Lettre de Francisco Solar depuis la prison de Villabona

afiche-monicayfranciscoCela fait un an que la police a débarqué dans notre appartement au cri de : »vous avez quelque chose de chaud ?! ». Ça m’avait surpris et en même temps ça m’avait fait rire. Ensuite on s’est rendu compte qu’ils voulaient savoir si on avait placé des engins explosifs comme piège, ce qui nous a fait encore plus rire.

Cela fait un an qu’ils m’ont séparé de ma compagne par des centaines de kilomètres, et depuis seulement quelques mois je peux écouter sa voix, 5 minutes tous les 15 jours.

Un an enfermé en isolement dans 3 prisons différentes du royaume espagnol. Des prisons qui basent leur politique pénitentiaire sur la psychiatrie, médicalisant les prisonniers dans le but de les étouffer. Établissant un contrôle absolu sur les communications et le contact avec l’extérieur. Dans ces prisons du premier monde on favorise la relation impersonnelle avec l’extérieur, tout ce qui est contact physique est complètement restreint, à la différence de mon expérience dans les prisons chiliennes. La possibilité d’être avec les tiens est impensable dans des endroits pareils.

Cela fait un an que la solidarité s’est fait sentir à chaque minute, spécialement de la part des anarchistes de Barcelone, qui avec leur volonté et initiative ont détruit la dispersion et l’isolement. Ils ont prouvé que la solidarité n’est pas un mot vide, que c’est un contenu inséparable de toute notre pratique et lutte pour la libération totale. Et avec ça une fois de plus le pouvoir est ridiculisé. Il ne comprend pas le moins du monde de quoi se nourrissent nos relations. Les difficultés qu’ils nous posent nous rendent plus forts, face aux adversités nous nous connaissons mieux et lorsque nous apprenons à nous connaître mieux nous rions de ce qu’on avait cru insurmontable. Si nous avons décidé d’affronter l’État c’est parce que ça fait très longtemps que nous avons décidé d’arrêter de vivre à genoux.

Francisco Solar

Centre Pénitentiaire de Villabona, le 13 Novembre 2014

Pour écrire aux compas :

Mónica Caballero Sepúlveda
Centro Penitenciario Ávila
Ctra. de Vicolozano-Brieva, s/n
05194 Brieva
Ávila (España)

Francisco Solar Domínguez
Centro Penitenciario Villabona
Finca Tabladiello
33480 Villabona-Llanera
Asturias (España)

source

C’est la faute aux anars

lk

« Écoute, je viens chanter pour ceux qui son tombés, je ne donne pas de noms ni d’indices, je ne dis que compagnons .. et je chante pour les autres, ceux qui sont vivants, et ont l’ennemi dans le viseur … »

Aux ami-e-s et compagnon-ne-s, connus et inconnus, qui embrassent les idées anarchistes, à ceux qui gardent la tête haute dans les prisons et ceux qui gardent vivante la lutte dans la rue. Une brève réflexion au sujet de la lutte anarchiste dans l’État espagnol.

Nous nous trouvons dans une situation politique et sociale curieuse. D’un côté ETA dépose les armes. Le GRAPO est désarticulé et le fondamentalisme islamique perd de sa présence médiatique dans cette partie du globe. Parallèlement la crise sociale liée à la soi-disant crise économique (et nous disons soi-disant parce que le capitalisme est en lui-même une crise constante et parce que pour ceux d’en bas c’est l’état perpétuel dans lequel nous nous trouvons) semble s’intensifier. De nouvelles éclosions de protestations et même d’émeutes apparaissent à différents endroits et milieux sociaux de la péninsule et l’État va se trouver sans un ennemi interne sur qui imputer les fautes, vu que le faire sur le « peuple », en faveur de qui tout le monde dit agir, ne semble pas être le plus approprié. Le fantasme anarchiste surgit alors, comme un diable interne sur le dos de qui l’on met tous les débordements des manifs, toutes les intensifications des luttes. Pour les désactiver l’État ne peut se permettre le luxe de réprimer brutalement la population ni d’insinuer que celle-ci a quelque chose à voir là-dedans. C’est pour cela qu’il doit isoler et calomnier toute tentative de rébellion, pour la rendre antipathique au commun des mortels, afin que ces épisodes et exemples ne se propagent pas. Ainsi depuis quelque temps ceux qu’il faut affronter, qui mènent les pauvres gens sur le chemin de la violence et de la déraison, et qui en plus posent des bombes et brûlent des églises, ce sont les anarchistes (ce qui n’est pas non plus faux). Un éther, quelque chose sans corps défini mais qu’on essai de structurer suffisamment pour qu’il puisse être catalogué comme groupe terroriste, mais pas au point qu’il lui reste en son sein un lueur de rébellion.

On a pu apprécier au cours de l’année dernière l’apparition récurrente dans la presse d’articles qui font référence à l’essor de l’activité violente anarchiste dans la péninsule. De comment la puissance et la fréquence des attaques ont augmenté, de comment sont financés depuis ici des milieux anarchistes à l’étranger et de comment des compagnons anarchistes italiens ou grecs viennent enseigner aux autochtones l’art de la guerre sociale, pour prendre quelques exemples. Les rapports publics des flics vont dans le même sens, mettant en garde de la dangerosité que les luttes anarchistes sont en train d’acquérir, en faisant l’une de leurs principales inquiétudes. Et même s’ils ont l’habitude de dire d’énumérables aberrations, avec l’intention de criminaliser et réprimer, c’est vrai que notre ambition est d’être leur pire menace. Mais de notre propre mérite. Nous connaissons bien le langage du Pouvoir. Ses doigts accusateurs nous pointent et nous ne sommes pas innocents. Nous ne voulons pas être innocents. Nous sommes anarchistes. Et en portant notre anarchisme nous voulons inspirer la passion, la solidarité et la révolte.

Le grand triomphe des idées anarchistes peut se comprendre lorsque nous voyons qu’elles n’ont jamais disparues malgré les efforts de tous les États, leur répression, l’emprisonnement, l’isolement et le harcèlement contre de nombreux compagnon-ne-s à travers le monde. Où que l’on cherche, il y a des compagnons anarchistes, les éléments agitateurs, les actions et tous les résultats concrets de la lutte contre le Pouvoir sont toujours là, fermes et intransigeants. L’erreur des appareils répressifs consiste à croire qu’un ordre judiciaire, les enquêtes policières tordues, l’emprisonnement de certains, les montages (c’est quoi leur justice si ce n’est un gros montage absurde), les conneries de la presse cherchant à maintenir son gagne pain basé sur le mensonge, serviront à vaincre l’idée et le combat pour la liberté, des chemins de lutte, le sens de nos vies, lorsque nous ne nous sommes jamais sentis esclaves. C’est l’idée même des anarchistes qu’ils ne pourront jamais récupérer ni racketter. Ça n’est pas possible d’en finir avec tout cela. C’est  précisément ce en quoi consiste la gêne que nous représentons pour le Pouvoir. Où que l’on cherche, nous le disons une fois de plus, se trouve la main tendu du compagnon, la solidarité vive, la complicité contre ce monde dégouttant, oppressif, carcéral, la certitude que notre potentiel est inépuisable. Nous n’admettons aucune autorité, nous ne recevons aucun ordre, le mercenaire juge, le mercenaire policier, le mercenaire journaliste sera demain substitué par un autre. Il ne détient rien de plus que l’ordre de maintenir cette fausse paix sociale, c’est sont boulot, ce sont des êtres pourris qui réaffirment ce système pourri, c’est là qu’ils sont, toujours en train d’essayer de faire leur devoir. Nous ne nous plaignons pas, nous savons comment tout cela fonctionne. Ce n’est donc pas compatible avec notre manière d’agir, le victimisme qui réclame moins de dureté, nous le laissons à ceux qui font confiance aux maîtres, à ceux qui sont à l’aise dans les petits espaces que cèdent la démocratie à la protestation dans son besoin de consensus. Nous ne sommes pas dissidents, pour l’être nous aurions dû d’abord adhérer ou soutenir le Système. Nous remettons en question tout ce qui compose chaque aspect de ce misérable monde, un chemin difficile et ardu mais satisfaisant et surtout un chemin que personne ne nous arrachera. Depuis 1906 où l’anarchiste Mateo Morral offrait un bouquet de fleur avec du nitrobenzène au cortège monarchique espagnol, jusqu’à nos jours, les choses ont changé mais nous sommes toujours debout. Nous nous solidarisons avec la compagnonne Sol, enfermée dans les prisons de l’État chilien, nous nous souvenons avec un amour acrate de Gabriel Pombo da Silva, Marco Camenisch, n’oublions jamais les compagnons morts en action Mauricio Morales, Lambros Foundas et Sebastián Oversluij, ni ceux mis en cause et poursuivis, et bien sûr, ces mots et la suite de la lutte vont aussi vers vous, Mónica Caballero et Francisco Solar.

Salut et Anarchie

Contrainfo

Lettre de Gabriel Pombo Da Silva

fuego a la cana

⁃ DE JANVIER À OCTOBRE – LA LUTTE CONTINUE
À mes ami-e-s, frères/sœurs et/ou compagnon-ne-s

Je me souviens comme si c’était hier du jour où j’ai enfin abandonné (expulsé) ce glacial tombeau aseptique et hermétique qui est la prison de haute sécurité d’Aachen en Allemagne …

Le 16 janvier (2013) je suis arrivé à l’aéroport de Barajas (Madrid) escorté par Interpol, et de là ils m’ont emmené au tribunal de Plaza Castilla; non sans me photographier avant (avec un intérêt tout particulier pour la poitrine car ils espéraient, en vain, y trouver tatoué l’acronyme de la FAI/FRI), « jouer du piano »( prendre les empreintes digitales) pour s’assurer que, en effet, c’était moi …

Je dois dire que j’aurai du abandonner l’Allemagne en décembre et/ou Novembre; mais ça a été soudainement « bloqué » vu que la République d’Italie avait interjeté un MAE (Mandat d’Arrêt Européen) devant la Bundesanwaltschaft de Karlsruhe dans l’intention de m’extrader dans le cadre de « l’Opération Ardire » …

Par « chance » (ou bien parce que je suis juridiquement un « citoyen espagnol », réclamé par un MAE présenté antérieurement par ce pays) les « digos » italiens ont du « rester avec leur envie » (momentanément ..), lorsque le haut tribunal allemand (après plusieurs « gestions » juridico-policières) a décidé que les « accusations » émises contre ma personne par le ROS étaient (et sont) insuffisantes pour accorder mon extradition à la République italienne.

Ainsi j’ai eu la chance d’éviter de faire connaissance avec le « Bel Paese » à travers ses prisons et système juridique …

« Naïvement » je croyais que, finalement, j’étais « débarrassé » des Digos avec leurs accusations délirantes et que je pouvais « liquider » le reste de mon enlèvement légal dans ce pays …

Il m’est impossible d’exprimer sur quelques feuilles de papier toutes les impressions-idées-émotions que j’ai ressenti lorsque j’ai laissé derrière moi la prison d’Aachen et l’Allemagne en général …

Après huit ans et demi « enterré vivant » dans ce pays (23h enfermé dans une cellule et une heure de promenade par jour) pour refuser d’exercer des « travaux forcés » et de me mettre l’uniforme de prisonnier (en plus qu’ils m’aient volé et saboté systématiquement ma correspondance : ce qui au fil des dernières années m’a enlevé l’envie d’écrire …) je croyais que le « pire » était définitivement derrière moi …

Finalement je suis rentré dans la prison de « Soto del Real » à minuit, et quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai constaté à quel point les « choses » avaient changé au cours de ces 10 ans « d’absence » (d’exil ?) forcée des cachots hispaniques !

Je suis resté stupéfait en constatant/voyant que même les prisonniers (véritables auxiliaires de matons) se chargeaient de fouiller mes affaires au côté des matons. Cette première impression a été pour moi un coup de massue moral.

À ma surprise (vu que je pensais être classifié en 1er degré et inclus en FIES dès mon arrivée …) le jour suivant le directeur et le sous-directeur de cette prison m’ont reçu pour m’expliquer/me dire que la « DGIP » (Direction Générale des Institutions Pénitentiaires) en personne les avait appelé (ils m’ont dit littéralement que lorsque les « chefs » ont vu mon nom les « lumières rouges » se sont allumées) pour qu’ils me demandent « dans quelles intentions je revenais ». J’ai répondu avec ironie que mes intentions étaient (et sont) les mêmes : conquérir ma liberté …

On m’a informé que je finissais « ma » peine le 10-4 2015 (ça m’a ensuite été transmis dans un document qui s’appelle « liquidation de peines ») … et que je devais rester en 2nd degré et qu’on me transférerait dans mes terres le plus tôt possible …

Qu’est-ce que je vais vous dire ? Au final « on aurait dit » qu’après plus de 28 ans de prison je devais « seulement » attendre « juste » quelques années pour pouvoir profiter de ma liberté ardemment désirée.

Mis de côté, isolé, séparé au cours des dernières années d’enlèvement en Allemagne, TOUT ce que je voyais-écoutais-sentais était simplement hallucinant …

Ça a été une « overdose » auditive-visuelle-sensorielle-émotionnelle indescriptible … D’une certaine manière (et en comparaison avec ce que j’ai subi en Allemagne) je me sentais déjà « à moitié libre » et j’apprenais de nouveau à « comprendre » ce « nouvel » environnement qui me dépassait; avec « autant de gens », autant d’heures de promenade, autant de couleurs et les « jolies vues » sur la montagne de Navalcernada … La « seule » chose négative était de constater que les matons régnaient sur les cours  et que la majorité des prisonniers étaient devenus gestionnaires de leur propre emprisonnement, en plus d’être « auxiliaires de matons » …

Évidemment j’ai été emmené dans un module de « conflictuels »(Module 5) et là les matons ont déclaré que je devais partager la cellule avec un autre prisonnier … Étant donné que j’ai refusé catégoriquement de « partager la cellule » avec un prisonnier j’ai été conduit au département d’isolement le 17 janvier à la nuit … et en plus ils m’ont sanctionné de deux fautes « très graves » (selon eux) « menacer de frapper le prisonnier avec lequel ils voulaient que je cohabite » et « refuser et résister » aux ordres des matons.

Après un jour d’isolement le 18 janvier ils m’ont remis dans le module 5 et cette fois ils m’ont donné une cellule rien que pour moi … Cependant le 30 janvier on m’a informé que je reste dans le FIES-5 (caractéristiques spéciales). Je l’ai pris avec un certain sens de l’humour, (je me suis dit à moi-même) au moins je n’aurai pas à chercher d’autres « sanctions disciplinaires » en pensant au fait de « partager une cellule » avec quelqu’un …

Bon … maintenant j’attendais qu’arrive mon transfert en Galice tel qu’on me l’avait dit à mon retour …
Le 16 février ils m’ont dit de ramasser mes « affaires » parce que j’allais être transféré. Ils n’ont pas voulu me dire à quelle prison j’allais mais je supposais que ça allait être dans une de celles qui sont en Galice. Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai appris qu’on m’amenait à Alicante !

À Alicante on m’a aussi informé de la limite et de l’écoute/lecture des communications (téléphoniques, écrites etc) … je ne comprenais plus rien.

Les premiers mois autant à Soto del Real (Madrid) comme à Villena (Alicante) ils m’ont mis toute sorte d’obstacles et d’interdiction pour le courrier et/ou le téléphone, autant avec ma compagne qu’avec ma famille. Cependant la présence de plusieurs prisonniers d’ETA a rendu mon séjour plus distrayant …

De façon surprenante le 20 mars la DGIP a décidé de me sortir du régime FIES-5 et de retirer la censure et la limitation des communications … Ils m’ont même « autorisé » à appeler par téléphone ma sœur, ma compagne et l’avocat …

Cependant le 3 ou 4 avril ils m’ont dit que je devais ramasser mes affaires pour me transférer. Innocemment je pensais qu’ils allaient finalement m’emmener en Galice … mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’ils m’ont dit que j’allais à Valdemoro !! Et qu’est-ce que je vais faire à Valdemoro ? La réponse ne s’est pas faite attendre et le 9 avril ils m’ont emmené devant l’Audiencia Nacional : les Digos » contre-attaquaient de nouveau. J’ai refusé de faire une déposition et j’ai refusé l’avocat (d’office) qu’ils m’ont mis. Le 16 avril j’ai du comparaître de nouveau, cette fois avec mon avocat. Je n’avais RIEN à déclarer sur les accusations des ROS dont je fais l’objet et .. cependant ils ont décrété la « liberté provisoire » dans la mesure où j’accomplis une peine dans ce pays et pour « m’extrader temporairement » en Italie on doit demander une « lettre rogatoire internationale » à l’Allemagne (vu que ce sont eux qui m’ont livré à l’Espagne et qu’ils avaient rejeté les preuves soi-disant accablantes du ROS contre ma personne) et je dois accomplir « ma » peine en Espagne …

J’ai passé presque tout le mois d’avril à Valdemoro et c’est là que j’ai eu mes premières communications avec ma sœur et ma compagne. Le 30 avril j’étais de nouveau à Alicante.

Finalement le 31 mai j’ai eu mon premier « vis-à-vis » avec ma compagne et les appels comme les visites avec d’autres compagnon-ne-s se sont faites régulières et en toute « normalité ».

Le 15 juillet j’ai abandonné finalement la prison de Villena pour aller à « A-Lama » … je suis arrivé en Galice le 25 juillet. Le 27 on m’a informé de « la lecture et la limitation » des communications (simplement « c’est comme ça ») avec pour date le 23 juillet !!

C’est à dire que je n’étais pas encore arrivé dans cette prison que le sous-directeur avait décidé (à titre personnel et contre la résolution de la DGIP et du JVP de Villena) de faire un pas en arrière et de ne pas respecter les « normes », « réglementations » et « directives » de ses supérieurs et du pouvoir judiciaire. Et vu que j’ai refusé de signer cet accord (unilatéral et arbitraire) il n’a rien trouvé de mieux à faire que de me mettre en régime de FIES-5 le 9 octobre !
J’ai simplement décidé d’arrêter d’écrire (ce qui a toujours été ma fenêtre vers l’extérieur) lorsque je suis arrivé dans cette prison, parce que je refuse qu’un « pauvre type » qui joue le satrape local décide à qui et quand écrire et quoi lire …

Avec tout cela et les « liquidations de peine » successives j’ai fini par ne plus comprendre cette merde de système juridico-pénal qui m’accorde : a) (la première) à Soto del Real la peine accomplie le 10/04/2015; b) (la seconde à Villena-Alicante) la date de sortie en 2033 !! et c)la troisième à A-Lama) où il est dit que j’aurai purgé ma peine (3/4 = conditionnelle) en janvier 2015 et la totalité (4/4) en 2020.
Évidemment tout ça (la « nouvelle » intégration au FIES + la lecture de mon courrier + la liquidation de peines) est déposé devant le Juge de Surveillance Pénitentiaire de Pontevedra. Si ce juge applique sa Loi je devrai être mis en liberté l’année prochaine.

À tous/toutes les compagnon-ne-s je dois vous dire qu’au delà de ce que disent leurs « papiers juridiques » et leurs sales manœuvres politiques, étant prisonnier depuis 29 ans, je ne vais pas rentrer dans les provocations de ces misérables maintenant que ma LIBERTÉ est à portée de ma main …

Je sais que le simple fait d’écrire ça (ma vérité) peut être l’excuse, pour ces bourreaux, de nouveaux « transferts » (que ce soit de module ou de prison) et/ou de « sanctions » de type administrative.
La situation carcérale ces dernières années « d’absence » forcée a changé à tel point que tout est méconnaissable pour moi.

Il y a « maintenant » (ça a commencé il y a quelques années ..) dans toutes les prisons de l’État espagnol une « nouveauté » qui s’appelle « modules d’Éducation et Respect » et/ou « Modules de cohabitation ». Dans certaines prisons ces modules sont déjà majoritaires. Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

Ceux qui veulent que la loi leur soit appliquée (ce qui correspond à la loi et pas ce consentement de quelques usurpateurs) doivent aller dans un de ces « modules de respect » où ils signent un contrat où on leur « planifie » les activités qu’ils doivent faire obligatoirement comme faire le ménage, étudier, faire du sport etc … Les prisonniers eux-même sont chargés d’exercer les fonctions des matons et « techniciens » ce qui les mène à contrôler leurs propres « compagnons », les « traitements médicaux » (euphémisme pour nommer les drogues dont ils bourrent les prisonniers) et les fouilles au cas où ils aient des drogues illégales ou fument (ou ne travaillent pas) dans des zones interdites.
Ils font même des « assemblées » où certains en « balancent » d’autres.

Aller dans un de ces modules veut dire renoncer (ou déléguer tout aux fonctionnaires) aux « droits » de la Loi Générale Organique Pénitentiaire qui nous a coûté tellement de morts et de sang aux « vieux combattants ».

Vu le panorama (et vu que je refuse d’avaler cette merde) je préfère être dans les « modules conflictuels » et lutter pour mes « droits » (pour lesquelles j’ai lutté) et ne pas « déléguer » cette responsabilité à une bande de traîtres et de matons.

J’insiste que ce que j’écris ici ne se veut pas être un « appel à la solidarité » avec ma situation. C’est seulement une « radiographie » de la situation ( et de beaucoup d’autres qui n’ont pas baissé les bras) et un constat que leurs « Lois et Droits » sont bons pour la poubelle, du papier mouillé, avec lequel « eux » ils prétendent se revêtir d' »ordre » et de « légitimité » et ainsi justifier le monopole de la violence (légale et armée).
Ce que moi je pense et je crois je l’ai reflété (et je continue de le faire à une « moindre échelle ») dans mes textes et dans chaque acte de ma vie.
Ma solidarité va (comme toujours) vers toutes/tous ceux/celles qui luttent : Jamais vaincu-e-s, jamais repenti-e-s !!

En lutte jusqu’à ce que nous soyons toutes/tous libres !!
Pour l’Anarchie !!

A-Lama, Octobre 2013
PS : Je ne reçois pas de courrier ni les journaux anarchistes, mais j’en profite pour traduire le livre du compagnon Thomas Meyer Falk.

Material Anarquista

Actes de solidarité depuis le Chili avec les compas séquestré-e-s en Espagne

img00207

Rassemblement solidaire avec Mónica et Francisco

En face de l’ambassade espagnole au Chili, à 13h ce samedi, une vingtaine de compas se sont réunies avec des banderoles et des slogans pour la libération de Mónica et Francisco, prisonnier-e-s de l’État espagnol.

Au préalable nous avons tous eu droit à un contrôle d’identité et à une fouille de nos affaires. Un contingent trois fois plus nombreux que nous nous a reçu, avec un bus, un tank lance gaz, un canon à eau, trois paniers à salade, en plus de flics à motos. Lorsque nous sommes partis les flics anti-émeutes sont arrivés pour nous prendre les banderoles et après en avoir reçu l’ordre ils se sont rué sur nous pour nous arrêter. Quatorze personnes ont été arrêtées, amenées au 19° commissariat et ensuite transférées au 33° comico de Nuñoa, “parce qu’il y a des cellules”. Trois compagnons se sont fait tabasser et un a été renversé par un flic à moto, heureusement sans être gravement blessé. À 19h ils ont été libéré-e-s avec une amende pour infraction à la loi de circulation. Un compagnon est resté en détention pour avoir des antécédents et il a été amené dimanche au centre de justice. Nous nous tiendrons au courant, le plus probable c’est qu’il soit remis en liberté.

Avec tout cet étalage du pouvoir et sa répression disproportionnée ils ne font que confirmer que tout ça n’est qu’un spectacle et qu’en plus notre complicité dans la rue et notre boycott de la manipulation médiatique qu’ils veulent imposer les dérangent. Mais ils ont raté leur coup parce qu’ils n’ont fait que renforcer nos liens fraternels.

Parce que la solidarité est notre nature, qui s’exprime de mille façons. Parce que la solidarité est notre arme et vit dans la rue.

Solidarité et liberté pour Mónica Caballero et Francisco Solar

——————————————————————-

salidasoliespMVI_3710

Solidarité internationale, action directe depuis le campus Juan Gomez Millas

Le vendredi 15 novembre nous avons réalisé une action de solidarité internationale avec les compagnon-ne-s arrêté-e-s en Espagne, accusé-e-s de placement d’engins explosifs. Deux d’entre eux/elles, Monica Caballero y Francisco Solar, avaient été impliqué-e-s dans le Caso Bombas. Nous ne parlerons pas de culpabilité ni d’innocence, mais nous voulons préciser qu’au delà de ces dénominations que nous impose l’État pour nous déclarer légaux, illégaux, nous nous revendiquons en confrontation avec cet ordre de domination, d’exploitation et de soumission. On parle de montage, ce qui ne nous étonnerait pas, mais nous ne tomberons pas dans cette victimisation, mais nous envoyons une bise à ceux/celles frappé-e-s par le pouvoir de quelque forme que ce soit. Nous sommes coupables d’être vivants et d’avoir du sang dans les veines, et même si ça leur fait mal, nous sommes coupables de changer cette réalité et de subvertir cet ordre dans la joie et la haine.

Ça nous fait rire que les puissants essaient de comprendre ce qui se passe au niveau international comme si tout devait répondre à des normes et des lois, essayant d’élaborer d’énormes réseaux ou des hiérarchies qu’ils pourraient désarticuler d’une façon ou d’une autre. Mais qu’ils comprennent bien ceci, nous ne sommes pas des réseaux de trafiquant de drogues, nous ne sommes pas une organisation illégale ni nationale ni internationale, nous ne sommes pas comme les institutions corrompues et sales dans lesquelles vous travaillez. La grande organisation internationale que nous avons c’est celle de ceux qui ont la certitude que cet ordre est de la merde, que le capital et l’État nous volent nos vies et forces, qu’il suffit que les gamins voient la vie de misère qu’ils ont devant eux pour devenir rebelles. La seule organisation internationale que nous avons c’est la vie qui refuse de perdre sa liberté

De même nous n’oublierons pas les rebelles qui ont été emprisonné-e-s et assassiné-e-s par l’État et ses forces répressives. Nous n’oublions pas que le 12 novembre 2002 Alex Lemun a été assassiné, et qu’il a indomptablement résisté pendant 5 jours avec une balle dans la tête. Nous n’oublions pas Hans Niemeyer qui est emprisonné pour l’attaque de la banque BCI, nous n’oublions pas Marcelo Villaroel, Juan Aliste Vega et Freddy Fuentevilla accusés de la mort du flic Moyano. Nous n’oublions pas Celestino Córdova, accusé de l’attaque incendiaire qui a coûté la vie des répugnants propriétaires terriens Luchsinger-Mackay. Enfin nous envoyons notre soutien et tendresse à Ilya Eduardovich Romanov, compagnon anarchiste russe qui a été blessé après avoir manipulé un engin explosif le 26 octobre dernier.

Quant à notre action, nous avons fait une attaque coordonnée par les deux sorties du campus Juan Gómez Millas, c’est à dire, celle qui donne sur l’avenue Grecia et celle qui donne sur Ignacio Carrera Pinto. Le résultat a été l’incertitude des flics, qui ne sachant pas quoi faire ont mobilisé un grand contingent policier. Ce qui a donné lieu à un affrontement de plus d’une heure et demie où les bâtards courraient dans tous les sens sans savoir où on était. Cependant nous reconnaissons que ce genre d’action n’a rien de nouveau et nous appelons à multiplier le moyens, formes et contenus.

Solidarité insurgée et anarchiste avec les prisonnier-e-s politiques

Courage à Monica et Francisco et les autres arrêté-e-s en Espagne

Nous envoyons une grosse bise à Hans Niemeyer et Celestino Córdova

Toute la chaleur de la révolte pour Ilya Eduardovich Romanov

Publicación Refractario


Espagne : Monica et Francisco restent en prison, les 3 autres compas sont libéré-e-s

doslobosAprès être resté-e-s en détention depuis le 13 novembre sans connaitre le lieu où la police anti-terroriste les détenait, le 17 novembre le juge de l’Audiencia Nacional, Eloy Velasco, a ordonné la « prison provisoire », similaire à la « prison préventive » du procès chilien, pour la compagnonne Monica Caballero et le compagnon Francisco Solar. Nous n’avons pas connaissance de la durée de « l’enquête ».

Les délits dont ils sont accusé-e-s sont les suivants :

-appartenance à une organisation terroriste
-destruction terroriste (la pose de la bombe à Saragosse)
-conspiration pour destruction terroriste ( les soi disant plan pour une attaque contre le monastère de Montserrat à Barcelone).

D’autre part Valeria Giacomoni, Gerardo Damián Formoso et Rocío Yune ont été libéré-e-s après avoir été 5 jours en incommunication, leurs passeports ont été confisqués et ils ont une obligation de signature périodique au tribunal.

Nous saluons les 3 compagnon-ne-s qui ont été libéré-e-s après être passé-e-s dans les mains dégoutantes de la section anti-terroriste.

 On peut s’attendre à ce que les compagnon-ne-s Francisco et Monica intègrent le brutal régime d’isolement F.I.E.S pour qu’ils soient dispersé-e-s dans différentes prisons éloignées d’Espagne. Quant à nous, nous ne resterons par indifférents du fait que nos compagnon-ne-s soient entre les griffes du pouvoir. Nous rappelons que la compagnonne Monica est végane, qu’elle l’est restée durant son incarcération politique en 2010, et c’est donc un point à prendre en compte dans la quotidienneté de l’enfermement, où que ce soit.

Nous demandons aux compagnon-ne-s qui sauraient dans quelle prison ils sont séquestré-e-s de nous informer à notre mail publicacionrefractario@gmail.com, de même si vous connaissez les délais de l’enquête ou avez d’autres infos envoyez-les nous.

 Solidarité internationaliste et rebelle avec Monica et Francisco !
On ne vous oublie pas et on vous laissera pas seul-e-s !

Publicación Refractario

Nous ne voulons pas être des étudiants, nous sommes des délinquants

salvajesPrologue

Ceci est un pamphlet. Ce n’est pas un livre, ni un petit livre, ni un cahier, ni un petit cahier, c’est un pamphlet. Il ne prétend pas, loin de là, être objectif, ni créer le consensus.

Ses prétentions sont beaucoup plus grandes, ainsi nous ne comprenons pas pourquoi nous devons faire les modestes quand nous pouvons aspirer à ce qu’il y a de mieux. Qu’est-ce que nous voulons dire par ce qu’il y a de mieux ? Nous ne voulons pas avoir de limites. Nous ne savons pas si nous en avons ou pas, mais ceci n’est précisément pas la question, car nous ne DÉSIRONS pas avoir de limites, nous voulons nous déchaîner. Ce qui nous importe c’est nous. Nous nous inquiétons des obstacles et des ennemis dans la mesure où ils nous empêchent de faire ce que nous voulons ou d’obtenir ce dont nous avons besoin. S’ils ne nous gênent pas ils n’existent pas. Et s’ils gênent, ils doivent arrêter d’exister. Nous avons passé suffisamment de temps à méditer, à réfléchir sur l’ennemi, le Système, le Capital, etc.

Nous croyons que c’est enfin le moment de nous occuper de nous-mêmes. Qu’est-ce qui nous plaît ? Ne nous plaît pas ? Que voulons-nous ? Ne voulons pas ? Quels sont nos vrais désirs ?

C’est vers ça que nous allons. C’est notre objectif, et nous sommes prêts à aller vers cette direction, et partout ailleurs.

Nous avons les conditions pour que ce qui existe déjà dans l’idée voie le jour et existe réellement.

Comme le disaient certains étudiants de la préhistoire du mouvement étudiant dans les années 60, les étudiants sont une classe en eux-mêmes. Nous ne sommes pas salariés, bien que pour la majorité d’entre nous nous sommes destinés à l’être ; nous ne sommes pas non plus dirigeants, comme peu d’entre nous sont destinés à l’être. Nous sommes nulle part, nous sommes encore en transition, en construction. Nous ne voulons pas dire que nous sommes à l’abri de la merde du Système, mais nous disons que nous sommes dans les conditions matérielles, concrètes, pour nous révolter, nous retourner contre tout ce qui ne nous plaît pas et pour tout ce qui nous plaît.

* * *

Nous ne possédons rien, rien n’est à nous. Nous n’avons ni notre propre maison, ni voiture, ni famille, ni enfants à charge, ainsi on ne peut pas nous avoir en nous disant qu’on fait partie de la classe privilégiée, parce que nous n’avons rien à garder. Il nous reste encore tout à avoir.

Tout est devant nous. C’est le premier point dont nous devons prendre conscience : nous n’avons rien à perdre. Si nous faisons une grève, on ne va pas nous virer de notre travail, et on ne va pas arrêter de percevoir un salaire, et on ne va pas non plus perdre de stupides « conquêtes sociales » avec lesquelles ils ont réussi à tromper nos parents. Si nous faisons grève, non seulement nous n’allons rien perdre, mais nous allons gagner beaucoup de choses, nous allons nous réapproprier un jour d’ennui, et nous allons en faire un jour de vie réelle, de vie intense dans laquelle nous allons faire à chaque instant ce qui nous plaît et non pas ce qui correspond à notre rôle d’étudiant. Profitant du plaisir de l’instant subversif.

Qu’on ne se foute pas de nous, la seule chose qui peut vraiment se perdre c’est la peur. Ce n’est pas tant la peur de potentielles représailles des diverses autorités – professeurs, parents, …- ni la peur de la punition sociale parce que tu n’agis pas selon les attentes imputées à ton rôle. C’est la peur de soi-même, la peur de ne pas savoir quoi faire lorsque personne ne nous dirige et nous dicte notre conduite. La peur de ne pas savoir jusqu’où aller lorsque personne ne nous montre la voie, la peur de ne pas savoir quoi faire à chaque instant. La peur de vivre sans maîtres. La peur de l’incertitude.

Nous allons vous confier un secret : nous aussi nous avons peur ! Et même, nous croyons qu’une bonne part de notre force se base sur cette peur. Nous ne voulons pas que ça soit évident, nous ne voulons pas avoir le chemin balisé ni une lumière au bout du tunnel vers laquelle nous diriger en somnambules. Nous voulons construire notre vie au jour le jour, et par conséquent, affronter la peur de vivre sans maîtres. Nous avons peur, c’est vrai, et l’incertitude nous ronge, mais cette incertitude fait aussi que ça nous donne envie et nous met en ébullition.

Vous n’êtes pas attirés par l’idée de faire l’expérience d’une vie nouvelle et d’abandonner cette expérience médiocre ? Alors expérimentez, faites ce que vous voulez, faisons ce que nous voulons, nous ne saurons pas ce que c’est jusqu’à ce que nous l’expérimentions, et même ainsi nous ne pourrons pas prétendre le savoir, car à chaque moment nous découvrirons de nouvelles choses. Nous n’avons besoin de rien de plus. Nous voulons avancer. Vers où ? Nous ne le savons pas. LÀ-BAS, par exemple, nous savons en tout cas que nous ne voulons pas être ici. N’importe quoi à part ça, nous sommes fatigués, ce monde nous ennuie, il ne satisfait pas nos besoins et nos désirs, il ne nous plaît pas et nous ne nous amuse pas. Mais nous voulons plus, nous voulons une vie meilleure.

Qu’on ne nous trompe pas non plus au sujet de notre avenir. Nous ne sommes pas le futur et nous n’avons pas non plus un bel avenir devant nous. Nous n’avons pas envie d’accepter le futur, avoir un futur c’est s’écrire une mort, écrire le roman de ta vie avant de la vivre : tu fais juste ce qui est DÉJÀ écrit et tu ne construis pas ta vie au jour le jour. Et aussi nous n’acceptons pas le futur parce que DÉJÀ nous n’acceptons pas le présent misérable qui est là et nous n’acceptons pas non plus le futur de merde qu’on nous prépare. Cette vie est misérable !

Nous sommes conscients malgré tout de notre situation dans le monde. Nous sommes conscients que nous sommes ici pour être de futurs travailleurs, nous savons que nous avons un rôle à jouer dans ce monde, celui d’étudiants, celui de gens qui apprennent à avaler la merde, la merde de la Réalité. Celui de gens qui s’appliquent à apprendre l’idéologie qu’insufflent les intellectuels du Système à travers la culture, de gens qui apprennent à réduire leur corps et leur tête à des espaces et des horaires rigides pour arriver dans le monde du travail avec le corps et la tête déjà réduits. Nous sommes conscients que nous sommes des Étudiants.

Mais nous sommes conscients que nous ne voulons plus l’être. Nous ne voulons pas nous habituer à des horaires et des espaces, nous ne voulons pas avaler de la merde, nous ne voulons pas apprendre leur idéologie, ni aucune idéologie. Plus d’intellectuels, plus de culture, plus d’art. Nous voulons aussi arrêter d’être étudiants. Mais nous ne voulons pas arrêter d’être des étudiants pour devenir des travailleurs ou autre chose. Nous ne voulons pas quitter un rôle pour en embrasser un autre. Nous ne voulons aucun rôle, nous ne voulons pas être rien, nous voulons être ce dont nous avons envie à chaque instant. À chaque instant. Nous, étudiants, devons commencer à arrêter de nous cramponner à des idéologies et pensées créées, des choses DÉJÀ faites auxquelles nous nous accrochons à cause de cette peur de vivre sans maîtres, à construire chacun sa vie à chaque instant.

C’est le moment de se jeter à l’eau, d’abandonner toutes les croyances et illusions qui nous garantissent la sécurité de vivre dans ce monde. La sécurité dans cette société n’est pas plus qu’une barrière qui nous protège de … de quoi ? Vous êtes-vous déjà demandé de quoi nous protège la Sécurité qu’on nous offre ? De quoi devons-nous avoir peur ? Les sécurités nous protègent de nous-mêmes, c’est nous que les barrières ne laissent pas sortir, et non les autres qui peuvent aller et venir. Ils ne nous permettent pas de dépasser ce qui est permis. C’est notre propre police qui nous surveille lors de nos arrestations à domicile.

Tu pourris de l’intérieur, tu t’endors et tu t’ennuies, avec l’assurance que tu vas continuer à vivre, c’est-à-dire, que ton cœur va continuer de battre. Et le reste ? Les rêves ? Les désirs ? Les émotions ? La passion ?

Tout cela est là, de l’autre côté de la barrière. Abandonnez la sécurité, la seule chose qu’elle fait c’est enchaîner, et lancez-vous dans l’expérience palpitante de vivre sans normes, sans maître, sans rôle. Expérimentez. Nous voulons vivre et expérimenter MAINTENANT, pas à court ou à long terme.

L’idée de la révolution comme processus est très bien, mais nous ne pouvons plus attendre. Nous avons besoin d’améliorer notre vie, nous voulons qu’elle ait une forme plus intense, et pour ça nous voulons lui créer des moments où elle s’épanouira. Nous voulons des insurrections, des soulèvements, des révoltes, la tension du conflit ouvert. Ça ne nous suffit pas d’avoir simplement le rêve d’une révolution, nous préférons le rêve et l’utopie d’un moment d’insurrection. Le soulèvement est une réappropriation, une vraie rupture avec la monotonie de la vie quotidienne, avec les normes sociales, et avec les rôles qu’à chaque moment de la vie nous devons adopter. Le moment de soulèvement rompt avec les horaires. Le temps arrête d’être une tyrannie linéaire, pour devenir un désordre de moments vécus intensément. Nous savons qu’une insurrection ne va pas changer le monde, mais nous croyons qu’elle peut transformer notre vie.

Parce qu’il s’agit de changer le monde, mais aussi de transformer la vie. Nous ne sommes intéressés par aucune révolution qui n’élève notre qualité de vie. Nous ne sommes pas intéressés par un monde, aussi libre et juste qu’il soit, si la vie est tout autant ennuyeuse, monotone, rationnelle et médiocre que celle que nous vivons maintenant. Plaidons pour créer la révolution qui ne triomphe jamais. Nous ne voulons pas triompher. Nous ne voulons pas perdre le rêve et l’utopie. Les choses qui ont une fin ne nous intéressent pas, ni les choses dont le destin annoncé est de mourir. Nous ne voulons pas avoir de futur, nous fabriquerons notre vie au fur et à mesure. Nous ne voulons pas nous définir maintenant, nos actes nous définiront en temps voulu. Nous ne voulons pas que tout soit clair, nous nous expliquerons au fil de la pratique.

Les choses ne sont pas claires pour nous. Mais ATTENTION, ça ne veut pas dire que nous allons permettre à des intellos de nous éclairer et de nous dire qui nous sommes et ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Nous n’admettrons pas d’avant-garde révolutionnaire qui vienne chapeauter notre révolte avec leurs idéologies. Et nous n’allons pas non plus faire la place aux leaders syndicaux ni aux syndicats eux-mêmes. Nous n’allons pas vous laisser faire, nous vous prévenons, nous n’allons permettre aucune tentative de manipulation, et nous n’allons pas permettre que vous récupériez nos luttes pour le système, nous menant sur la voie inoffensive de la démocratie. À bas la démocratie ! Plus de dialogue ! Il faut faire face. Nous vous prévenons, si vous essayez d’étendre vos griffes parmi nous, nous nous jetterons sur vous avec toute notre rage. Mieux encore, nous nous jetterons sur vous, même si vous n’essayez pas d’y mettre vos sales pattes, juste pour ce que vous êtes et ce que vous faites, pour votre fonction de pompiers des feux de la révolte. Récupérateurs de merde, vous êtes dans notre point de mire.

Tout est dans notre point de mire. Rien de ce monde ne vaut la peine d’être sauvé. Les étudiants, nous nous foutons de tout. Nous avons commencé par revenir de la naïveté de la vie moderne, nous ne croyons pas dans la sécurité du foyer rempli de sentiments électrodomestiques, ni dans les machines qui donnent un bonheur pathétique, comme le sourire de l’âne lorsqu’il meurt.

Les voitures ne sont pas plus que le modèle de l’idéal bourgeois du bonheur. Brûlons-les, brisons les vitrines de l’aliénation et de la fausse vie.

Brûler des voitures, briser des vitrines. Ce n’est pas un slogan que nous vous donnons.

Brûler, casser, ce sont nos sentiments que nous vous lançons. Nous vous lançons notre rage, notre colère. Nos désirs et nos rêves. C’est ce que nous pensons. Voilà ce que nous sommes.

Nous nous répandons dans notre environnement telle la lave du volcan. Nous voulons faire irruption, et pas attendre que les fleurs éclosent. Nous voulons briller deux fois plus sans devoir nous résigner à ne durer que la moitié du temps. Nous sommes des utopistes, des rêveurs. Des rêveurs ! Vous avez arrêté de rêver ! Vous êtes devenus grands, vous êtes autant adultes que ces universitaires envahis par l’ennui à vingt ans et quelques. Nous autres nous n’avons jamais arrêté d’être des enfants. Nous sommes toujours sauvages et nous résistons pour ne pas être domestiqués.

Nous mordons. Nous sommes utopistes et sauvages. C’est sûr que vous pensez qu’on est fous, pas vrai ? Ce pamphlet est un virus. Il s’étend et se propage de par le monde sans limites, en tissant des réseaux de désirs subversifs. Tu peux en faire partie. Et même, tu peux l’incarner.

Répands-le, photocopie-le, offre-le aux gens que tu aimes. Crée du rêve.

Des Sauvages
Madrid, décembre 1998

Traduit en mai 2012.

Prolongation de la garde à vue de Monica et Francisco

8733223131_e325039986_zLa section spéciale (anti)terroriste a demandé une prolongation du délai spécial d’isolement et d’incommunication dans lequel se trouvent les détenus. Ainsi le juge Eloy Velasco a accepté de prolonger cette situation de 48 heures.

Les raisons de ce prolongement sont que la police veut analyser ce qu’ils ont trouvé dans l’appartement où ont été arrêté-e-s les compagnon-ne-s, et continuer de les interroger.

On ignore l’endroit où ils ont été séquestré-e-s. Il a été dit qu’ils se trouvaient à la préfecture de police de Barcelone, au Commissariat Général de l’Information ( siège de la section (anti)-terroriste à Madrid), ainsi que dans la section de transfert de la prison de Soto del Real (Madrid).

Les compagnon-ne-s ne peuvent pas communiquer entre eux, et sont interrogé-e-s par la police.

Face à l’impunité avec laquelle la police transfère et cache nos compagnon-ne-s et depuis la distance qui nous éloigne d’eux, l’appel est toujours de renforcer les liens de solidarité internationalistes pour accompagner les compagnon-ne-s. Que la police et l’État ne sentent pas qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec nos compagnon-ne-s détenu-e-s.

Pour l’instant il faut attendre que les compagnon-ne-s soient conduit-e-s à l’Audiencia Nacional à Madrid le dimanche 17 novembre à 10h, pour qu’on y voit un peu plus clair dans les accusations qui pèsent contre eux et savoir s’ils vont devoir faire de la « prison préventive ».

Monica et Francisco sont accusé-e-s de l’attaque explosive contre la basilique del Pilar (Saragosse) qui a eu lieu début octobre.

Selon ce que la presse a divulgué, un soi-disant plan de la basilique de Montserrat de Barcelone aurait été trouvé, de plus ils pourraient aussi être inculpé-e-s pour le placement de l’engin explosif de la cathédrale de La Almudena à Madrid en février 2013, action revendiquée par le même groupe.

Des « fuites » dans la presse informent qu’il y a quelques semaines une délégation de l’ANI (sorte de DCRI chilienne), comprenant son directeur Gonzalo Yuseff, s’est pris des vacances anti-terroristes en Espagne, dans le but de se réunir avec leurs collègues de la Police Nationale d’Espagne, coordonner et planifier les arrestations de Monica et Francisco : ils ne leur pardonneront jamais d’avoir été acquitté-e-s dans le « Caso Bombas »; et la raison et vengeance de l’État l’exigeant, ils sont allés jusqu’à traverser l’océan pour les emprisonner.

Devant la collaboration des États : solidarité internationaliste !
Solidarité sans limite avec Monica et Francisco !!

Publicación Refractario

 

Cinq arrestations à Barcelone

guerra_a_la_calleCe mercredi 13 novembre vers 03h du matin, cinq compagnon-ne-s ont été arrêté-e-s dans un appartement du quartier Carmel de Barcelone, accusé-e-s d’être les auteurs de l’attaque à la bombe contre la basilique del Pilar de Saragosse, le 02 octobre dernier.

Parmi les arrêtés il y a Francisco Javier Solar Domínguez et Mónica Andrea Caballero Sepúlveda (compagnon-ne-s de la région chilienne, et ex inculpé-e-s du Caso Bombas, qui avaient passé 9 mois dans la Prison de Haute Sécurité de Santiago), ont aussi été arrêté-e-s Valeria Giacomoni (de la région italienne),  Gerardo Damián Formoso (de la région argentine) et Rocío Yune Mira Pérez (de la région chilienne).

Le ministre de l’Intérieur de l’État espagnol assure que les détenu-e-s font parti d’un « commando très bien organisé, extrêmement dangereux avec de fortes connexions internationales » (…) » ils sont très connu-e-s pour leur passé délictueux au Chili » (…). Le fait que les compagnon-ne-s arrêté-e-s soient étrangers ne fait que confirmer le délire de la police espagnole sur le fait que depuis plusieurs mois l’Espagne est en train de devenir un refuge pour anarchistes insurrectionnels.

Ceux qui sont accusé-e-s d’avoir mis la bombe sont pour l’instant Mónica et Francisco, qui auraient été identifié-e-s par des caméras de surveillance aux alentours de la basilique, le jour-même de l’explosion. L’attaque avait été revendiquée par le Comando Insurreccional Mateo Morral, le même groupe qui a revendiqué l’attaque dans la cathédrale de La Almudena à Madrid, le 7 février 2013.

La police espagnole avait pris contact avec Interpol et les services de renseignement chiliens (l’ANI) pour confirmer les identités de Francisco et Mónica, et le 8 novembre elle a informé le ministre de l’Intérieur chilien de l’arrestation imminente des suspects.

Les deux compagnon-ne-s seraient entre les mains de la police jusqu’au vendredi 15 où ils devraient comparaître devant le juge de la Audiencia Nacional (chargé des affaires de terrorisme) Eloy Velasco, pour délit caractéristique de l’article 570 du Code Pénal, législation antiterroriste qui peut mener à des peines de 15 à 20 ans. Ce même 15 novembre on verra si le juge accepte la demande de prison préventive pour les compagnon-ne-s. En parallèle plusieurs personnages (aussi funestes et sinistres les uns que les autres) font des déclarations en célébrant ces arrestations et en menaçant de ré-ouvrir le procès du Caso Bombas.

Depuis là où nous sommes nous transformons ces kilomètres en un insignifiant obstacle, nous ferons taire les voix des puissants des deux États qui résonnent, nous sortirons dans la rue face aux menaces de décennies de prison, pour faire de la solidarité une grande accolade qui s’établit loin des campagnes répressives …

Solidarité internationaliste !

 

hommodolars, Publicación Refractario, Material anarquista, Viva la anarquía

 

 

Affiche de grève avec une perspective de genre

huelgaAppeler au boulot pour dire que tu es malade le matin de la grève.
Exproprier les biens du lieu de travail pour ensuite les redistribuer.
Mal travailler, plus lentement, avoir beaucoup “d’étourderies”.
Faire du boycott et saboter des petits trucs.
Faire la grève de la consommation.

Donner du courage aux grévistes ( celles qui comptent et celles qui comptent pas), leur donner de l’eau, leur offrir un abri si la situation devient difficile.

Je n’ai pas de contrat / je suis en stage / je suis travailleuse du sexe / j’ai migré et maintenant je travaille sans contrat / je suis travailleuse domestique / j’ai besoin d’argent / mon chef va me virer / je suis femme au foyer / je suis à mon compte et je ne peux pas perdre mes clients / j’ai un visa de travail / je m’occupe de personnes âgées / …

Quel que soit le motif, pour beaucoup d’entre nous la grève « traditionnelle » n’est pas suffisante. Nous ne sommes pas importantes pour les syndicats majoritaires, celles qui ne sont pas prises en compte et ne veulent pas rentrer dans le jeu avec les patrons et les gouvernements. Sans papiers, sans contrats, sans chefs, sans bureau, sans sécurité sociale, sans avoir un travail reconnu comme travail, sans maison, sans être payé pour tout ce que nous bossons, comment on ferait la grève dans le sens traditionnel du terme ?

Chaque jour devrait être un jour de grève. Mais pas une grève de devanture, de débat télévisés et quatre mots de fin de soirée. Chaque jour devrait être la grève du genre, la grève de la consommation, la grève de l’obéissance, la grève de la soumission, la grève de la reproduction, la grève des loyers, des hypothèques et des frais de logements, la grève des mères, la grève des corps, de la main d’œuvre pas cher, la grève de la non-violence face à la violence policière, la grève de se serrer la ceinture, que des jours meilleurs arriveront. La grève comme synonyme d’un raz le bol, la grève comme synonyme d’attaque. Ce n’est pas seulement la possibilité de bloquer le capital sur les lieux de travaux légitimés pas l’État, mais aussi dans la reproduction hétéro-patriarcale, capitaliste et raciste de la vie sociale.

Nous n’attendons pas assises à ce qu’on nous dise quand, comment et qui peut lutter ; nous redéfinissons le concept de grève.

La rage n’attend pas les appels à la grève, la rage n’a pas d’horaires déterminés.

Rage indéfinie. Grève indéfinie.

Catalogne antinationaliste : ni catalanistes ni espagnolistes

no_nacionalismoLe thème de l’indépendance est plus présent que jamais. L’élite catalane, depuis le gouvernement de Catalogne et les moyens de communication, bombardent la population de messages nationalistes qui embrouillent d’une telle façon que le conflit social, la tension entre riches et pauvres, est pratiquement neutralisé. Les gens aiment « leurs » institutions nationales, leurs leaders politiques, la classe patronale catalane, se donnant et se soumettant avec beaucoup de plaisir, tout émus de voir que ceux qui les rendent esclaves et les exploitent économiquement maintenant, les sauveront de l’oppression espagnole.

Nous espérons que notre apport à la question, d’un point de vue anarchiste, puisse contribuer à développer une force sociale de pensée et d’action qui s’oppose au courant dominant nationaliste. Les partis politiques de toutes les couleurs, bourgeois et pseudo-ouvriers, de droite et de gauche, alimentent un courant de pensée dominant à caractère patriotique et nationaliste dans lequel se noie la société catalane et duquel peu de gens sont capables d’échapper.

Les mouvements nationalistes ont tendance à appliquer le critère suivant : ou tu es avec moi ou tu es contre moi, tu es des miens ou tu es du peuple ennemi (ou encore, tu es catalan ou tu es espagnol, tu es serbe ou tu es croate, tu es ukrainien ou tu es russe). N’importe qui, qui décide de se démarquer des plans et programmes d’un mouvement nationaliste, est accusé de donner sa préférence et d’appartenir au peuple détesté, à l’ennemi. Peu importe le motif, il n’y a pas de raison (rationnelle) qui puisse tenir tête au sentiment (irrationnel) d’appartenir à un peuple déterminé à réaliser son destin glorieux.

Nous, les anarchistes, nous ne suivons pas le courant catalaniste dominant, ni ne paradons avec les forces politiques en faveur de l’indépendance de la Catalogne, ni ne nous identifions avec la patrie catalane. C’est pour ça qu’ils nous accusent d’être espagnolistes.

Par ce texte nous voulons rompre avec la dualité catalan/espagnol, indépendantiste/espagnoliste. Nous voulons apporter une troisième vision, une nouvelle voie de dépassement du conflit national. Nous voulons dépasser le conflit en portant simplement l’attention sur l’individu à l’heure de construire une société juste et sans oppression.

Au sujet de la libération et de l’autodétermination des peuples

Aujourd’hui l’autoritarisme, dans ses diverses formes (capitalisme, patriarcat, religion, État …) s’étend à travers le monde en soumettant par une forme ou une autre la totalité des populations. À cette force paralysante et abrutissante qui suppose l’autorité s’oppose l’action et les idées de ceux/celles qui veulent créer un monde nouveau basé sur la relation fraternelle, libre et solidaire entre les individus et leurs communautés : les anarchistes.

En Catalogne, le fait est qu’une grande partie de la population s’identifie avec une série de traits linguistiques et culturels qui ne correspondent pas dans leur totalité avec les valeurs linguistiques, morales, religieuses, culturelles, traditionnelles, artistiques, esthétiques et éthiques que le Royaume d’Espagne (Reino de España) promeut et impose de la même façon à tous ses sujets. On pourrait dire qu’une grande partie de la population catalane se sent appartenir à un collectif de personnes avec lequel elle partage une façon relativement similaire de parler, de célébrer les fêtes, de manger, de regarder le foot, de marier les filles…

Ceux qui s’identifient avec ce collectif ne voient peut-être pas très clairement quelles sont les caractéristiques qu’ils doivent avoir, les conditions qu’ils doivent remplir pour appartenir à ce club de personnes aussi hétérogène, aussi vaste, aussi abstrait. Les membres de ce club disent « je suis catalan ! » mais ils auraient bien du mal à définir ce que veut dire être catalan, ou définir avec clarté ce qu’est le peuple catalan.

Or, les membres, et surtout le président du club, eux voient très clairement comment tu ne dois pas parler si tu veux faire partie du club, comment tu ne peux pas célébrer Noël et quelle équipe de foot tu ne dois pas supporter. Pour être catalan tu peux parler comme les bourges de Barcelone ou comme les gitans de Lleida, mais tu ne peux pas parler comme le Quichotte, tu ne peux pas manger de la « zarzuela » pour Noël, tu ne peux pas être de Madrid, tu ne peux pas, tu ne peux pas…

Depuis l’apparition de l’État espagnol (1714), ses élites ont mené à terme un plan d’homogénéisation de la population au niveau culturel et linguistique qui consiste à imposer les traits culturels et linguistiques que seulement une partie des sujets partagent : les Castillans. Il s’agit de créer une communauté homogène de sujets qui s’identifient à une seule langue, un seul roi, un seul État, un seul drapeau.

Ce processus d’uniformisation culturelle a comme victime la diversité et l’hétérogénéité. Cette relation de domination a provoqué historiquement la répression et la persécution de tous les traits culturels et linguistiques propres aux territoires catalans.

Par opposition à cette répression culturelle sont apparus au cours de l’histoire des initiatives sociales et politiques qui ont revendiqué l’autodétermination du peuple catalan. De nos jours cette tension persiste, même si c’est de façon moins violente, et les forces indépendantistes et nationalistes catalanes continuent de revendiquer l’autodétermination, mais toujours sous un même principe : la création d’un État catalan. Mais sous quelle forme le peuple catalan peut-il réellement être libre ?

En tant qu’anarchistes nous concevons la liberté comme le développement entier des individus dans toutes leurs formes (intellectuel, émotionnel, culturel, physique…) au sein d’une société libre et solidaire, dénuée de tout type d’autorité. Pour autant, nous rejetons l’idée que n’importe quel État-nation soit la solution à notre esclavage, quand bien même il s’appellerait catalan. Nous sommes pour la destruction de tous les États et pas pour en créer de nouveaux.

L’anarchisme propose de construire la société en centrant l’attention sur les intérêts de chacun de ses individus, puisqu’il considère que ceux-ci ne sont pas nés pour satisfaire les aspirations de tiers, mais pour s’auto-réaliser. D’un autre côté, le nationalisme prétend construire la société et la justice en centrant l’attention sur les intérêts des nations. Celles-ci sont des entités abstraites construites à un niveau supérieur à l’individu. Dans les nations, les individus sont des moyens pour satisfaire l’intérêt national et ainsi, au moment où l’intérêt de l’individu s’oppose à l’intérêt national, la société basée sur la nation oblige l’individu à agir contre son propre intérêt et contre sa propre volonté pour satisfaire ce qu’il y a de plus sacré : la volonté nationale. C’est ainsi que les soldats vont faire la guerre contre la nation ennemie, prêts à donner leur vie pour sauver la patrie.

Le nationalisme catalan, comme n’importe quel autre, tend à créer une perception homogénéisante et simpliste qui implique le fait d’être né dans un endroit déterminé. La pensée propre du nationalisme, le patriotisme, culpabilise, exclut et punit la diversité culturelle (par exemple la coexistence de différentes langues ou de différentes identités sur un même territoire), la concevant comme une menace envers l’identité en elle-même, qu’il faut réprimer et contrôler. L’exaltation patriotique de ce qui est propre à un peuple porte la plupart du temps sur la volonté de soutenir dans le temps des traditions et coutumes qui, pour être anachroniques ou injustes, devraient être dépassées.

La conclusion la plus claire que nous tirons est que n’importe quel type de nationalisme, même de caractère indépendantiste (par exemple le cas basque ou catalan), est centraliste et réprime les différences qui existent en son sein, vu qu’il appartient à la « nation », en oubliant que chaque individu est un être autonome avec des caractéristiques propres qui le rendent unique par rapport à une autre personne.

Souvent, deux peuples, deux nations, peuvent se différencier principalement en pratiquant une religion différente (Serbes-orthodoxes, Bosniaques-musulmans et Croates-catholiques) mais ils partagent la langue (les Serbes, Bosniaques et la majorité des Croates partagent un parler slave appelé štokavica, štokavština ou štokavsko narječe).

Dans le cas des Catalans et des Castillans, la langue est la caractéristique déterminante, ou la plus évidente, à l’heure d’établir une différence vu que les Catalans comme les Castillans, traditionnellement, se sont soumis au pape de Rome.

Au cours de l’histoire il y a eu des exemples de nations ou peuples qui se sont crées et défaits selon les intérêts politiques des élites dominantes du moment.

Pour créer une nouvelle identité nationale qui englobe un nouvel État, il faut juste centrer l’attention et donner la catégorie de valeur nationale, de trait distinctif, à ce qui est commun à tous les territoires de l’État. Dans le cas de la République fédérative socialiste de Yougoslavie de Tito, les différences de religion entre Serbes, Bosniaques et Croates seront oubliées et l’identité nationale sera construite sur la base de la lutte contre le fascisme et de la langue slave commune « serbo-croate ».

Pour diviser une nation en deux ou plus, il faut juste nier ce qui est commun et favoriser au maximum ce qui différencie. Pour séparer les Catalans des Valenciens, on ignore les similitudes du parler valencien avec le parler catalan occidental et on centre l’attention sur les particularités de la langue de la capitale valencienne pour tracer la ligne de séparation. Pour diviser la nation yougoslave en nations serbe, croate et bosniaque, il faudra juste rappeler à la population à quelle église ou mosquée allaient les parents des Serbes, Bosniaques et Croates.

La création des nations et leur évolution est clairement déterminée par les intérêts politiques des élites dominantes qui appliquent des plans d’homogénéisation ou de division de la population en mettant en avant ou en ignorant les différences et les traits culturels. Les nations telles que nous les connaissons et leurs frontières ont vu le jour avec des guerres et des conflits d’intérêts entre élites de pouvoir de différents endroits du territoire.

Les Pays catalans (Catalogne Nord, Pays valencien, la Franja, le Principat, l’Alguer et les Baléares) sont le résultat de l’expansion du pouvoir de Jacques Ier d’Aragon, du nettoyage ethnique sur les territoires conquis aux Sarrasins et de l’établissement de la population catalane sur les territoires annexés à la Couronne. Les nationalistes catalans prétendent maintenir durant des siècles ce statu quo hérité de Jacques Ier d’Aragon, de même que les nationalistes castillans prétendent maintenir le statu quo hérité de Philippe V.

Autant les uns que les autres prétendent appliquer leurs plans sur une population déterminée. Ils prétendent de forme consciente mouler la culture du pays à leur image et la faire évoluer dans le sens de leurs intérêts, en s’opposant et en essayant d’éviter le développement naturel des traits culturels et linguistiques des différentes communautés. Pour cette transformation culturelle planifiée on utilise les moyens de communication nationaux, et on crée des standards linguistiques, on enseigne les traits culturels que l’on désire dans les écoles de tout le territoire ou à l’extrême, on procède au nettoyage ethnique en favorisant le racisme.

En tant qu’anarchistes, nous nous opposons à n’importe quelle tentative de manipulation de la population par des intérêts politiques. Nous défendons la diversité culturelle et linguistique, le métissage, l’échange, le dépassement des traditions injustes. Nous défendons le développement libre et naturel des cultures. Nous pratiquons le respect des particularités de chacun et de chaque communauté.

C’est pour cela que nous nous opposons à l’État espagnol et ses plans d’homogénéisation artificielle et prédéterminée, de la même manière que nous nous opposons au nationalisme catalan qui prétend créer des frontières, catalaniser et construire la justice sociale sur la base des intérêts nationaux.

Ce n’est qu’en combattant de la même façon n’importe quel nationalisme, qu’il soit basque, espagnol, galicien, catalan ou andalou, que l’on peut être un minimum cohérent, parce qu’ils sont tous aussi dangereux. Et ce n’est que par le fédéralisme et l’internationalisme libertaire que l’on peut respecter l’autonomie personnelle, les différentes cultures autochtones et les particularités de chaque zone sans les sacrifier aux intérêts politiques.

Groupe Anarchiste L’Albada Social