnons devient un ciment sur lequel construire n’importe quel projet politique à venir.

Jusqu’ici tout ceci se fait plus ou moins naturellement dans les conditions normales. Mais lorsque la répression se jette sur nous tout cela devient un déchaînement de passions, de peurs, d’adrénaline débridée, de nerfs … La répression est un coup dur auquel nous ne nous habituerons jamais, d’autant plus lorsque ça te touche de près. C’est dans ces moments que toute cette passion que nous portons dans nos discussions se débride et devient un problème. Thessalonique, Milan, Turin, sont des exemples de comment la répression creuse les divergences, éclatent les vieilles rancœurs et les vieilles querelles et finissent par se déchaîner en une spirale d’attaques et vendettas auto-destructives totalement inutiles et décourageantes pour le reste des groupes et individus en affinité qui observent ça de loin. La ligne fine qui sépare la divergence politique ou méthodologique de l’attaque personnelle ne devrait jamais être dépassée, encore moins dans des moments d’attaques répressives de la part du système, ceci devrait être une maxime gravée au feu entre compagnons. Isoler un compagnon blessé et séquestré entre les griffes du capital est largement contraire à l’idéal de solidarité et d’entraide auquel nous pensons croire fermement.

Lorsque le système s’acharne à mort contre un compagnon ça n’est pas le bon moment pour faire émerger de vieilles rancœurs et l’attaquer avec des reproches sur des vieilles questions, c’est plutôt mesquin et cruel. Lorsque la répression s’acharne sur des compagnons engagés qui, divergences, colères, disputes et affrontements verbaux mis à part, ont largement prouvé leur implication, courage, engagement et dévouement, la solidarité doit être indiscutable. Bien entendu la solidarité ne doit pas amener à une attitude acritique, les différences politiques, idéologiques et méthodologiques sont acceptables et nécessaires, mais la solidarité doit passer au dessus des divergences lorsque la gravité de la situation l’exige. C’est aussi facile que : ” je ne partage pas tes méthodes, ton approche de l’affrontement, ta méthodologie, mais tu peux compter sur mon soutien et solidarité maintenant que la machinerie coercitive et destructrice du système s’acharne sur toi”.

La solidarité entre acrates ne devrait pas être juste des mots sur du papier.

Rojoscuro

2012: Retour, évaluations et perspectives anticarcérales

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En tant que Refractario nous avons décidé de faire un retour sur l’année qui s’est écoulé à propos de la situation de la lutte anticarcérale, la répression et les différents événements qui ont eut lieu en 2012. Les limites chronologiques qui nous permettent de situer ce petit résumé se basent en partie sur les données du compte rendu annuel de l’institution de séquestration et de mort que représente l’administration pénitentiaire.

Cette année a vu la fin de divers procès de compagnon-ne-s qui ont commencé au cours de d’autres années. Ainsi le “Caso Bombas”(2010), le procès contre Tortuga (2011) et le cas des compas accusés d’avoir frappé un flic au cimetière général (2011) ont fini au cours de l’année 2012 avec tous ces compagnon-ne-s libres.

D’autre part, le progrès de la lutte dans la rue ont amené aussi une augmentation des tactique répressives, juridiques et carcérales contres les compagnons qui combattent dans la rue. C’est cette année que plusieurs compagnon-ne-s ont dû affronter la détention, la prison et des procès judiciaires accusés de diverses charges en lien avec la lutte dans la rue (port d’arme à feu, incendie, agression de policier, ou le pompeux “tentative d’homicide”). La prison préventive continue d’être utilisée par le ministère public cherchant par là à sortir les compagnon-ne-s de la rue, les confronter à la prison et toucher leurs proches. Le ministère public sait très bien qu’au lieu d’être condamnés, le plus probable est que les accusés accomplissent leur condamnation en liberté du à la peine basse.

L’État ne perd pas de temps et cherche à augmenter les peines, à rendre encore plus compliqué le parcours juridique et à construire encore plus de prisons dans tout le pays, en plus d’étendre le contrôle et l’assujettissement des prisonniers, en même temps qu’il gère et cède les prisons en générant un nouveau business et un secteur commercial pour s’enrichir, pendant qu’il mène à la baguette et punis ceux qui sortent de l’ordre établi. Continuer la lecture de « 2012: Retour, évaluations et perspectives anticarcérales »

APOLOGIE DE LA DÉLATION

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Assis sur ma couchette qui s’est convertie en l’un des endroits où je peux lire et écrire, je veux exprimer ce qui me perturbe. Le brouhaha des 50 prisonniers avec qui je partage cet espace se fait maître de l’environnement. Une faible lumière s’approche de la feuille de papier sur laquelle j’écris pour laisser place à ces mots, ces mots qui décident de rompre le silence en parlant des délateurs/trices.

Il faut avoir en tête – dans la réflexion permanente – que le but de l’État est la réduction de l’individu en utilisant ses stratégies connues qui ne sont pas vraiment une innovation, comme la matérialisation routinière de la punition à travers l’emprisonnement, la persécution et le fait de faire des exemples. Il cherche à réduire l’individu à une carte d’identité, un numéro ou un code. Il cherche à nous exterminer moralement, à anéantir n’importe quelle pratique révolutionnaire. Mais il y a un détail à remarquer : n’importe quelle personne qui se reconnaît dans l’éventail libertaire possède la notion de se situer du côté de la barricade opposé à celui du Pouvoir-autorité. Cependant, il existe des gens qui se revendiquent libertaires ou anarchistes et qui justifient et cautionnent la répression. À partir de cet aval-justification cette revendication se transforme en simple discours auto-hypocrite, ils passent de l’autre côté de la barricade, et l’on se retrouve face à eux et non plus à côté d’eux.

Si il y a des personnes emprisonnées ça n’est pas parce que les « responsables » des attentats sont coupables de l’emprisonnement par l’État d’individus à tendance ou pratiques politiques *. L’État-Pouvoir profite seulement de ces incidents pour pousser, justifier son efficacité ou « sécurité » citoyenne. C’est très clair que la nécessité politique et répressive et ses alliés plateformistes sont les seuls responsables de l’enfermement de certains d’entre nous dans les entrailles du Pouvoir. Par conséquent, c’est pathétique de demander que les personnes qui ont fait les attentats se rendent ou viennent échanger leur liberté avec celle d’autres personnes. À ces personnes qui parlent de vrais ou faux anarchistes il ne leur manque plus qu’à demander un uniforme de policier en échange de la délation et la collaboration. Ils n’ont pas compris qu’une lutte est digne lorsqu’elle possède de hautes valeurs révolutionnaires, et qu’une personne sans vide moral ne dénonce pas les autres.

Dans ce débat ça n’est pas la priorité de se déclarer « coupable ou innocent », la priorité est qu’il n’y ait pas d’autres compagnon(ne)s qui soient emprisonnés, et au sein de cette priorité il y a la douleur qui se propage dans la famille et les proches qui ne doit pas se reproduire.

Dans l’histoire des luttes sur ces terres il est inévitable de reparler des femmes aguerries du S.F.O.V. ( Syndicat Féminin de Métier Variés) et la F.O.F ( Fédération Ouvrière Féminine). Dans le courant des années 20-50 la lutte contre l’État-Bourgeois oppresseur était organisée en syndicats et à l’intérieur de ceux-là – pas seulement en Bolivie mais dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique – il y avait des initiatives empreintes d’un lien solidaire fort envers des prisonniers politiques de d’autres pays. Ces cholas** anarchistes courageuses étaient conscientes qu’il ne fallait de prisonniers anarchistes nulle part. À la fin de l’année 1927 elles ont décidé de se joindre à la campagne internationale pour la libération des anarchistes italiens Sacco et Vanzetti. Comme on le sait c’était deux immigrés, travailleurs et anarchistes, qui ont été jugés et exécutés par électrocution pour le supposé vol à main armée et le meurtre de deux personnes. Ce qu’il y a de remarquable dans cette histoire est le fait que la campagne de solidarité ne demandait pas la tête des auteurs des attentats. Les cholas anarchistes exigeaient la libération de Sacco et Vanzetti et maintenaient une conception élevée et une pratique morale. Elles savaient très bien que faire du chantage et demander aux auteurs qu’ils se rendent pour que la liste des prisonniers politiques s’allonge ne fait pas partie des luttes libertaires.

Bien que beaucoup d’eau ait coulé sous les ponts depuis ce temps, la dignité et les attitudes éthiques se maintiennent intactes. S’il y a eu des délateurs on a toujours considéré qu’ils étaient étrangers à la lutte contre le Pouvoir. Les « cholas» anarchistes du S.F.O.V. et de la F.O.F. sont une bonne référence de lutte anti-patriarcale et avec beaucoup de cohérence elles ont su se libérer d’attitudes accusatrices et délatrices. Actuellement les syndicats – en tout cas ici sur ces terres- sont dans les mains des trotskos. La lutte syndicale est devenue un organisme verticale et autoritaire, et n’a donc rien à voir avec une posture anarchiste. Elle s’est institutionnalisée et n’est qu’une agglutination de masses qui ne font que suivre les accords entre ses dirigeants et l’État.

Je ne m’attendais pas à ce que dans ce chapitre carcéral les délateurs/trices deviennent les protagonistes principaux. À ma charge, je ne m’attendais pas à ce que ceux qui disent être des compagnon(ne)s demandent à ce que les rangs des prisonniers anarchistes soient grossis. Par conséquent je rejette n’importe quel acte solidaire qui m’implique avec des individus qui valident la répression.

Je suis toujours dans l’attente de sortir de cette cage, la machine judiciaire avance lentement mais même ainsi je suis fort et ferme. J’admire tous ceux/celles qui continuent de lutter dans les prisons de dehors et de dedans. Un grand sourire apparait sur mon visage lorsque j’entends que le Caso Bombas a eu une fin, c’est une grande victoire dans notre histoire. Tous les montages des États tomberont tôt ou tard. Je refais un salut à tous les prisonnièr(e)s du Pouvoir qui ne se rendent pas, à ma famille et mes compagnon(ne)s.

Ne laissons pas nos rêves se faire voler. La solidarité est ce qui donne du courage à un(e) prisonnièr(e) et le/la fait ne pas se sentir seul.

Henry Zegarrundo
Prisonnier anti-autoritaire

N.d.T. :

* Le 28 août le collectif de solidarité Libertad a écrit : « nous regrettons que Nina [Mansilla], dans son désespoir de sortir de ce centre d’extermination, a chargé ses compagnons Krudo [Mayron Gutiérrez Monroy] et Henry [Zegarrundo] dans sa déclaration sur laquelle elle est revenue de son propre chef ; de même qu’elle a donné les noms de ceux dont elle pense qu’ils font parti de la FAI-FRI.

Le 29 septembre l’auto-proclamée « activiste anarcho-féministe » Nina Mansilla a mentionné, entre autres choses, que les personnes qui ont commis les 17 attaques devraient prendre la responsabilité de leurs actions et ne pas laisser quelqu’un d’autre « payer pour le mouvement ». De plus, au sujet de la vidéo qui selon le procureur montre Nina en action, elle a fait des allusions à des détails afin d’impliquer une autre personne qui, selon ses mots « je l’ai considéré comme une compagnonne et une sœur à un moment donné, mais je ne peux plus dire la même chose maintenant, alors qu’elle connait ma situation légale et émotionnelle, qu’elle sait que je suis là à cause d’elle, parce que soit disant j’ai une légère « ressemblance » avec elle. » Enfin, N. Mansilla a eu le culot d’écrire : « pourquoi devrais-je me taire ? Pour protéger qui ? On a dit de moi que je suis une balance, et des gens ont retiré leur solidarité envers moi parce que « j’ai accusé d’autres personnes pour me sauver » ; de ce que je vois, c’est très facile pour quiconque de se gargariser avec des discours radicaux, de parler de loyauté et de résistance derrière un clavier, d’écrire des déclarations intransigeantes contre l’État, la société et tous ceux qui ne pensent pas comme eux juste pour se faire mousser. Mais qui est à ma place ? Qui vit avec moi tous les jours ? Qui subit l’humiliation et l’intimidation que je dois supporter depuis les quatre derniers mois ? »

** Le terme chola a une longue histoire et revêt une importante connotation culturelle en Amérique du Sud. En général ça désigne les femmes andines issues de la campagne, qui portent la pollera (costume traditionnel), parlent quechua ou aymara et vendent leurs produits sur les marchés (un archétype des femmes andines). Mais chola peut aussi représenter une certaine attitude dans la façon d’être et de vivre, des traits qui complètent la tenue pour être identifié comme tel. Le terme était utilisé de façon péjorative par les bourgeois pour désigner une femme belliqueuse, séductrice et lascive, en somme un objet de désire sexuel, et de plus l’incarnation du sacrifice à travers la maternité et le travail. C’est devenu un terme qui symbolise la triple oppression que ces femmes subissaient (et subissent encore) : discrimination basée sur l’indigénité, la classe sociale et le genre. Comme Henry l’explique dans le texte le terme désigne aussi les qhateras (marchandes) et d’autres femmes qui se sont rebellé depuis les années 20 et ont pris part à la lutte anarchosyndicaliste en Bolivie, et plus particulièrement à La Paz, s’appropriant le terme chola.