Trois communiqués de prisonnier-e-s de Villa Francia

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Dans le dernier souffle du printemps

“Le feu ne nous brûle pas,
Nous venons d’un endroit beaucoup plus chaud,
et nous nous entraînons pour l’enfer”.

Être ici n’est pas facile, mais c’est la conséquence de nos actes.

Entre caresse et dégoût j’écris pour sentir que je suis toujours vivant-e, qu’on continue de lutter, que rien n’est perdu.

S’il est vrai, comme l’ont déclaré d’autres, que la situation spécifique dans laquelle je me trouve, dans ma maison, a été une erreur, non pas le fait d’avoir été là-bas cette nuit là, mais sur le comment on a agi individuellement et collectivement au niveau stratégique ; ça a été un mauvais pas, un sale coup, nous n’avons rien gagné cette nuit là si ce n’est le fait d’être, une fois de plus, entre leurs mains, et un peu d’expérience.

Peut-être que je parle depuis la défaite momentanée d’une bataille perdue. Par contre la guerre, celle que mènent tous les jours ceux qui s’opposent à ce qu’ils dominent nos vies , la guerre sociale, de cette foutue société dans laquelle nous vivons, amante de l’oublie, adoratrice du marché et ignorante jusque dans le confort, celle-là elle n’est pas perdue. Si je parle de défaite dans mes mots c’est parce que je suis enfermé-e, mais mes sentiments n’ont pas le goût  de la défaite, mais de la haine, de la vengeance et de la rage, et d’un grand amour pour les compagnon-e-s qui ne baissent pas les bras, ceux que t’imaginais même pas qu’ils t’accompagnaient mais qui sont là, ces compas qui éprouvent aussi une haine profonde pour ce qui les entoure, tellement qu’ils se le tatouent au feu dans les veines et sortent prudents les nuits pour attaquer, pour ne pas se taire.

Entre caresse et dégoût je me sens parce que je déteste les matins, mais les jours ne passent pas seuls, et les nuits abritent des conspirateurs/trices. Par ici coule beaucoup de sang chaud.

Si on me demande ce que je pense de cette nuit là, je l’ai déjà dit, pour moi ça a été une grande piscine de laquelle je suis sorti-e avec des meurtrissures, mais je ne me suis pas noyé. On a toujours su que la situation allait être explosive, on savait que quelque chose de différent allait se passer, les 5 bus cramés des jours avant le 11, en commémoration de Manuel Gutierrez, montraient que ça ne serait pas une date tranquille, ça a été dit à la télé, dans les journaux, et même à la radio. La complicité entre police et média de désinformation bourgeois ne pouvait pas être plus évidente. Il faut se donner des coups forts pour se rendre compte que les choses ne se font pas comme ça, par ça je veux préciser qu’on n’apprend pas seulement des erreurs, car le passé et l’histoire qui s’est forgée dans le sang, la joie et la douleur doivent nous laisser des traces, nous devons apprendre d’eux, les mort-e-s nous crient dessus ! Si j’ai décidé de sortir cette nuit là c’est parce que j’ai senti qu’on ne devait pas se laisse effrayer, que même si le quartier était militarisé il y avait une poignée de personnes qui n’avaient pas peur de s’affronter contre tout, et que la police sache qu’on n’abandonnera jamais !

Ils n’ont jamais eu de victoires si ce n’est grâce à nos propres erreurs.

« On s’est livré à eux, on était des proies faciles ». Que ça soit clair que toutes ces fanfaronnades qui sortent de la bouche de capitaines, ministres, juges et grands patrons dans leurs boites idiotes n’ont jamais étaient vraies. S’ils nous ont attrapé, s’ils nous ont actuellement entre leurs mains c’est à cause de nos erreurs, car ils n’ont jamais été capables d’obtenir des résultats réels de leurs enquêtes d’inintelligence policière, et ils le savent mieux que nous, et ça leur fait mal. C’est pour ça qu’ils nous punissent, parce que nous sommes irréductibles, qu’on ne se laisse pas dominer. D’où les prolongements d’enquête et les longues peines de 5, 20 ans, jusqu’à perpétuité qu’ils veulent imposer. Que ça soit clair que je ne parle pas seulement pour moi, pour l’affaire dans laquelle je suis impliqué-e. Ici, les 14, nous risquons peut-être quelques années de liberté surveillée, ou de signature, qui sait, mais j’aurai tendance à croire que nous ne risquons pas beaucoup, peut-être quelques années. Mais qu’en est-il des rebelles qui risquent de nombreuses, de très nombreuses années en prison, qu’en est-il de ceux/celles qui parce qu’on les a puni ne ressortent de la prison que lorsqu’ils sont libérés ou qu’ils se font la belle ? Qu’en est-il de ceux/celles qui ont déjà passé plus de la moitié de leur vie en prison, et à qui il reste encore beaucoup plus, mais qui gardent la tête haute, ne baissent pas les bras, parce qu’ils voient que dans la rue il y a toujours une guerre en cours ? Qu’en est-il de ceux/celles qui sont aussi tombé-e-s pour jet de molotovs mais qui purgent leur peine depuis plusieurs mois en prison ? J’écris avec rage, parce que certains obstiné-e-s qui vivent réellement enfermé-e-s ont énormément de valeur …

Avec ça je ne veux pas dire que la prison/maison n’est pas difficile, mais je voudrais savoir que la solidarité va au delà de 14 personnes.

Bon, après avoir donné un profond soupir je réécris avec angoisse ; je voudrais que ces mots arrivent à se transformer en feu pour les sortir de là où ils sont. La guerre et la lutte ne se concentrent pas sur la prison, et je ne le veux pas, mais sur la destruction de celle-ci et de toute forme de domination qui crée la prison (pas seulement concrète) pour nourrir ses relations pourries de pouvoir et ainsi piétiner celui/celle qui passe après ses intérêts personnels dégouttants. Les prisonniers ne doivent jamais rester seuls.

J’écris avec encore plus de dégoût en voyant quelques petits fonctionnaires de l’État vociférer avec jouissance les actes commis par un rebelle, disant qu’il a des « tendances à l’inadaptabilité », carrément! Qui peut s’adapter dans ce monde d’hypocrites corrects et de morts vivants dégoûtants, vampires, foutus normaux !

C’est en écrivant et en se remémorant certains trucs qu’on tire quelques conclusions. Manquer de tactiques et de stratégies d’attaque amène des conséquences pas seulement individuelles, mais emporte ceux en affinité avec nous. C’est grâce à des stratégies bien pensées qu’on gagne des batailles, qu’on intensifie l’attaque, qu’on agit chaque fois de façon plus précise, protégés par une des armes les plus précieuses que nous ayons, l’invisibilité.

Sans mémoire il n’y a pas de bataille à gagner !

L’invisibilité va main dans la main avec la surprise. Une nuit quelconque, un objectif précis, l’ennemi marche seul, dans une rue solitaire et le chat griffe, couteau sur le cou. Je ne dis pas ça en pensant qu’il ne faut pas commémorer les dates dans lesquelles en particulier des compagnon-ne-s ou individus en affinité sont tombé-e-s, que des choses terribles se passent ou qu’aient  lieu de grand actes de lutte, car sans la mémoire nous marchons de façon incertaine.

La mémoire est une arme qu’il ne faut jamais oublier. Je n’arrêterai jamais de commémorer la mort de compagnon-e-s très proches, et ainsi comme cette nuit là, on ne peut pas laisser passer la date dans laquelle les puissants ont tué peut-être plus de la moitié des personnes en lutte de cette époque. Quarante ans ont passé depuis le coup d’État, et ça ils ne l’oublieront jamais, pas même le plus radical dans sa lutte, ni la dame qui continue de chercher son mari, son fils, ses frères, amis … combien de disparu-e-s ! Et les responsables sont toujours vivants, et à cela je dis Vengeance.

Sans mémoire on se foutrait bien de qui a tué le ministre Perez Sujovic ni pourquoi ils l’ont tué, on ne voudrait pas savoir pourquoi Antonio Ramón Ramón a attaqué le général Roberto Silva Renard, et on se foutrait bien des anarchistes expropriateurs ! On ne saurait même pas que les premiers braqueurs de banques au Chili qui ont agi en revendiquant les faits étaient des individus en lutte qui ensuite ont été dans l’Espagne de 1936. Et que nous importerait Flora Sanhueza et les Sacco et Vanzetti ! La mémoire est une arme, et plus on l’engraisse mieux elle fonctionne.

Entre dégoûts et tendresse et parfois plus de tendresse.

J’écris aussi pour que les compas sachent ma reconnaissance envers les gestes de tendresses et les préoccupations, la solidarité est aussi une arme, une qui se charge et s’aiguise, et qui doit bien viser. Je veux en venir au fait que nous, les 14, nous nous trouvons actuellement dans une enquête, ils nous ont entre leurs mains, nous sommes capturé-e-s, nous sommes tombé-e-s dans le quartier et personne ne peut nier que peut-être quelque chose de pire peut arriver (comparutions pour d’autres faits, enquêtes parallèles, harcèlement de la police civile, etc … ) mais il y a aussi d’autres prisonnier-e-s, et nous ne devons pas arrêter la solidarité avec ceux/celles qui sont en prison. Nous ne pouvons pas normaliser le séjour des compas en prison parce que ça fait de nombreuses années qu’ils y sont ou bien qu’ils en ont beaucoup plus devant eux. Il y a de grands compagnon-ne-s qui ont besoin qu’on ne les oublie pas, que ce soit par la propagande, les colis qu’on leur envoie, la tendresse … il y a beaucoup à faire.

Je veux aussi parler de quelque chose qui a déjà été dit dans les écrits des autres inculpés. Le montage, sans aucun remord je le dis, qui accuse chacun de nous (un, deux, trois, neuf molotovs) n’existe pas. Ce n’est pas un montage, car un montage se monte, se prépare, se « pense » au préalable et on cherche les coupables. Cette fois ça ne s’est pas passé comme ça, bien entendu que ce dont ils nous accusent est faux, mais ça n’est pas faux qu’on était là-bas. C’est juste dommage pour ceux qui faisaient les badauds ! Mais si nous sommes prisonnier-es dans nos maisons c’est parce que nous avons fait face, luttant contre les flics, affrontant l’ennemi, et nous regrettons qu’autant de matériel incendiaire présent dans ce commissariat n’ait pas pu décorer leurs têtes. Si cette nuit d’arrestation on a entendu plusieurs peureux, presque innocents de leurs propres actes, la prison comme conséquence de cette guerre est une possibilité, et je ne supporte pas les discours d’innocence et de culpabilité dans une nuit où celui/celle qui était là-bas était en train de lutter, positionné dans une guerre où l’ennemi est déclaré et ils n’ont pas peur d’utiliser leurs terribles armes contre ceux/celles qui osent se rebeller. Ainsi nous sortons les griffes et attaquons avec toute notre rage et les armes les plus brûlantes à notre disposition. Je ne veux pas demander la justice à l’ennemi, et je ne supporte pas qu’on se croit innocent d’un acte en particulier lorsqu’on t’attrape. Il faut continuer d’être rupturistes tant qu’ils ne nous prennent pas, si nous nous positionnons en guerre contre cette société carcérale, avec la complicité de la nuit, ça n’est pas un jeu, nous donnons notre vie pour ça, le compromis est définitif.

Lorsqu’on se positionne contre la domination et qu’on accepte de lutter dans une guerre inégale en armes, on sera toujours clandestin, on ne peut pas jouer dans la tranchée des « procès justes » ou des détentions illégales, à moins qu’on soit légaliste et nous voulons détruire l’État à travers la constitution.

Comme toujours et dans chaque guerre il y a des pertes, et cette fois nous ne sommes pas en prison, mais nous sommes bien entre leurs mains. Quelques personnes sont en train de décider de nos vies. Si par là on assume que c’est une défaite, qu’il y a eu des erreurs dans la façon d’agir cette nuit-là, la perte n’a pas été totale, c’est certains qu’on n’a pas eu le dessus, mais c’est comme ça que nous devenons plus forts, au travers d’erreurs on avance aussi, et y aura des prochaines, les couteaux chaque fois plus affilés et les fers plus graissés.

C’est comma ça que passent les jours, entre dégoût et parfois plus de dégoût, mais la tête haute. Un mois, deux mois, peut-être cinq, qui sait, quand on est entre les mains des « grands patrons » n’importe quoi peut arriver, et dans ce sens je suis tranquille et je le dois à ce qu’ils n’auront jamais aucune certitude de ce dont ils nous accusent. Je reste absolument certain que si nous sommes entre leurs mains c’est à cause de nos erreurs. Ils peuvent avoir certains d’entre nous entre leurs mains peut-être pour de longs mois, mais nos esprits et désirs de vengeance volent, conspirent à distance et deviennent réalité dans les mains de ces entêté-e-s qui ne baissent pas les bras.

Je ne peux pas laisser ce stylo se taire avant d’envoyer un salut fraternel à ceux qui sont derrière les vrais murs, envoyer un bout de mon cœur et désirs de liberté qui volent, traversent les fusils, les grilles et d’autres grilles, et arrivent jusqu’aux cellules les plus insensés de haute sécurité qu’ils ont eu l’idée d’inventer, et embrasser ceux qui sont là-bas. Hans Niemeyer, Freddy, Marcelo, Juan, José Miguel Sanchez, Alberto Olivares, Victor Montoya, Nicolas Sandoval, Jorge Mateluna, Mauricio Hernandez Norambuena, Nicolas Gai et Alfredo Cospito, les prisonnier-e-s mapuches, les compagnon-ne-s du Mexique, de Bolivie, d’Uruguay, de Grèce, de Bulgarie, d’Italie, d’Indonésie, etc … Je ne peux pas non plus, et ne le ferai jamais, oublier ceux qui ne sont plus là. Mauricio Morales, Claudia Lopez, Daniel Menco, Matias Catrileo, Ariel Antonioletti, Daniel Soto Pantoja, ouf, et beaucoup d’autres. Je souhaite beaucoup de forces à ceux qui marchent loin, clandestins.

Liberté pour les prisonnier-e-s,

Un révolté anti-autoritaire, dans sa maison, qui comme ses frères/sœurs est plein de rage.

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Brève réflexion sur ce qui s’est passé le 11 septembre 2013 à Villa Francia

Nous sommes actuellement 14 personnes qui se trouvent en assignation à résidence depuis ce qui s’est passé le 11 septembre, que de nombreux compagnon-ne-s se sont déjà chargé de raconter.

Nous savons qu’affronter le pouvoir n’est pas sans conséquence, et que nous devons être prêt-e-s pour essayer de les éviter et y faire face, et nous n’avons pas de quoi nous lamenter ou nous victimiser. Je ne veux pas mettre de côté l’intention claire de la police de faire un montage (je dis intention parce qu’en réalité ils n’ont pas réussi à monter quoi que ce soit), et si je parle de montage ça n’est pas parce que je me déclare étranger à l’émeute et que je clame mon innocence, mais parce c’est la réalité (ils ont attribué des sacs et des objets à des personnes à qui ça n’appartenait pas). C’est aussi un fait réel que cette nuit là il y a eu des affrontements avec la police, qui a été attaquée de plusieurs manières, l’affrontement existe et c’est la seule chose de vraie qui sort de la bouche de la police. Ces actions je les revendique et je crois qu’elles sont toujours nécessaires, vu que depuis la plus petite et simple jusqu’à la plus complexe elles représentent un défi pour l’État, et ce qui s’est passé cette nuit, et qui aujourd’hui nous maintient hors de la rue, c’est une tactique de plus de la part de l’autorité pour arrêter ces actions, et nous devons y répondre et ne pas reculer. L’affrontement permanent ne doit pas faiblir, et la peur ne doit pas exister, car c’est ce qu’ils veulent engendrer par ce genre d’arrestations et de procès.

Je crois que c’est important de se demander jusqu’à quel point on est capable de supporter, de faire face et être conséquents lorsque nous disons que nous sommes sur le pied de guerre. Pourquoi la peur existe malgré ça ? Si à chaque affrontement (peu importe la forme qu’il prend) on perçoit la peur, alors la police n’aura, elle, plus peur et s’en prendra à nous avec plus de force (et ce sont eux qui devraient avoir peur). Nous connaissons les conditions dans lesquelles nous nous affrontons et eux nous affrontent, et sachant cela, la lâcheté ne doit pas apparaître lorsque nous sommes sur le front de lutte, lorsque nous recevons une attaque inattendue, ni lorsque des compagnon-ne-s sont privé-e-s de liberté, mais nous devons être prêt-e-s, avant tout, à attaquer, soutenir et être solidaire.

En se rendant compte que de nouvelles stratégies sont apparues pour empêcher tout moment d’affrontement avec le pouvoir, je sens qu’il est important de ne pas s’effrayer, mais faire une auto-critique et apprendre des expériences, créer des nouveaux défis et améliorer la dynamique de l’affrontement. Nous devons être prêt-e-s à faire face à des assauts comme celui-ci, qui a réussi à surprendre et laisser 14 compagnon-ne-s enfermé-e-s dans leurs domiciles.

Je sais que nous ne sommes pas dans les mêmes conditions que les compagnon-ne-s du CAS et d’autres prisons, mais pour autant notre enfermement n’est pas moins important. Comme eux/elles nous avons reçu un coup dans notre lutte, et ainsi, de la forme que ce soit, l’autorité réussit à garder hors de la rue ceux qui connaissent leurs ennemis.

J’envoie un salut fraternel aux autre compagnon-ne-s enfermé-e-s chez eux et à tous les prisonnier-e-s anti-autoritaires. Que le moral ne baisse pas, gardons la tête haute, ne faisons pas ce plaisir à l’autorité, et montrons que même s’ils nous enferment et nous gardent hors de la rue, nos idées sont plus fortes, et la solidarité de nos compagnon-ne-s reste intacte.

Liberté à tous les prisonnier-e-s anti-autoritaires ! Solidarité permanente avec les prisonnier-e-s en guerre !

Un-e détenu-e, actuellement prisonnier-e dans ma maison

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Texte court en commémoration de la mort de Barry Horne, écrit par l’un-e des détenus du 11 septembre à Villa Francia, actuellement en assignation à résidence.

Si y a quelque chose que j’ai appris de Barry et d’autres compagnon-e-s c’est que, y compris dans les conditions les plus difficiles, on ne doit pas baisser la tête, on ne doit pas oublier nos idées, et que même depuis la prison on peut continuer de faire de l’agitation, et que la lutte a beau être individuelle elle n’est jamais au profit de soi-même.

La lutte pour la libération animale ne doit pas se contenter de changer les habitudes alimentaires, ni de demander à un gouvernement ou une entreprise qu’ils améliorent les conditions d’exploitation de certains animaux. Barry l’avait bien compris et il est allé bien au-delà de ça, il croyait dans l’action directe comme moyen légitime dans la lutte, même si c’était hors de la légalité. Il a libéré des animaux, a fait des sabotages contre l’industrie exploiteuse et il a fini en prison pour ça. Il a risqué sa vie et il est mort en conséquence de 3 grèves de la faim qui ont abîmé son corps, preuve suffisante que les idées du compagnon étaient plus que de simples mots. Je crois qu’il faut qu’en souvenir de ce guerrier la commémoration soit aussi plus que des mots (même si dans mon cas ça ne doit être que cela), que se multiplient les actions aujourd’hui et tout le temps, parce que la lutte ça n’est pas un seul jour, ni l’exploitation de la part de l’autorité, qui au quotidien tue et prive de liberté.

C’est important de ne pas oublier les compagnon-e-s mort-e-s, et il ne faut pas s’en souvenir comme des martyrs ou des héros, mais pour les idées qu’ils avaient en eux et les actions où se reflétaient ces dernières.

Depuis ma prison/maison j’envoie un salut fraternel à tous les prisonnier-e-s anti-autoritaires, à tous les compagnon-e-s qui se réunissent dans la lutte pour la libération animale, et qui comprennent qu’elle fait partie de l’affrontement contre l’autorité, que l’exploitation et la prison existent pour tous les animaux et nous ne devons pas nous reposer tant qu’il en est ainsi.

Liberté pour tous les prisonnier-e-s anti-autoritaires.

Jusqu’à détruire toute prison, y compris les zoos, cirques, maisons, et bien sûr l’État qui est la plus grande prison dans laquelle nous sommes prisonnier-e-s.

site des détenu-e-s du 11 septembre à Villa Francia

Rappel vidéo de comment le 11 septembre se commémore dans certains quartiers de la région chilienne :

http://youtu.be/a_VhUWhd34U

Entretien avec un compagnon du site Material Anarquista

Que signifie le 11 septembre pour le mouvement anarchiste au Chili ?

Avant toute chose il faut savoir que ce que je dis se base sur la vision d’un individu et peut être contredit. Ce qui est important dans cette date pour certain-e-s anarchistes c’est que ça symbolise une période où l’État, dirigé par Pinochet, va commencer une politique ouverte d’assassinats, de tortures, disparitions sélectives contre les différentes idées et individus qui voulaient l’empêcher de mener à bien son projet politique et économique, que ce soit des allendistes ou leurs ennemis. Mais c’est important d’établir clairement que ça n’est pas une date où nous commémorons le renversement d’un gouvernement social-démocrate ou la rupture institutionnelle de la structure de l’État, mais plutôt que nous nous rappelons à cette occasion de tous les combattant-e-s et guerrier-e-s qui ont lutté dans le contexte d’une dictature et particulièrement  ces individus qui pensaient qu’il fallait aller au delà de la lutte contre Pinochet et ses laquais. On peut aussi argumenter en disant que nous luttons le 11 septembre pour rompre avec la logique quotidienne du capital, et dans ce cas, avec la manifestation pacifique et bien cadrée dans les paramètres de nos ennemi-e-s. Pour nous n’importe quelle date est une excuse pour mettre en tension l’affrontement et aiguiser notre praxis, notre discours, contre toute autorité, parce  que la persécution, l’emprisonnement, la torture, la disparition et l’assassinat sont présents jusqu’à nos jours, ce qui prouve que nous nous trouvons dans une guerre sociale, la preuve avec les différents agissements de l’État dans les derniers gros cas de répression (Caso Bombas, Caso Security, la lutte des mapuches, José Huenante … ).

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Quelle influence a le mouvement anarchiste à Santiago dans les commémorations de cette année, les manifs et les autres événements ?

Je sais pas si on peut vraiment parler d’influence, ça serait donner une importance à la lutte anti-autoritaire dans la région chilienne qu’elle n’a pas au sein du mouvement social ou de masse, et en plus de ça je pense pas que ça soit une priorité pour nous. On participe de façon active à la lutte de rue au moment des manifs, et de même dans les différentes poblaciones de la périphérie qui ont une tradition de lutte et de combat contre le capital et l’autorité du gouvernement, indépendamment de qui se trouve au pouvoir.

Parce que des anars vivent dans ces quartiers ?

Parce qu’ils y vivent ou bien parce qu’ils y font un travail quotidien en dehors de ces dates.
Mais parler d’influence au moment de ces émeutes … on ne peut pas s’en attribuer la responsabilité et c’est pas ce qu’on cherche.

De façon générale la manif du cimetière est importante ?

Oui elle est importante vu qu’elle passe par des endroits centraux de la capitale, et qu’il y a beaucoup de monde qui y participe, ce qui en fait un lieu où il est facile de générer le conflit et la convergence des idées anti-autoritaires dans la pratique, indépendamment de la façon dont se réalise la tension et l’affrontement des idées.

tumblr_msxk3nZsQE1r9h873o1_1280Mais y a aussi d’autres personnes qui ne sont pas anarchistes qui sont actives dans la lutte de rue …

Bien sûr, penser que ceux qui participent dans les émeutes ne sont que des anarchistes serait une erreur, car il y a diverses tendances, tels des nihilistes, des groupes marxistes de tendances révolutionnaires, des trotskistes, des situationnistes ou simplement des individus qui n’ont pas d’idéologie particulière, mais qui simplement s’opposent à la réalité dans laquelle la société est immergée.

Il y a eu des discussions cette année au sujet des affrontements qui ont amené à ce que les flics rentrent dans l’enceinte du cimetière avec les canons à eau et les tanks lance gaz ?

Non, je trouve pas qu’il y ai des discussions au sujet des affrontements à l’extérieur du cimetière ou à l’intérieur, vu que la répression policière a toujours existé lors des manifs, et on se pose pas non plus en victimes face à l’offensive de l’État ou du capital. C’est leur culture, aux autorités, mais il y a toujours eu des affrontements, de même qu’il y a toujours eu des pourritures comme le Parti Communiste qui assume son rôle de flic rouge en remettant dans les mains des flics des encapuchadxs, et les plateformistes qui restent silencieux face à ça.

tumblr_msu4gcNUlF1r9h873o1_500Mais ils critiquent les émeutes de façon générale non ?

Ils critiquent les encapuchadxs, ils aiment pas la violence, et pour le Parti Communiste et la société en général, tout encapuchadx est un anarchiste, c’est pour ça que les anarchistes ici sont ennemis à mort avec le Parti Communiste, en tout cas c’est ma perception personnelle.

Tu peux nous dire quelles sont les relations entre anarchistes et groupes marxistes comme le MIR ou d’autres ? Si il y a des activités communes, si ils sont amis, si ils se coordonnent pour les manifs, etc …

Ici dans les manifs chacun fait son truc dans son coin, mais on sait que si tu te masque le visage ou tu fais parti d’une tendance et que tu lutte contre les flics, et bien que tu sois marxiste et que je sois anar, on va lutter ensemble, on va pas permettre qu’on nous touche, qu’on nous arrête. Mais actuellement dans les manifs ça fonctionne de manière séparée, chacun avec son groupe d’affinité, pas un gros bloc, mais des petits groupes qui se trouvent au même endroit et s’affrontent aux flics en même temps, mais chacun fonctionnant par groupes séparés et s’en va séparément, sans aucune coordination avant la manif, mais chacun amène ses trucs.

Mais en dehors des manifs il y a des connexions entre anarchistes et ces groupes marxistes ?

En dehors des manifs c’est la même logique qui se répète, mais parler de connexions je le trouve pas pertinent, vu que ça n’est pas la réalité, mais dans les poblaciones c’est différent.

Tu peux être plus précis ?

Dans les manifs on fonctionne seul et dans les poblaciones il y a des coordinations afin que les personnes qui participent aux émeutes ne soient pas arrêtées, parce que c’est beaucoup plus facile de se faire arrêter dans les poblaciones que dans une manif. Cette année dans la nuit du 11 septembre il y a eu 32 arrestations à Villa Francia, 14 accusé-e-s de port de bombe incendiaire et les 28 autres pour désordre public, et le 21 septembre la court d’appel a imposé l’arrestation domiciliaire total pour les 14 le temps de l’enquête.

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Mais il y a des anarchistes qui ont des liens avec le MIR et les autres groupes ?

Oui, bien sûr qu’au quotidien on a des rapports avec eux, mais on ne fonctionne pas ensemble, ce qui existe ce sont des liens à niveau individuel, des amis, des proches, mais rien de plus que ça …

Comment les anarchistes diffusent l’information avant des événements, comment se fait la propagande de manière générale ?

Les manifs sociales sont appelées par la propagande écrite par les organisations marxistes ou les ONG, comme par exemple le 1°mai est appelé par la CUT (Centrale Unitaire de Travailleurs, fondée à la base par des trotskistes et anarchistes).

Les activités anarchistes sont diffusées sur les sites comme Material Anarquista, Hommodolars, Viva la Anarquía, à une époque Liberación Total.

Tu parle de concerts, marchés, etc … ?

Oui, et des activités pour les prisonniers.

C’est pas pour les manifs …

Ça dépend de quel genre de manifs, celles pour le Caso Security, à un certain moment le Caso Bombas, les meetings solidaires pour les prisonniers ou pour la libération animale oui …

Et comment les gens pensent que l’information peut être diffusée ?

Ben lors que ce sont des activités ça se fait uniquement sur internet, lorsque ce sont des manifs pour les prisonnier-e-s ça se fait aussi sur internet, lorsque ce sont des appels comme pour la foire du livre anarchiste, ou des activités dans un squat ça se fait par des affiches et sur internet.
Les anarchistes aujourd’hui utilisent beaucoup internet, et actuellement facebook est très utilisé, son influence est très forte ici, et c’est pour ça que des sites d’activités anarchistes et des sites de contre-information ont une partie consacrée uniquement aux événements anarchistes. Mais les manifestations comme les manifs étudiantes, de travailleurs, ce ne sont pas les anarchistes qui les appellent, mais seulement on y participe de manière spontanée, que ce soit par le combat de rue ou autre.

Qu’est-ce que tu penses de l’utilisation de facebook ou de twitter pour mobiliser, diffuser des infos en général (Ndt : facebook étant l’unique moyen de s’informer au sujet de manifestations au Chili, car Indymedia ou des sites participatifs dans le genre sont inexistants) ?

Honnêtement je n’aime pas qu’on utilise facebook pour appeler à des manifs, parce qu’au niveau sécurité c’est dangereux. Mais aussi malheureusement la majorité des anarchistes ici utilisent facebook et les gens attendent que l’information leur arrive directement là. Et donc pour appeler à quoi que ce soit tu n’as pas d’autre choix que d’utiliser ce moyen de communication parce que ceux qui se maintiennent informés à travers les sites de contre-information sont peu, peu de gens lisent ces sites régulièrement de la même manière que facebook.

Est-ce que le cas des 5 de Barcelone qui ont été arrêtés grâce à facebook est connu ici ?

Très peu, ou alors je sais pas si on se rend bien compte de l’importance de cette affaire. Ici il y a une confiance dans l’utilisation de facebook, et des moyens de communication à travers internet, et on n’utilise pas d’outils de sécurité comme Tor, Riseup, Jabber, etc, parce que dans le contexte d’aujourd’hui il n’y a que les administrateurs de sites qui sont poursuivis.

Et ce gamin que la PDI (Police D’Investigation) a enlevé en mai lors d’une manif et qu’elle a forcé à rentrer dans son compte facebook ?

Oui … mais les gens ne voient pas le danger que représente facebook, même si certains en ont tout à fait conscience, la majorité ne voient pas le danger de publier des infos anarchistes ou de ce genre sur facebook.

L’utilisation d’affiches, de tracts, d’assemblée, est importante ou non dans le mouvement anarchiste ?

C’est important, mais ça dépend de l’endroit. Dans le centre de Santiago y a une plus grande diffusion, on en voit plus, mais dans les périphéries on utilise plus internet parce que le territoire est trop grand pour coller de l’info dans tous les coins, et les gens pensent que c’est plus dangereux de coller une affiche dans la rue que de poster l’info sur facebook. Parce que y a eu des cas d’arrestation pour le 29 mars et le 11 septembre pour collage d’affiches qui appelaient à se révolter dans les rues.

Il y a des liens entre les anarchistes et la lutte dans les poblaciones ?

Oui, il y a des liens. Il y a des gens qui montent des bibliothèques ou font un travail avec les enfants. Il y a aussi des anarchistes qui y font des jardins potagers ou des ateliers de gynécologie autonome, et des radios, comme Radio Furia, Radio Mauricio Morales, Kontrababylon, etc …

Quel impact a eu le Caso Bombas sur le mouvement anarchiste à Santiago ?

On peut avoir plusieurs lectures à ce sujet. L’une c’est que le Caso Bombas a clairement fragilisé le mouvement anarchiste. Avant cette affaire l’anarchisme était en plein essor, de plus en plus de personnes se joignaient à ce mouvement, mais à la suite de ça de nombreuses personnes se sont retirées de la scène anarchiste de peur d’être arrêtées, alors que d’autres personnes ont gardé leurs positions et leurs réflexions par rapport à l’idée anti-autoritaire mais ont décidé de disparaître du spectre plus social ou plus visible de l’anarchisme qui se trouve dans les squats, et faire profil bas. Et le Caso Bombas a encore plus atomisé le mouvement anarchiste, les gens se sont mis à agir plus au niveau de l’affinité et de la confiance en connaissant les personnes avec qui on est, parce qu’il y a eu des cas comme celui de Grillo, qui ne faisait pas parti du mouvement mais fréquentait les lieux anti-autoritaires, et ce type a balancé des compagnons, devenant une pièce fondamental dans le montage du Caso Bombas, et mis à part ça il avait aussi poignardé une compagnonne et il vendait de la drogue sur des lieux de lutte.

Tu crois qu’il manque une structure anarchiste sur Santiago, tel que des endroits pour se retrouver et partager, des bars, ou des lieux dans la rue où l’on sait qu’on peut toujours y trouver des compas ?

Y a un manque de lieux c’est certain. Il y a eu auparavant des lieux qui ne se déclaraient pas nécessairement anarchistes mais où participaient les anarchistes, par exemple Emporio Raices, qui étaient une cafétéria végane et où se vendait aussi du matériel végan et anarchiste. Mais il manque des lieux ici en dehors des squats dans lesquels tout le monde ne va pas parce qu’il y a des squats très différents les uns des autres, et chaque maison est vue depuis l’extérieur d’une façon parfois déformée, sous les étiquettes soit de plateformistes, insurrectionnalistes ou de centre de soirées et de fêtes.

Donc en gros ce qu’il manque c’est des lieux où des gens différents pourraient se croiser ?

C’est ça, il manque des espaces qui ne soient pas catégorisés, que ce soit plateformistes ou insurrectionnels, il manque des lieux de convergence. Et pour moi le lieu qui se définit anarchiste ou anti-autoritaire c’est celui qui soutien la cause anti-carcérale, qui veut détruire l’autorité de l’État, qui ne soutient pas le patriarcat ou l’une des milliers de formes que peut prendre l’idée autoritaire. Parce qu’avec le Caso Bombas les anarchistes se sont maintenus dans la lutte anti-autoritaire, ils ont travaillé ensemble pour soutenir les inculpés de plusieurs façons, participer aux manifs, etc … Ce qui n’est pas le cas des plateformistes, qui à mes yeux ne sont ni compagnons ni anarchistes, qui ne se sont pas solidarisé avec le Caso Bombas. Le problème dans le mouvement anarchiste de la région chilienne c’est que ça ne fonctionne que par circonstance, par manque de lieu, et qu’on partage entre nous uniquement dans les moments critiques, lorsqu’il y a des arrestations et des trucs du genre.

Donc y a un manque d’espace en dehors des moments de répression c’est ça ?

En dehors des moments de répression et en dehors des événements organisés simplement, il manque juste un lieu où l’on pourrait socialiser, où on pourrait discuter.

Et en général les gens sentent le besoin d’avoir des quartiers ou des rues où se concentrent des lieux et des gens anti-autoritaires, comme on peut le voir dans des villes comme Berlin ou Athènes ? Est-ce qu’on parle de s’approprier la rue ou d’être plus présents dans certains endroits, ou bien c’est trop difficile d’occuper la rue ?

Je suis pas sûr qu’avoir un espace comme ça soit quelque chose de primordial pour nous. Parce qu’ici les anarchistes sont poursuivis, socialement aussi, parce que les médias ont fait le travail de propager l’idée que les anarchistes sont les poseurs de bombe ou ceux qui portent des cagoules.

Ça te semblerait dangereux d’avoir de tels lieux ?

Dans la rue oui, parce que si ces lieux existaient il y aurait de la répression permanente. Mais c’est aussi que les gens ont d’autres genre de projets, comme d’organiser la solidarité avec les prisonnier-e-s, il y a aussi tout ce qui concerne la lutte de libération animale et chacun-e lutte à sa manière, et ça c’est quelque chose d’important. Je crois que plus que d’avoir un lieu ce qui me paraît important c’est qu’il y ait de la solidarité avec les prisonnier-e-s. Et il me semble que de nos jours si ces lieux n’existent pas c’est qu’il y a une raison. Mais c’est certain que c’est nécessaire d’avoir de tels lieux, et c’est dans ce sens que ce sont crées la librairie Flora Sanhueza, ou les bibliothèques Sante Gerónimo Caserio, la Sacco y Vanzetti, la Hiedra …

Quel genre de rapport ont les anarchistes avec le mouvement étudiant (universitaire et lycéen) ?

Ce sont deux cas différents que celui des lycéens et des étudiants de la fac. Le mouvement universitaire existe à l’heure des manifs, et à l’heure de s’affronter avec les flics il y a une participation majeure des anarchistes. Mais actuellement là où l’anarchisme a la plus grande participation c’est dans le mouvement lycéen, où le discours anarchiste a un poids plus important.

Mais j’ai pas l’impression qu’il y ait tellement d’échange entre les lycéens et les autres anarchistes, par exemple dans les activités dans les squats ou d’autres lieux il me semble pas qu’on y voit beaucoup de lycéens.

Bon, il existe une communication entre eux, mais les autres anarchistes plus âgés ne se posent pas en guide là pour les éclairer, mais il y a eu des activités dans les lycées bloqués avec d’autres anarchistes, ça c’est sûr.

Cette question concerne le texte Ni oublie ni cérémonie : contre le culte de la charogne, qu’est-ce que tu penses de la critique que fait ce texte  ?

En ce qui concerne ce texte à la première lecture j’ai clairement été dérangé et je crois que pas mal de personnes partagent cette impression. Je ne crois pas qu’un compagnon mort au combat doit être iconisé, qu’on doit en faire une référence dans l’anarchisme ou bien un nouvel héros. Sincèrement je pense que malheureusement dans certains cas on tombe dans ça, mais aussi lors d’actions qui cherchent à frapper où ça fait le plus mal et créer un conflit dans la quotidienneté de la société. Le fait que des compagnon-ne-s fassent référence dans un communiqué à un compagnon, dans ce cas à Mauri, ne me gène pas outre mesure, parce que j’ai confiance dans le fait que chaque frère/sœur qui se positionne dans l’offensive contre l’autorité et cherche la libération totale, ne le voit pas comme une icône ou un héros, mais comme un frère qui manque à sa meute agitée qui ne se laisse pas domestiquer. Ce n’est pas facile de perdre un frère avec qui on partageait quotidiennement, vu qu’au sein de l’anarchisme, ce genre d’offensive est récente et nous sommes une génération qui reconnaît ce que d’autres compagnon-ne-s ont fait, mais dans son cas c’est différent parce que lui c’est pas quelqu’un qu’on connaît à travers un bouquin, mais quelqu’un avec qui on a vécu.

Ces critiques je les trouve valables, mais je ne sais pas si il y a une réponse à court terme qui devrait être hégémonique, vu que nous parions sur l’individualité et chaque sujet doit voir comment il fait face à la perte d’un frère. Les critiques doivent chercher la réflexion interne de chaque sujet mais d’abord de celui qui les écrit. En tout cas en tant que site de contre-information nous trouvons que c’est nécessaire de se souvenir d’un frère mort au combat autant lors de l’anniversaire de sa mort qu’au quotidien, lors d’un communiqué ou dans nos vies en général, et j’insiste sur le fait qu’on peut critiquer, mais il faut faire attention à avoir une vision individuelle en ce qui concerne la manière dont la meute fait face à la perte d’un frère ou comment elle voudrait faire face à cette perte.

Cette critique me fait penser aux différences et discussions continuelles qui ont lieu dans les différents cercles anarchistes, mais j’espère qu’elles ne se teignent pas de l’autoritarisme du militant anarchiste, comme on a pu le voir par exemple avec les critiques de Federico Buono sur le compagnon Stefano de Culmine, où l’on remet en question un compagnon dans une situation particulière, et je crois sérieusement que par publications sur internet ces critiques ne sont pas appropriées et provoque en nous un profond mécontentement de critiquer de cette façon un compagnon qui se trouve en prison, pas pour rien, mais justement pour être anarchiste et ennemi de la prison. Ce pour quoi je crois qu’il faut prendre en compte les critiques qui se font, mais aussi par qui elles sont faites et dans quel but.

LIENZOAu sein du mouvement anarchiste chilien est-ce qu’on parle de ce qui se passe en Europe ?

Oui, on parle de l’Europe, de ce qui s’est passé en France et surtout en Grèce. De ce qui se passe en Italie, particulièrement des cas de répression. Sur la Grèce on parle de ce qu’il s’y passe, des actions, des différents espaces et la force qu’ils peuvent avoir là-bas, et comment est la lutte là-bas, et de ce qu’on peut tirer de toutes ces expériences. Comme je disais dans la réponse antérieure, on parle aussi de l’Italie et particulièrement de ce qui s’est passé avec les compagnon-ne-s de Culmine. On parle aussi de la vision qu’on peut avoir en Europe sur ce qui se passe au Chili, particulièrement par rapport aux visites et questions et perceptions de la lutte anti-autoritaire dans cette région, parce qu’il y a eu des cas de répression et l’offensive par quelques frères/sœurs est connue, mais je pense réellement que cette vision peut souvent surestimer l’anarchisme d’ici, parce que malheureusement avec les différentes affaires des répression la lutte a été plus lente que ce qu’on voudrait en tant qu’habitants de cette région comme à niveau plus global.

Maintenant je pense que ce qui se dit sur l’Europe c’est que la lutte continue malgré toutes les attaques de l’État et du Capital, et que ce sont clairement les même désirs qu’on voit dans la lutte anti-autoritaire qui génèrent l’envie de continuer de lutter et de frapper, que dans cette région du cône sud.

Santiago : au sujet du combat à Villa Francia

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Aujourd’hui j’ai décidé de parler à partir du combat et non pas à partir de l’observation. Villa Francia est historiquement un territoire de lutte et nous nous positionnons comme compagnons de ceux qui sont tombés là-bas et de beaucoup d’autres qui ont combattu, assumant nos différences avec le mode d’organisation autoritaire , mais liés fraternellement dans la lutte contre le capital et les secteurs les plus fascistes.

C’est pour cela que j’ai décidé avec mes compagnons de participer activement dans la lutte directe contre la violence du pouvoir. Cette nuit oui il y a eu du combat, je participais dans un côté défini de la barricade, et non pas « entre les tirs croisés » comme l’a dit un inculpé de cette nuit là.

Je pense qu’il y a un manque de prises de positions concrètes de lutte, dans lesquelles s’affirment, pas seulement dans la pratique mais aussi dans la théorie, notre position anti-autoritaire d’action subversive, où nous utilisons la violence politique comme une branche de plus de la lutte multiforme contre la domination.

On a beaucoup plus entendu parler de montages policiers et y compris une certaine victimisation à propos de la violence policière sophistiquée et technologique, mais nous avons peu mis en tension et diffusé sur le positionnement des groupes et individus, que si nous nous affrontons beaucoup plus de fois avec moins de moyens que l’ennemi mais le confrontant depuis une posture de combattants.

Si nous nous trouvions cette nuit là-bas c’était par une décision politique sachant ce à quoi nous nous exposions, autant ce jour-là comme dans notre quotidien et pas seulement lors des fêtes commémoratives ; jour après jour nous devons tâcher d’accentuer la guerre sociale.

C’est pour ça que nous n’avons pas été surpris par la nouvelle stratégie du pouvoir, vu que l’État se perfectionne chaque fois qu’il se sent attaqué (sans nier que nous devons renforcer et perfectionner constamment les mesures de sécurité et les stratégies d’attaque).

D’autre part, sans l’intention d’idéaliser l’image des habitant des poblaciones comme ça a été fait ailleurs, nous ne pouvons nier qu’il y a eu de l’aide de la part de certaines personnes conscientes qui ont protégé l’intégrité de plusieurs compagnon-ne-s lors de l’assaut planifié de la police.

Enfin, j’envoie une accolade complice à tous ceux qui d’une forme ou d’une autre ont participé dans les combats dans les différentes régions et quartiers ce jour-là, un gros coup contre l’oubli, le capital et ses forces répressives.

Salutations et force à toutes/tous les compagnon-ne-s poursuivi-e-s par le pouvoir, à celles/ceux qui se positionnent en guerre permanente contre toute domination.

Un encapuchado anti-autoritaire

source

Au sujet des affrontements du 11 à Santiago

Cette année, dès le 4 septembre, des salidas (attaques sur les flics et barricades aux abords ou depuis les universités ou lycées) ont eu lieu à partir de plusieurs universités du pays, pour commémorer le 11 septembre, l’une d’elle a eu lieu à Valparaiso. La vidéo de l’action dit au début : « Pour tous ceux tombés, nous continuons de lutter dans la rue. On ne discute pas avec le fascisme, on le détruit »:

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Devant le lycée d’Aplicación :  » À 40 ans du coup d’État … les morts ne se pleurent pas ! Vengeance ! » signé : Aplikapucha (encapuchados du lycée d’Aplicación)

Le matin du 5 septembre des barricades ont été montées dans la población* de La Pincoya. Il y a eu plusieurs coups de feu en direction des flics et une voiture a été brûlée. C’est dans cette même población que Claudia López a été tuée.

Le dimanche 8 septembre près de 50 000 personnes ont participé à une manifestation jusqu’au cimetière général, à l’appel de l’Assemblée des Droits de l’Homme, avec comme arrivée finale le monument qui rend hommage aux personnes assassinées et disparues. Continuer la lecture de « Au sujet des affrontements du 11 à Santiago »