Lettre de Francisco Solar depuis la prison de Villabona

afiche-monicayfranciscoCela fait un an que la police a débarqué dans notre appartement au cri de : »vous avez quelque chose de chaud ?! ». Ça m’avait surpris et en même temps ça m’avait fait rire. Ensuite on s’est rendu compte qu’ils voulaient savoir si on avait placé des engins explosifs comme piège, ce qui nous a fait encore plus rire.

Cela fait un an qu’ils m’ont séparé de ma compagne par des centaines de kilomètres, et depuis seulement quelques mois je peux écouter sa voix, 5 minutes tous les 15 jours.

Un an enfermé en isolement dans 3 prisons différentes du royaume espagnol. Des prisons qui basent leur politique pénitentiaire sur la psychiatrie, médicalisant les prisonniers dans le but de les étouffer. Établissant un contrôle absolu sur les communications et le contact avec l’extérieur. Dans ces prisons du premier monde on favorise la relation impersonnelle avec l’extérieur, tout ce qui est contact physique est complètement restreint, à la différence de mon expérience dans les prisons chiliennes. La possibilité d’être avec les tiens est impensable dans des endroits pareils.

Cela fait un an que la solidarité s’est fait sentir à chaque minute, spécialement de la part des anarchistes de Barcelone, qui avec leur volonté et initiative ont détruit la dispersion et l’isolement. Ils ont prouvé que la solidarité n’est pas un mot vide, que c’est un contenu inséparable de toute notre pratique et lutte pour la libération totale. Et avec ça une fois de plus le pouvoir est ridiculisé. Il ne comprend pas le moins du monde de quoi se nourrissent nos relations. Les difficultés qu’ils nous posent nous rendent plus forts, face aux adversités nous nous connaissons mieux et lorsque nous apprenons à nous connaître mieux nous rions de ce qu’on avait cru insurmontable. Si nous avons décidé d’affronter l’État c’est parce que ça fait très longtemps que nous avons décidé d’arrêter de vivre à genoux.

Francisco Solar

Centre Pénitentiaire de Villabona, le 13 Novembre 2014

Pour écrire aux compas :

Mónica Caballero Sepúlveda
Centro Penitenciario Ávila
Ctra. de Vicolozano-Brieva, s/n
05194 Brieva
Ávila (España)

Francisco Solar Domínguez
Centro Penitenciario Villabona
Finca Tabladiello
33480 Villabona-Llanera
Asturias (España)

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Situation de la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara

Swallow, Hirundo rustica

Santiago (Villa Francia), le 25 novembre 2014

C’est au 4eme tribunal Oral pénal, et à une date pas encore fixée, que commencera le procès contre la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara, prisonnière depuis presque un an dans la prison/centre d’extermination de San Miguel, sous les charges de tentative d’homicide qualifié et vol simple.

Cela a été décidé suite à l’audience de préparation du procès oral qui a eu lieu le 24 novembre à Santiago, à l’occasion duquel l’accusation et la défense de notre compagnonne ont présenté les examens d’experts, documents et preuves matérielles qui feront partie du procès.

Concrètement, à la demande de la défense de Tamara Sol, à charge des avocats Margarita López et Nelson Miranda, le tribunal a exclu presque une dizaine de témoins (sur un total de 28) présentés par le parquet, dans leur majorité des sbires de l’OS-9 [1] et des fonctionnaires de la succursale bancaire, dont certains n’ont pas été témoins direct des faits reprochés à la compagnonne.

Aussi, le tribunal a accepté la demande d’exclure d’autres éléments de preuves, des examens d’experts et matériels présentés par le procureur et par le représentant de la Banque Estado, plaignant dans l’affaire. Et même si cela rend la défense optimiste, il faut quand même garder ses précautions.

Soutien inconditionnel

L’audience de préparation du procès réalisée ce lundi a été marquée par une présence nombreuse de compagnon-ne-s qui dès le début ont exprimé leur solidarité et soutien à Tamara Sol et à sa famille. Cette fois ça n’a pas été différent. Beaucoup de ceux/celles qui se sont rendus jusqu’au mal nommé Centre de Justice, ont laissé de côté leurs activités pour être présents, soutenant la compagnonne dans ce moment décisif.
Comme preuve de cette inconditionnalité, ils sont resté-e-s à l’extérieur de la salle où avait lieu l’audience, malgré la restriction capricieuse d’accès ordonné par le juge, qui n’a permis qu’à cinq personnes de rentrer.
Malgré cela notre chère Tamara Sol a pu sentir leur présence à l’extérieur. Sur son joli visage et son sourire nous avons pu ressentir son énergie et la force avec laquelle elle a supporté ces mois d’enfermement, avec la dignité qui la caractérise.
Maintenant l’étape décisive arrive. Dans les prochains jours la date de début du procès oral devrait être fixée, ainsi que les noms des trois juges qui intégreront le tribunal.

Nous appelons donc à continuer à se solidariser activement, jusqu’à obtenir la liberté de Tamara Sol et de tous/toutes nos compagnon-ne-s prisonnier-e-s de l’État et de ses prisons.

Liberté pour Tamara Sol !
Liberté pour tous les prisonniers libertaires, subversifs et anticapitalistes !

 

Publicación Refractario


Notes :
[1] l’OS-9 est l’unité de carabiniers spécialisée dans la lutte contre les organisations criminelles.

Lettre d’Amelie et Fallon

amaf1Des nouvelles fraîches.

Aujourd’hui ça fait plus de 10 mois que nous sommes en taule. Au cours des dernières semaines les deux sentences, fédérale et locale, ont été rendues. Le premier novembre le juge Manuel Muñoz Bastida, du huitième tribunal du Reclusorio Sud, a prononcé la sentence de 7 ans et demi de prison sous l’accusation “d’incendie de bâtiment public avec des personnes à l’intérieur”, ça c’est pour les dommages qu’il y a eu sur le “Secrétariat des Communications et des Transports du Mexique”. Les “gens à l’intérieur” ce sont les deux porcs fédéraux en charge de la sécurité du lieu. Ensuite, le 7 novembre, nous avons reçu la seconde sentence sous les accusations de la juridiction locale qui sont “atteinte à la propriété privée aggravé en bande” et “atteinte à la paix publique”. Ces accusations font référence à l’attaque contre le concessionnaire Nissan. Puisque nous avons été arrêté-e-s à l’angle du Secrétariat des Communications et des Transports et du lieu où nous avons brûlé les voitures. La juge Margarita Bastida Negrete du tribunal de la juridiction locale #18 du Reclusorio Orient a prononcé une sentence de deux ans et sept mois de prison, joignant les deux délits, et de cette façon les atteintes à la propriété privée deviennent des réparations de dommages et on reste avec le délit d’atteinte à la paix publique et la réparation des dommages qui s’élève à 108 000 pesos. Selon la loi, pour toutes les sentences de moins de 5 ans pour les primo-délinquants il y a droit à des aménagements. Dans notre cas, si nous payons l’amende de 43 000 pesos on sera immédiatement libéré-e-s ou bien nous pourrons sortir en payant 10 000 pesos de caution chacun et en pointant chaque mois au tribunal pendant les 2 ans et 7 mois.

Nous sommes en appel dans les deux procès parce que le parquet a fait appel pour la sentence de la juridiction locale et nous avons fait appel pour la sentence fédérale. D’ici 5 mois la justice rendra sa décision. En fait c’est la sentence fédérale qui nous retient en prison. Pour pouvoir sortir, la sentence fédérale doit être inférieure à 5 ans. Ainsi dans les prochains mois nous verrons s’il y a une possibilité de sortir de cet endroit.

On a été informées de la parution d’un article de Philippe Teisceira-Lessard dans le journal québécois “la Presse”, l’un des journaux les plus lus au Québec. Nous sommes énervées par la parution de cet article qui parle de notre affaire, qui cite en partie nos lettres publiques, et aussi que notre avocat a parlé avec le journaliste. Jamais nous n’avons demandé à un média de masse de parler de l’affaire, et nous n’autorisons pas notre avocat à communiquer des informations sur nous à des journalistes. Si nous avons quelque chose à dire nous préférons le faire nous-même. Les médias sont des ennemis au même titre que la police, les outils les plus puissants de contrôle social qui puissent exister jusqu’à maintenant. Ceci étant dit, que ce salopard de Philippe Lessard arrête de harceler nos familles et qu’il se mette bien dans la tête que nous n’avons pas besoin de ses articles pour parler de notre situation.

Ainsi on a toujours cette force dans le cœur, emmerdant la justice et l’État. Nous n’attendons rien de la justice même si nous avons très envie de sortir dans la rue. Force et courage à notre complice Carlos Lopez Marin (au Reclusorio Orient), au compa Luis-Fernando (Reclusorio Sud), à Fernando et Abraham (Reclusorio Nord). Un coucou aussi à Mario Gonzales, qui est aujourd’hui dans la rue et une grosse bise à Felicity, Tripa et à la sorcière.

Feu à la civilisation, guerre à la société.
Jusqu’à la liberté et même au delà !

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Les limites de l’organisation clandestine

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Perspectives anarchistes sur la clandestinité, survolant le thème de la lutte armée

Il y a un point sur lequel nous n’aimons que trop débattre et donner nos humble avis, c’est celui de la Clandestinité et comment on la perçoit dans le milieu anarchiste. Précisément parce que, du moins au Mexique, on a eu peu de discussions à ce sujet, et la perceptive qui nous vient de certains compagnons ou cellules d’action [1] en ce qui concerne la clandestinité dans la pratique ou l’organisation, se rapproche presque toujours (ou plus que ça) des guérillas marxistes-léninistes, ou bien d’un discours lutte-armatiste (culte des armes), ce qui lorsqu’on se déclare anarchistes ou libertaires est souvent très ambigu.

Mais bien sûr on oublie aussi que cette confusion provient du fait que la plupart des gens n’aiment pas prendre position. Ils suivent le sens du courant, ils n’aiment pas débattre car ils trouvent cela ennuyeux et inutile, ou parce que nos discussions n’intéressent pas les gens normaux. C’est sans doute plus facile de faire le caméléon, en changeant de couleur selon là où l’on est, que de prendre position. Parce que c’est peut-être aussi plus facile de suivre ce qui est dit et écrit que de prendre des positions nettes et se donner le temps d’analyser, débattre et critiquer. Parce qu’arriver à une conclusion inachevée est généralement dur et “identitaire”, et qu’on préfère toujours éviter le débat et la critique. Est-ce que ça serait parce que ce qui est plus commode et simpliste est toujours mieux accepté et qu’aux yeux de la masse ou d’autres compagnons cela semblerait toujours plus recevable et facile à digérer ? De cette façon nous finissons par reproduire l’image du système capitaliste de vie actuel : l’intégration, la tolérance, le dialogue, l’acceptation, et notre soi-disant théorie révolutionnaire devient une marchandise de plus… Mais la critique est toujours nécessaire ! Et c’est quelque chose dont beaucoup parlent, qui est clamé aux quatre vents, et sur lequel on pleurniche sur les sites de gauche, mais bien évidemment seulement lorsque ce sont eux les critiques, parce que lorsque quelqu’un leur remet les pendules à l’heure ils finissent par nous dire : sociologues de l’anarchisme, psychanalystes, provocateurs ! Donc tous les anarchistes qui dans l’histoire ont développé des luttes et desquels nous avons appris quelque chose, que ce soit de leurs livres, mots ou actes, auraient été des sociologues, psychanalystes ou provocateurs ? Psychanalystes ? Aux yeux de certains c’est possible, mais aux yeux de d’autres ce ne sont que des compagnons qui ont contribué à l’analyse, à la critique et à l’attaque contre les structures du pouvoir, et qui même contribuent et ont contribué précisément à ce qu’une partie de l’anarchisme ne s’arrête pas, prenne son propre chemin et forme son propre caractère.

Pour commencer cette réflexion nous dirons que beaucoup de choses tournent autour de la question de la clandestinité. D’une part on pourrait affirmer que pour les anarchistes elle est parfois involontaire car c’est une conséquence de la lutte, favorisée par des conditions que l’ennemi a réussi à imposer à un moment donné, par exemple de type répressif, ou parce que c’est un besoin inévitable favorisé aussi par certaines conditions imposées par l’État. Mais parfois aussi elle est assumée comme une supposée lutte “réelle” et c’est là que se situe notre désaccord. Voilà donc ce sur quoi nous voulons débattre : lorsque la clandestinité volontaire finit par devenir une pratique qui se rapproche dangereusement de certaines idées de pouvoir, et lorsque d’un autre côté on en arrive à la fétichiser, alimentant la mode de jeunes qu’on nous vend sur le marché de la politique actuelle. “Que parlent les cagoules !” Au lieu des idées ? Nous pensons qu’une cagoule finit par devenir quelque chose d’abstrait et irréel lorsque son seul impact est la médiocrité de l’effet visuel. Une idée bien placée a un impact profond et réel parce qu’elle arrive (et il y a des milliers d’exemples, nous sommes nous-même un exemple) à marquer les esprits des individus et ainsi déranger la réalité immédiate. Mais bien sûr ! Nous oublions que les guérillas marxistes-léninistes utilisent cet effet visuel comme démonstration de force face à un ennemi de classe qui évalue encore plus son pouvoir, et le pire c’est que certains groupes anarchistes ont pour habitude d’imiter ce type de pratiques. En tant qu’anarchistes nous avons toujours (et lorsque nous disons toujours nous faisons aussi allusion à notre histoire) soutenu qu’il y a des choses qui doivent se faire à la lumière du jour et d’autres non. Des choses qui sont publiques et d’autres qui simplement requièrent la plus grande discrétion pour pouvoir les réaliser.

Ainsi en y voyant clair dans ces perspectives nous pensons que l’attaque (armée) n’a pas besoin d’endosser la “clandestinité” et toute sa rhétorique (autant opérative qu’idéologique) en tant que forme de lutte. Parce que notre objectif n’est pas de terminer dans une organisation ou par un acte qui nous conduit vers l’obscurantisme, la spécialisation, l’isolement et l’éloignement des luttes et du champs de la lutte réelle qui est notre vie quotidienne. Et qui à son tour réduit notre individualité comme notre créativité à une attaque armée, des sigles ou un symbole qui évoquent le culte des armes. Ou bien qui réduit toute notre capacité et potentiel individuel d’incision, rupture et destruction de l’existant à une identité qui le plus souvent porte un nom et dont la lutte en vient à se terminer par des actions réalisées uniquement pour défendre le statut créé dans son entourage, ainsi que pour le perpétuer dans le temps. C’est là que commence la mythification, arme des progressistes intelligents au service de l’État/Capital, pour condamner à l’oubli, bien rangées dans l’Histoire, des luttes et des modes d’intervention qui derrière des perspectives claires ont pu devenir une menace réelle pour l’État. Et par menace réelle nous ne faisons pas allusion à un groupe de spécialistes. Ces progressistes ont l’habitude d’écrire des livres ou de faire des documentaires pour qu’ensuite les consommateurs les voient comme “quelque chose” qui s’est passé et qui n’aura plus jamais lieu, se cantonnant encore plus au rôle de spectateurs. Mais malheureusement pour nous ce sont souvent les compagnons eux-mêmes qui y contribuent, et transforment en mythe nos actions et nos façons de nous organiser.

Considérer la logique clandestine comme étant une base, en plus de nous éloigner de la réalité et de la réalité des luttes, nous amène aussi à une position de délégation et nous finissons par tomber une fois de plus dans une sorte de division du travail révolutionnaire ou bien dans la spécialisation. Quelques-uns pour éditer des livres, pour tenir des squats ou des bibliothèques anarchistes, et d’autres pour attaquer l’État spécifiquement avec du feu et des explosifs ! Parce que certains ont des capacités et une force que d’autres n’ont pas ! L’avant-garde commence ! Et en général cela amène à ce que les décisions ne soient pas prises par l’individu à la première personne, mais par l’idéologie ! Ça n’est pas ça l’idée de rupture et de destruction que nous proposons.

Cependant, nous disions quelques lignes plus tôt que lorsqu’on a bien en tête ces deux situations (ce qui dans la pratique est difficile à conjuguer, d’autant plus à cause du niveau de contrôle que l’État a obtenu grâce aux technologies…) nous comprenons que l’utilisation des armes, se cacher le visage, utiliser parfois une manière de faire les choses qui pourrait être définie comme tactique de guérilla, est une arme à double tranchant. Un des tranchants de ce canif réside dans ce qui peut être favorable et utile pour attaquer l’ennemi, bien sûr en gardant en tête que tout cela (les bombes, le feu, les armes, les cagoules, etc) n’est que des instruments utilisés pour mener à bien la lutte, des instruments pour l’attaque, et que nous ne voyons pas de raison de leur vouer un quelconque culte. Parce que nous avons aussi conscience que l’attaque ne se réalise pas uniquement avec les armes à feu, le feu et les explosifs mais aussi avec les armes de la critique, de l’analyse, de la réflexion et plus encore avec notre conflictualité individuelle, notre rupture avec la société et notre intervention réelle. Parce que l’insurrection ne se résume pas par l’attaque armée en elle-même, ça en fait partie. Parce que l’insurrection dont on parle est aussi dans nos vies quotidiennes, l’authentique terrain de la guerre sociale, et ne se terminera qu’une fois la liberté obtenue. L’insurrection est une lutte qui se mène chaque jour et pas seulement lorsque l’on sort la nuit pour réaliser des actions, ou lorsque l’on va à la manif du 2 octobre ou du 1er décembre. On ne peut pas être soumis à une sorte de calendrier révolutionnaire, et on ne peut pas non plus attendre le prochain soulèvement pour contribuer à une insurrection généralisée. Ainsi le second tranchant que nous mentionnions quelques lignes avant, correspond aux moments où l’on ne sait pas bien gérer ces situations (ouvert-fermé) et où cette arme se retourne contre nous et nous finissons par être exactement ce que l’anarchisme rejette. Nous courrons alors le risque de tomber dans des positions d’avant-garde armée, de groupe unique, de militarisation et de spécialisation. Et c’est alors que vient le culte des armes, de la cagoule, de la supériorité des forces, que commence « l’isolement stratégique », les prisonniers politiques. Ce qui en même temps amène à des façons de s’organiser contraires à l’idéal anarchiste et on finit par tomber dans une ambiguïté qui demande ensuite un gros effort pour en sortir.

 Malheureusement une chose nous amène à une autre, et dans cette logique clandestine ou de lutte armée que certains compagnons ont développé, rentre en compte le culte de la charogne ou de la personnalité. À diverses occasions déjà, et même depuis les plate formes, cette critique a été faite contre certaines pratiques de groupes qui se revendiquent informels. Revendiquer (précisément revendiquer) des actions au noms de compagnons qui sont morts au combat (et ça sur certains points on peut le comprendre), ou pire, avec des noms de compagnons qui ne sont même pas morts, qui sont en prison ou en cavale. Comme récemment on a pu voir une cellule d’action de la FAI/Fraction Informelle Australie qui porte le nom de la compagnonne Felicity Ryder [2]. En nous basant seulement sur les mots que nous pouvons lire dans les communiqués nous voyons clairement qu’il y a une sorte de nostalgie ou de regret, ce que certains compagnons pourraient expliquer par des liens d’amitié ou des souvenirs des nôtres. Et donc à ce moment-là on se demande quel est l’objectif ? Culte ou solidarité ? Exaltation de la personne ou solidarité ? Pourquoi certains sont considérés comme exceptionnels et d’autres non ? Et c’est comme ça qu’on voit une nouvelle vague de groupes qui tout en se revendiquant anarchistes gardent une logique d’organisation plus proche des groupes de guérilla traditionnels. Ainsi il y a des commandos de tel nom, ou des fronts armés avec tel autre nom. Une logique et un langage de lutte armée qui ressemblent plus aux guérillas latino-américaines et européennes des années 70, malgré la façon anarchiste de s’organiser (toujours sous la critique et le changement, car informel), d’autant plus lorsqu’ils se disent individualistes ou anti-orga.

Voici jusque là quelques points sur le premier thème sur lequel nous pouvons avoir une base pour réfléchir. Nous disons que c’est le premier en pensant développer plus tard, dans un texte et tout au long de cette publication, quelques perspectives sur la lutte armée depuis l’anarchisme, quelque chose que nous avons évoqué superficiellement ici, en traitant le thème de la clandestinité, parce que précisément dans ce texte nous parlons de la clandestinité comme “voie de lutte”. Aussi, pour contribuer au débat il y a la traduction du texte « Sur l’anonymat et l’attaque », qui de la même façon cherche à prendre part à tout ce que nous avons tenté de définir ici.

Avant de finir nous voudrions dire que malgré la critique nous ne méprisons pas les actions que fait la CCF/FAI ou n’importe quel autre noyau d’action de ce genre. Bien au contraire, nous apprécions n’importe quelle action et geste de solidarité parce que pour nous ça fait partie du projet de destruction de l’État/Capital et aussi du projet anarchiste international. Par contre c’est certain qu’il y a encore beaucoup de choses à débattre et tout au long de ce chemin nous allons le faire. Nous voulons aussi préciser que la mention de noms de compas ne part pas d’une intention d’attaque, nous les avons utilisés juste pour donner des exemples.

La rédaction

Mai 2014


Notes:
1- Nous devons préciser que ce que nous percevons c’est ce que nous pouvons lire dans leurs communiqués sur internet, ou dans les entretiens avec certains d’entre eux publiés dans le livre « Que la nuit s’illumine », compilé par le compagnon Gustavo Rodriguez et édité par l’Internationale Noire.

2- Lorsque nous mentionnons le nom de F. Ryder c’est seulement pour illustrer ce que nous voulons dire, à aucun moment ça n’est une intention d’attaque, que ça soit clair !

Revista Negación

Mode ou rébellion ? Rébellion ou mode ?

brujita

L’arme la plus importante du révolutionnaire, c’est sa détermination, sa conscience, sa décision de passer à l’acte, son individualité. Les armes concrètes sont des instruments, et, en tant que tels, ils doivent constamment être soumis à une évaluation critique. Il faut développer une critique des armes.  […] La lutte armée n’est pas une pratique définie uniquement par l’usage des armes. Elles ne peuvent représenter, par elles mêmes, la dimension révolutionnaire.

Alfredo Bonanno, La joie armée

Les défenseurs de l’ordre existant et de la paix sociale s’obstinent à rejeter les expressions de révolte anarchiste de nos chapelles malgré les temps qui courent, où la conflictualité sociale est sur le point de déborder du fleuve. Les discours faciles, bourreaux de l’insurrection émergent de partout. Ceux qui manquent de perspective et qui n’ont aucune critique propre n’ont d’autre choix que de réduire ce qu’ils ne peuvent contrôler en une simple mode. Il est vrai qu’à certains moments, certaines expressions de révolte peuvent se reproduire entre elles sans aucune perspective, seulement par simple imitation ou encouragées par le raz-le-bol de survivre à ce spectacle mercantile qu’ils appellent vie. Mais même ainsi, certains aspects restent positifs, et ça n’est pas la révolution qu’ils se représentent dans leurs schémas rigides, mais des moments de rupture qui peuvent dévier vers une insurrection consciente d’elle-même, et qui prennent forme dans le processus d’insurrection même.

Les mots manquent aux pacificateurs pour expliquer les raisons de leurs refus, alors qu’à l’inverse quand ils s’agit de verbiage ils ne sont pas en reste. Ce qui ne vient pas de leurs rangs ils ne l’appellent plus provocation, mais mode. Ce qui dépasse leurs discours conformistes, pacificateurs et commodes c’est simplement une mode. Ce qui ne sent pas la Fédération, plate-forme ou alliance c’est simplement une mode. Ce qui critique y compris l’organisation armée traditionnelle et propose à la place de sortir dans la rue pour exprimer de mille et une façons la rage irrépressible, c’est simplement une mode, ou bien ça n’a aucune perspective ou encore “ça ne va pas marcher”, puisqu’on dirait que tout devrait être soumis à la compétitivité militaire. Ceux qui ne se contentent pas “d’attaquer durant la nuit sous le clair de lune” mais au lieu de ça cherchent à avoir une incidence, en partant de leur individualité et en plein jour, sur le marais de la conflictualité sociale émergente, sont simplement à la mode. Ceux qui ne voient pas l’anarchie comme un militantisme rigide ni comme une idéologie politique, mais au contraire y voient la joie de vivre, sont simplement à la mode, parce que leur anarchie a l’air puérile aux yeux de la professionnalisation intellectuelle de certains.

Les pacificateurs du conflit social et individuel, fidèles amis de l’ordre étatique n’ont plus aucune créativité pour débattre sur le but de la lutte anarchiste, des méthodes ou des moyens dont les révolutionnaires se servent pour rendre possibles leurs désirs. Au lieu de cela ils réduisent tous bourgeons de rébellion, quand bien même il seraient discutables, à une mode. Si les jeunes et les vieux conscients d’eux-même sentent que c’est le moment aujourd’hui et qu’ils se lancent tous dans la bataille, pour eux, les faux critiques de l’existant, la raison est que la révolte collective ou individuelle est devenue une mode. Ceux qui se cachent le visage pour protéger leur identité d’une façon minimale face à une possible répression de l’État, mais aussi pour éviter de “personnifier” la révolte, sont donc aussi à la mode. Pour eux même être prisonnier “politique” est à la mode, au lieu d’être une conséquence presque inévitable de la lutte contre le pouvoir. Le besoin d’attaque, d’étendre le conflit social sur un plan plus vaste, de contribuer à une sortie insurrectionnelle est pour eux simplement une mode. Soit, que ce soit une mode, si leur rigidité le désire ainsi, mais une mode qui dans la pratique et dans la théorie a dépassé les limites de la “théorie traditionnelle anarchiste”.

Alors que veulent-ils ? Quelle est cette révolution sociale qu’ils clament tant ?
L’insurrection n’est pas parfaite, c’est un processus douloureux et violent. L’insurrection n’est pas un chemin de roses et n’est pas non plus une expression militaire, mais elle est sociale. Les moments insurrectionnels (petits ou grands, individuels ou collectifs, et qui ont toujours précédé les grandes révolutions) peuvent survenir suite à une série de modestes et constantes interventions et un travail permanent des révolutionnaires sur le terrain, qui en dialogue avec différents “moments clés”, peut dépasser la rage, et qui est ce qu’on appelle la méthode insurrectionnelle. Ou alors l’insurrection peut nous prendre par surprise, mais dans n’importe quel cas elle ne sera jamais “préparée a priori“, mais simplement présente et ne nous garantit rien de certain. Ainsi, il vaut mieux agir que de se contenter de parler.

Ça n’est que pour ceux chez qui on trouve dans les théories une rigidité et une “perfection” de la méthode révolutionnaire, que les bourgeons insurrectionnels et les expressions de révolte individuelle ou collective qui sortent de leurs critères peuvent être réduits à une mode de jeunes, en plus d’être, selon eux, dépourvue de sens et de perspective.

Par les temps qui courent, le conflit social est brûlant et ne peut être soumis aux limitations et contradictions qui en soi sont une partie inséparable de toute organisation armée et guerrière, y compris “noire”. Par conséquent il ne peut pas non plus être soumis à celles d’une organisation de synthèse anarchiste qui cherche simplement à gagner des adeptes et étouffer tout bourgeon d’insurrection. Il y a une longue mèche qui emmène à une poudrière et personne ne peut la contenir. L’insurrection n’a pas de sigles ni de représentations spectaculaires qui arrivent à faire partie du marché des organisations armées, du contre-pouvoir, que ce soit ERPI, EPR ou TDR-EP [1] et plein d’autres encore. Pour les anarchistes, l’insurrection collective est anonyme parce que des individus y participent et pas des masses, tout comme n’y participent pas les organisations représentatives d’aucune sorte qui cherchent à représenter la rage des exploités, exclus et auto-exclus et l’attirer vers ses versants pour ainsi marquer l’histoire. Tomber dans cela c’est simplement dégénérer dans la politique de la représentation et de la réussite, qui sont le produit de la compétitivité du système.

La guerre sociale est en cours et c’est en elle que nous trouvons les gens avec qui nous avons des affinités, les créatures désenchantées du supposé bien-être social. Qui plus que de simples indignés, sont des êtres enragés qui en ont marre de voir la vie passer devant leurs yeux sans une minime intervention de leur part.

Ainsi, pour les pacificateurs de l’insurrection il est important d’injecter à temps l’antidote à la rage, avant que ce virus ne se propage et se transforme en épidémie et en pandémie.

Comme les nouveaux Tigres de Sutullena [2] qu’ils sont, mais hors contexte, ils cherchent à assassiner littéralement et métaphoriquement un certain insurrectionnalisme qu’ils pensent connaître à la perfection. Sans aucun argument basé sur notre propre réalité et expérience ils évoquent les vieux tigres espagnols pour expliquer à leurs “sujets fédérés” les maux de la lutte anarchiste locale qui ne se soumet pas à leurs limitations. La supercherie est leur meilleure arme et une mode anti-mode est simplement ce qui est en train de devenir à la mode.

La guerre sociale est présente, elle émerge des entrailles de la déception et du mécontentement social. Elle émerge aussi de la rage déchaînée d’individus désireux de liberté. Les fameuses conditions sont sur la table. Alors qu’est-ce qu’on attend ? Allons dans la bataille, mais avec les yeux bien ouverts. Déchaînons nos désirs, notre destruction créatrice. Faisons en sorte, depuis notre individualité, que ce conflit se propage, que les limites des pacificateurs soient dépassées, que leur mode anti-mode soit dépassée ainsi que tout discours modéré issu de ceux qui dans le fond n’ont d’autre intérêt que de maintenir l’ordre. Mais dépassons aussi toute revendication. La révolution est ici et maintenant.

Et même si la rébellion n’est qu’une mode pour eux, pour nous elle peut être le début d’une expérience absolue de liberté et on ne se contentera pas de moins que ça.

Quelques compagnonnes et compagnons anarchistes de la région mexicaine.
Novembre 2014

source

 


 

[1] ERPI (Armée Révolutionnaire du Peuple Insurgé), EPR (Armée Populaire Révolutionnaire) ou TDR-EP (Tendance Démocratique Révolutionnaire- Armée du Peuple)

[2] voir ici

Sentences pour Amélie, Fallon et Carlos [actualisation]

tumblr_m4j7ie0NN61qcv4xpo1_500Le 31 octobre Amélie, Fallon et Carlos ont été jugé-e-s au cours d’un procès fédéral pour destruction de bien d’autrui sous la forme de l’incendie. La sentence qui leur a été dictée est de 7 ans et 6 mois. Leurs avocats vont faire appel dans un délai de 15 jours.
La sentence du procès local pour atteinte à la paix publique et dommages n’a pas encore été dictée.

Solidarité avec Carlos, Amélie et Fallon !
À bas les murs des prisons ! Liberté pour tous !

Abajo los muros


Le 6 novembre la sentence est tombée dans le procès qui dépend de la juridiction locale pour atteinte à la paix publique et dommages aggravés en bande (l’attaque sur le concessionnaire Nissan).

La sentence est de 2 ans, 7 mois et 15 jours de prison, en plus de devoir payer une réparation de dommage de 108 mille pesos.

Les avocats vont faire appel de cette décision.

Abajo los muros

Répression et luttes continues au cours des dernières années

tempete__007859300_1011_03022009Fragments d’un parcours répressif

La construction de l’ennemi interne par l’État chilien après son réajustement démocratique a subi plusieurs changements, nuances et réinventions de la part des puissants et des services d’intelligence destinés à freiner ceux qui ont déclaré la guerre à l’État et toute autorité.

La DINA (Direction d’Intelligence Nationale) et la CNI (Centre National d’Intelligence) des années 70 et 80 ont fait la place à La Oficina dans les années 90 qui à son tour a crée l’ANI (Agence Nationale d’Intelligence) au cours des années 2000, tandis qu’en parallèle, et dans une continuité répressive, les organismes DIPOLCAR (service d’intelligence de la police) et BIPE (Intelligence de la Police Scientifique) continuent jusqu’à nos jours d’être imparables dans leurs agissements contre-insurrectionnels .

Depuis les années 2000 jusqu’à maintenant une série d’attaques explosives, incendiaires et des pratiques de violence exercées par des groupes et individus anarchistes commencent à donner forme à la notion « d’ennemi intérieur », en parallèle avec le cas des paysans mapuches qui ont décidé de récupérer leurs terres et leurs vies dans un affrontement ouvert avec l’État chilien.

Déjà en 2006 le pouvoir commençait à percevoir comme une menace la continuité, insistance, intensification et expansion d’attaques explosives qui au fil des années se sont répandues sur le territoire chilien. Ce pour quoi l’administration répressive a commencé en 2008 à désigner des juges spécifiques pour regrouper et traiter les cas de placement d’engins explosifs. En même temps, des actions de lutte dans la rue se déroulent régulièrement et à travers la presse apparaît la figure de l’ « encapuchadx », cible à attaquer et poursuivre. En parallèle se développent et se renforcent une diversité de collectifs, squats et centres sociaux qui diffusent des idées et pratiques anti-autoritaires, et qui au cours des années commenceront à être sous surveillance et harcelés par le pouvoir.

Dans ce contexte (2006-2008) les campagnes médiatiques du pouvoir essaient d’identifier des suspects pour les attaques explosives et leurs connections, jusqu’à ce que survienne la dramatique mort du compagnon Mauricio Morales le 22 mai 2009 alors qu’il transportait une bombe près de l’école de gendarmerie, déchaînant ainsi l’hystérie des flics et juges qui dans leur festoiement donnent un nouveau souffle à l’enquête en connectant les attaques avec les squats et les centres sociaux anti-autoritaires.

En juin 2009 l’enquête dispose d’un mandat d’arrêt contre le compagnon Diego Ríos, pour possession d’explosifs (mais l’arrestation n’aura jamais lieu), et d’un renvoi de condamnation contre Cristian Cancino pour possession de poudre noire au cours de la perquisition postérieure à la mort du compagnon Mauricio Morales, à la suite de quoi il y a un changement de juge dans une tentative désespérée de trouver des responsables.

Fixant un calendrier et déchaînant une nouvelle chasse, cette fois dirigée par le Parquet Sud, en août 2010 il y a des perquisitions et des arrestations massives pour le dit « Caso Bombas ». La manœuvre de la police et des juges commence par la détention de 14 personnes et une compagnonne part en cavale, desquel-le-s 10 restent en prison, et finalement seulement 5 d’entre eux/elles passent en procès, étant acquitté-e-s en 2011. Mais même si le procès n’a pas abouti à des condamnations judiciaires, il a réussi à générer une vague de menaces et un climat de peur dans les milieux anarchistes.

La répression a continué d’engloutir des compagnon-ne-s en prison en 2011. Le compagnon Luciano Pitronello est gravement blessé suite à l’explosion accidentelle d’un engin explosif qu’il installait sur une banque Santander en juin de cette année là. Quelques mois plus tard, en novembre, Hans Niemeyer est arrêté à quelques mètres d’une explosion sur une banque BCI. Puis en avril 2012 les compagnon-ne-s Carla Verdugo et Ivan Silva sont arrêté-e-s lors d’un contrôle policier routinier durant la nuit alors qu’ils transportaient un engin explosif. Chacun d’entre eux/elles, après avoir affronté la prison, ont différentes condamnations en rapport avec la loi de contrôle des armes. Postérieurement, en février 2013, le jour où une attaque contre le commissariat de la Vizcachas a lieu, Victor Montoya est arrêté, et doit faire face à un procès suite à l’annulation de son acquittement. La preuve principale contre Victor ce sont des « témoins sous x » qui soit disant l’ont vu se promener en voiture près du commissariat.

À des kilomètres de distance de là, les compagnon-ne-s Mónica Caballero et Francisco Solar, acquitté-e-s dans le Caso Bombas, sont arrêté-e-s en Espagne en novembre 2013, accusé-e-s d’une série d’attaques explosives contre des églises. Les photos et une bonne partie des infos sur leurs antécédents qui sont dans leur dossier sont fournis par le chef de l’ANI, Gonzalo Yussef, qui a voyagé spécialement jusqu’en Espagne afin de collaborer avec la police dans l’arrestation des compagnon-ne-s.

Dans aucun de ces cas les personnes arrêtées ont accepté les propositions du parquet pour faire des procédures abrégées, et elles n’ont pas non plus été condamnées sous la loi antiterroriste.

En plus de tout ça, en décembre 2013 au cours d’une tentative d’expropriation d’une banque Estado, le compagnon anarchiste Sebastián Oversluij meurt sous les balles d’un misérable gardien de banque. Dans les environs deux de ses compagnons sont arrêtés, qui après 6 mois de prison préventive peuvent sortir en acceptant une procédure abrégée. Et en janvier 2014 la compagnonne Tamara Sol Vergara est arrêtée pour l’attaque armée contre un gardien d’une autre succursale de la Banque Estado.

Il est important de signaler que dans tous ces cas mentionnés les arrestations de compagnon-ne-s portant des engins explosifs au Chili ont été marquées par la chance des policiers et/ou par des accidents au cours de la manipulation de ces engins, et dans aucun cas par les enquêtes ou le travail d’intelligence. Dans une tentative de frapper des milieux de lutte plus larges et divers que la seule pratique des attaques explosives/incendiaires, les organismes répressifs et les persécuteurs du Parquet Sud sont encore blessés dans leur fierté suite à l’acquittement des accusé-e-s du Caso Bombas et l’impossibilité d’obtenir une condamnation sous la loi anti-terroriste, restant sur leur faim de revanche et d’un besoin d’étaler une fausse victoire dans les opérations répressives à venir. Cela ils le savent très bien et dans leur frustration impuissante face à l’apparition de nouvelles attaques ils se replacent, créent de nouvelles brigades spécialisées, recréent le climat propice pour préparer les prochains coups répressifs.

L’ennemi se réorganise …

Cependant, sous-estimer tout ce qui a été dit avant reviendrait à sous-estimer l’ennemi et à ne pas réaliser jusqu’où il peut pointer ses dards actuellement. Si les réussites que les services d’intelligence ont obtenu proviennent de situations fortuites dans lesquelles des compagnon-ne-s ont été emprisonné-e-s, blessé-e-s ou morts en action, l’appareil du pouvoir a tiré des leçons de tout ça, tout comme de ses propres erreurs, et sera cette fois prêt à les appliquer afin de ne pas échouer dans son objectif : punir tous ceux qui font face au pouvoir.

Suite aux dernières attaques (engins incendiaires dans différents endroits de la ville, certains dans le métro) il y a eu des réunions des services d’intelligence avec un calendrier, afin d’obtenir des résultats, réorganiser leurs forces, et mettre en œuvre des politiques répressives qui permettent d’identifier et enfermer les supposés responsables.

Derrière le discours sur la sécurité nationale et la lutte contre la délinquance, le pouvoir essaie de convaincre la population du besoin d’une surveillance renforcée et injecte des moyens pour embaucher de nouveaux agents et de nouvelles technologies. Derrière ce même discours de dangerosité latente et d’insécurité quotidienne le pouvoir cherche à modifier son propre cadre légal en renforçant et en ajoutant de nouveaux éléments à la loi anti-terroriste, qui permettent cette fois de juger les responsables présumés, s’évertuant à classer les actions incendiaires et explosives comme attaques terroristes, afin d’obtenir des peines de prison effectives et exemplaires.

Le pouvoir se tire une balle dans le pied en ce qui concerne son discours sur le respect de la démocratie et des droits de l’homme, en cherchant à utiliser des agents sous couverture pour infiltrer et « désarticuler » les soi-disant groupes anti-système suite aux attaques, comme à l’ancienne mode de la dictature. Nous ne défendons pas la démocratie, nous ne voulons rien d’elle, nous savons que le pouvoir est pervers dans sa façon d’agir contre ceux qui se rebellent, et encore plus envers ceux qui l’affrontent directement, et donc attendre un comportement étique de la part du pouvoir ne sera jamais un choix pour nous.

Aujourd’hui les services de renseignement s’alimentent de nouvelles données, grossissant les dossiers avec lesquels ils articulent leurs hypothèses contre-insurrectionnelles : réseaux, liens, personnes et discours sont signalés. La presse étant de nouveau l’instrument de propagande qui laisse entrevoir des pistes de ce qui se trame en ce moment.

Tout comme en août 2010, ce qu’ils cherchent à frapper et exterminer va au-delà de quelques attaques incendiaires ou explosives. Ils ciblent chaque groupe de lutte qui se positionne en confrontation avec l’ordre existant.

C’est pour ça qu’une autre tactique des services policiers c’est de chercher à isoler les différents milieux de lutte en provoquant par la peur une cassure générationnelle qui porte atteinte à la continuité des expériences de lutte.

On sait que les policiers visibles réalisent des contrôles, interrogatoires sur des compagnon-ne-s plus jeunes, dans le but qu’ils arrêtent d’assister à des activités, ou de créer des liens avec d’autres compagnon-ne-s, preuve du style et des conseils des organismes de renseignement italiens (l’affaire Marini, l’affaire Cervantes). Ils savent qu’en effrayant les compagnons qui se rapprochent des idées anarchistes ou anti-autoritaires ils empêchent la continuité d’idées, pratiques et histoires de lutte pour la liberté, isolant les communautés de lutte actives.

Tout cela doit être considéré comme des manœuvres propres au pouvoir. En tant que guerriers nous devons avoir conscience de comment l’ennemi peut opérer, sans surdimensionner ni normaliser ses agissements. Nous ne devons pas baisser le niveau de notre discours en utilisant des expressions comme « arbitraire, abus de pouvoir », nous devons savoir lire le contexte.

Lorsque la marée monte, tous les bateaux ne s’élèvent pas …

… lorsque la répression guette ou frappe, certain-e-s cèdent et se noient, sont déchiquetés ou perdent le cap, complètement désorientés. C’est pour ça que ça nous semble important de ne pas seulement informer sur ce qui indubitablement a lieu en termes répressifs, mais aussi de nous affirmer pour continuer le chemin de la confrontation, parce que ça a toujours été le principe de la lutte, de ne jamais abandonner.

Les temps du pouvoir ne nous définissent pas, ni ses coups ou condamnations. Nous nous définissons nous-même dans l’univers des décisions de guerre que nous prenons. Nous sommes le poids indéniable de la cohérence entre l’acte et le verbe. Ainsi lorsque le pouvoir accélère le galop répressif, nos mots et convictions anti-autoritaires ne disparaissent pas camouflées. Au contraire, ils s’élèvent en nous guidant sur notre chemin.
Il s’agit donc de ne pas reculer, cédant le terrain à l’ennemi, aux puissants de n’importe quel uniforme ou métier. Il s’agit de ne pas invisibiliser ou normaliser les coups bas qui viennent de la répression, ni de tomber dans l’hystérie qui favorise la désertion et alimente la peur.

Nous assistons actuellement à rien de plus qu’à des pratiques continuelles du Pouvoir, qui sont perpétuées dans la mesure où il trouve des fissures par où s’attaquer aux compromis de guerre, d’abord ceux que l’ont fait envers soi-même et ensuite ceux que l’ont fait envers tous les compagnon-ne-s.

C’est pour ça que ça devient important de renforcer chaque espace/groupe arrachés aux logiques de la domination. Renforcer chaque pratique d’offensive, consolider les liens entre compagnon-ne-s et étendre les réseaux de complicité.

C’est important de s’attendre à l’attaque répressive et de prendre les mesures nécessaires, mais de ne jamais se laisser vaincre en laissant place à la dissociation ou en se taisant. C’est comme ça qu’on reste unis en tant que milieu diffus, en respectant l’autonomie de chacun mais en partageant la force commune contre le pouvoir. Il s’agit de nous renforcer, de devenir plus unis, convaincus et clairs que dans la lutte contre le pouvoir il n’y a pas de temps mort. Ainsi les coups répressifs, menaces ou pièges de toute sorte non seulement n’atteignent pas leur objectif, mais au contraire alimentent nos certitudes contre l’autorité.
Continuer d’exister en étant fermes, convaincus et en contribuant à la révolte par l’acte concret, c’est en soi une victoire qui désactive le mécanisme crée pour nous arrêter.

La tension de la guerre sociale monte, et avec elle nos contributions montent et s’enrichissent aussi. Nous ne demandons ni espérons des « garanties démocratiques » de la part de ceux qui veulent anéantir la présence de ceux qui défient l’ordre imposé. Nous voyons le combat comme faisant partie d’une histoire continue de lutte, où un pas d’offensive ou un recul configurent des scènes futures, et il faut être conscient du rôle que chacun joue.

Ainsi lorsque le face à face arrive avec l’ennemi, nos convictions nous font garder la tête haute, jamais soumis, jamais vaincus.

Sans peur des menaces, perpétuant la pratique de la lutte pour la libération totale.

Courage compagnon-ne-s, ils ne pourront pas nous arrêter …

Contra toda autoridad

 

L’action et la solidarité sont urgentes, le reste n’est que prétexte

sol

Réflexions sur l’avancée de la répression au Chili. Diffusant la solidarité avec Juan, Nataly et Guillermo.

1. Nous y revoilà. Parce que la guerre continue.

Suite à un cycle d’actions de rue, de manifs et d’expansion des conflits sociaux au Chili, le pouvoir a cherché à créer des mécanismes qui favorisent la continuité et le renforcement du modèle de domination démocratique.

Afin d’éviter que les fissures ne s’étendent dans l’ordre social remis en question, ou deviennent plus profondes, le gouvernement en place a déployé diverses tactiques qui lui permettent d’étouffer progressivement le mécontentement. Ainsi aux mobilisations massives qui ont remis en question le modèle économique et social crée sous la dictature, il a répondu par des propositions de réformes sociales qui récupèrent les slogans des mouvements de protestation pour les inclure dans des solutions modelées par l’État. Face à la critique contre « l’élite politique » il a répondu en « ouvrant »  des sièges parlementaires à des dirigeants sociaux et étudiants. Face à la critique qui dit « la vieille politique à portes fermées » il a organisé des tables de négociation avec des organisations citoyennes pour discuter des demandes et renforcer l’image démocratique et participative de l’État. Ce qui parmi d’autres mesures cherche à augmenter le consensus social, affaiblir la remise en question de l’ordre dominant et assurer un nouveau cycle de gouvernance pour le pays.

Mais en prévenant de futures crises du modèle de domination capitalisto-démocratique, cet « agenda social » de l’État s’est développé en parallèle d’une politique répressive destinée à isoler et punir les secteurs radicalisés qui propagent la non-négociation, l’intransigeance et l’affrontement avec l’ordre existant. D’autres compagnon-ne-s ont déjà esquissé tout ça  depuis quelque temps.

Nous nous voulons approfondir sur un aspect en rapport avec ce dernier point, qui a à voir avec la configuration d’une nouvelle politique contre-insurrectionnelle destinée à l’annihilation de toute remise en question radicale du pouvoir, et qui a aujourd’hui comme priorité politique et expérimentale l’offensive contre le milieu anarchiste le plus combatif, c’est à dire celui qui mise sur l’insurrection et l’offensive multiforme contre toute forme d’autorité. Ce milieu dont nous venons en tant qu’individus qui luttent pour la liberté et en tant que noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande.

Dans ce texte on prend le temps de réfléchir. On ne veut pas répéter des choses déjà dites, mais réaffirmer nos positions de guerre en exprimant notre situation en plein dans un nouveau contexte de répression qui va crescendo. Nous croyons que c’est un moment clé dans la continuité de la lutte contre l’ordre social capitalisto-autoritaire sur notre territoire. C’est pour ça que c’est important de se donner le temps et d’analyser la réalité dans laquelle on vit pour favoriser l’expansion de l’attaque multiforme contre le système de domination et affiner nos positions parmi ceux qui le combattent.

C’est pour ça qu’avant tout, ces idées que nous exprimons ici surgissent à la chaleur de la pratique de l’anarchie et cherchent surtout à réfléchir sur « comment continuer », pour ne pas tomber dans l’immobilisme que cherche à obtenir l’ennemi, ni dans les lectures simplistes qui se laissent dépasser par un contexte en changement et dynamisme permanent.

2. Le pouvoir démocratique au Chili et ses avortons contre-révolutionnaires.

Dans le but d’éviter une crise de l’ordre institutionnel et afin de s’assurer un nouveau cycle pour le modèle de domination démocratique, la politique actuelle contre-insurrectionnelle de l’État chilien a commencé à élaborer des commissions et des sommets de sécurité en prenant comme excuse la nouvelle vague d’attaques incendiaires-explosives qui en 2014 ont été en augmentation en comparaison avec les deux dernières années.

Récupérant l’enseignement répressif des dictatures civico-militaires de la dernière moitié du siècle et sa continuité sous des régimes démocratiques, l’État chilien se sert de sa propre expérience, avec ses réussites et ses erreurs, dans la désarticulation de la subversion marxiste d’abord, et ses tentatives d’anéantir l’insurrection autonome anti-autoritaire plus récemment. En associant des méthodes anciennes avec des nouvelles, le pouvoir est en train d’engendrer une nouvelle politique contre-insurrectionnelle qui a recours à différentes tactiques déjà connues, et qui aujourd’hui sont configurées dans un modèle applicable aux nécessités actuelles du pouvoir.

En ce qui concerne la répression sélective envers des groupes belligérants spécifiques dans le présent et envers ceux qui peuvent apparaître à l’avenir, l’État chilien est en train de reconfigurer et de renforcer ses appareils d’intelligence, en cherchant à donner plus de pouvoir à ses policiers et en incorporant la figure de l’agent sous-couverture pour infiltrer des groupes antagoniques au système, en donnant la priorité à ce qu’ils appellent « l’anarchisme insurrectionnel ». Par là ils cherchent à obtenir des informations sur les milieux de lutte, cherchant des preuves pour mettre des compagnon-ne-s en taule. Ils cherchent aussi à encourager le développement d’opérations armées incitées par des agents sous couverture et « menées » par la police qui jette des compagnon-ne-s dans les griffes de la répression. Avec ça ils cherchent aussi à susciter la méfiance entre compagnon-ne-s, l’isolement entre groupes et l’affaiblissement moral et matériel des forces hostiles au pouvoir.

À côté de ça l’appareil répressif dans sa dimension juridique se renforce, pour appliquer toujours plus d’années de prison à ceux qui sont arrêtés au cours d’actions de violence antagonique, renforçant la loi de contrôle des armes et blindant la législation anti-terroriste au maximum, en misant sur le fait que dans le futur n’importe quel agissement qui mette en danger la stabilité de l’ordre social puisse être écrasé par la machinerie légale du pouvoir.

Tout cela a été modelé au cours des derniers mois avec un déploiement médiatique qui cherche à dégager le terrain pour les agissements des forces répressives, suscitant la panique collective face à la figure crée du « terroriste », provoquant le consensus afin que la répression progresse sans remise en question de la part de la population. Par le bombardement médiatique d’images et de gros titres de presse sur le « danger terroriste », le pouvoir tente de vider de son contenu politique et révolutionnaire n’importe quelle revendication qui accompagne l’action violente contre l’ordre établi.

Cette manœuvre déjà connue mais favorisée par l’actualité ne place plus les médias de masse comme de simples outils pour les plans du pouvoir mais comme une nouvelle armée d’occupation destinée à pénétrer dans les esprits et les comportement des masses.

3. Au sujet d’une action qui a provoqué des débats pour affiner nos objectifs.

Comme on le sait, le 8 septembre dernier un extincteur avec de la poudre noire a explosé dans les couloirs d’une galerie commerciale d’une station de métro dans la commune de Las Condes. Cela a provoqué une grande confusion parce que 14 personnes ont été blessées, ce qui a facilement été récupéré par le pouvoir pour alimenter l’hystérie « anti-terroriste » et insérer à travers le choc l’idée que le terrorisme « est  au coin de la rue ».

En ce qui concerne l’action, d’autres compagnon-ne-s se sont déjà exprimé à ce sujet, surtout dans le laps de temps où l’attaque est restée dans l’anonymat et que le pouvoir profitait bien des conséquences de ce fait. Mais ensuite l’action a été revendiquée par un groupe anarchiste qui a déclaré avoir averti la police quelques minutes avant car ils n’avaient pas d’intérêt à blesser des passants, dégageant un peu les doutes qu’il y avait.

Sur cette action et sa revendication, nous partageons son objectif de frapper les puissants et de ne pas blesser les passants, mais nous posons clairement que ce genre de lieu n’est pas un repaire de puissants, et que la sécurité prise au préalable n’était pas suffisante.

Débattre sur le premier point, sur le lieu choisi, est en rapport avec le débat sur les objectifs de notre lutte : qui est notre ennemi et comment le frapper, comment nous envisageons l’offensive dans l’espace-temps, quels outils nous utilisons, quand et où, etc. Ça concerne le milieu anarchiste, anti-autoritaire et anti-capitaliste-autonome en général, car le débat et la réflexion sur nos pratiques multiformes est un outil indispensable pour parfaire nos positions de lutte, remplir nos vides discursifs et dépasser les faiblesses que chacun d’entre nous peut avoir.

Mais d’un autre côté il y a aussi un cadre qui fait partie de la lutte multiforme mais qui se trouve plutôt en rapport avec l’aspect opératif des actions menées par les groupes d’action directe : comment se déplacer dans la ville au cours d’une action, comment ne pas laisser de traces, des mesures de sécurité opérative, etc. À ce sujet nous insistons pour dire que cela regarde ceux qui réalisent ces actions ou désirent participer à leur développement, et pas ceux qui critiquent par des discussions de bistrot en pointant du doigts les « erreurs » d’autres mais sans risquer ni une portion minime de leurs vies dans la lutte multiforme contre le pouvoir.

4. La solidarité avec les compagnon-ne-s en prison est une action urgente. Le reste n’est que prétexte.

Tandis que tu lis ça trois compagnon-ne-s sont aujourd’hui emprisonné-e-s, accusé-e-s d’avoir participé à plusieurs attaques explosives.

Tout l’appareil juridique, policier et journalistique au service du pouvoir s’est rué sur les vies de Juan, Nataly et Guillermo, arrêté-e-s le 18 septembre au cours d’une nouvelle opération répressive télévisée. Ils n’ont pas encore émis de communiqués publics mais ils ont fait preuve de défiance face à la police et à la presse. Pour l’instant on se contente de ça. Peut-être que plus tard, lorsque leurs positions seront connues, on se sentira plus, ou moins, en affinité avec eux, mais aujourd’hui la solidarité avec les trois compagnon-ne-s est urgente et n’accepte aucun faux prétexte.

« J’ai du mal à être solidaire avec eux parce que je ne me retrouve pas dans l’action dont on les accuse », pourraient dire certains, partant de l’erreur de considérer les compagnon-e-s « coupables ». « Il faut d’abord attendre leurs communiqués publics pour être solidaires », pourraient proposer d’autres, comme si l’image de Juan criant « à bas l’état policier » ne nous suffisait pas, tout comme celle des deux compagnon-ne-s sortant la tête haute du commissariat pour être formalisé-e-s sous les charges de terrorisme.

Notre solidarité envers Juan, Nataly et Guillermo est une solidarité envers des compagnon-ne-s, et pas de simples individus, dont les vies ont été mises en prison en conséquence d’un coup du pouvoir afin de désarticuler tout type d’opposition à l’ordre de domination.

De plus, dans un contexte dans lequel l’ennemi cherche à se renforcer, la solidarité envers les compagnon-ne-s en prison doit être assumée comme faisant partie de notre responsabilité individuelle et collective en tant que protagonistes d’une lutte continue et multiforme qui refuse de se taire face aux offensives du pouvoir.

Et c’est l’action offensive et solidaire, et pas les critiques dans son petit confort, qui nous permettra de surmonter des moments adverses et de favoriser la continuité de la lutte anti-autoritaire sur ce territoire.

5. Une fois de plus, nous surmontons les obstacles en affrontant le pouvoir par des actions multiformes. Nous sommes ceux qui ne se rendront pas.

Un milieu de lutte où le débat et la réflexion sont rares ou superficiels, où prime le copinage et l’auto satisfaction, où les bonnes intentions et les discours radicaux ne se transforment pas en pratiques concrètes, est un milieu de lutte destiné à être facilement détruit dans ses convictions et perspectives d’action.

Nous disons cela parce que nous croyons qu’aujourd’hui il est urgent de dialoguer et réfléchir entre compagnon-ne-s pour que la pratique anarchiste soit encadrée dans un processus dont les horizons de confrontation permanente fassent avancer la lutte en construisant des relations d’affinité réelle qui dépassent le copinage, où les compagnon-ne-s sentent l’urgence de l’action et donnent à leurs projets des perspectives qui cherchent la continuité du conflit malgré les coup répressifs.

Nous nous n’allons pas prendre peur et nous continuerons notre pratique de propagande, en diffusant des réflexions qui émanent de l’offensive anti-autoritaire. Nous continuerons d’intervenir dans les rues grises avec notre propagande, éditant nos publications intermittentes, provoquant des ponts de communication avec des compagnon-ne-s d’autres territoires à travers des traductions et des informations d’événements importants pour le débat fraternel et l’agitation solidaire avec les compagnon-ne-s prisonnièr-e-s. Nous ne retiendrons pas, ni d’un millimètre, la propagation de la confrontation contre le pouvoir dans la lutte pour la liberté, dans laquelle toutes les formes d’action, depuis la propagande jusqu’aux actions armées, sont une contribution si la destruction totale de la domination est posée.

Il est essentiel de prouver par nos agissements que la lutte continue, que rien n’a changé ici, que la lutte contre l’autorité n’est pas terminée tant que nous restons actifs et forts.

On peut rester dans le combat tant qu’on veut se battre, ceci étant particulièrement important aujourd’hui, comme à chaque moment la réflexion renforce les conviction, valeurs et idées menées à la pratique.

Aujourd’hui le moment nous exige une action offensive urgente matérialisée par l’agitation de rue, par l’accentuation de conflits qui remettent en question l’ordre social, par la propagande, le débat et la diffusion large de l’idée de la destruction du pouvoir, toujours en cherchant à répandre et renforcer des convictions, favoriser des liens d’affinité et des engagements de lutte, sentant le besoin de créer des groupes et s’organiser entre personnes en affinité pour modifier la réalité à partir d’une prise de position offensive de libération totale.

En somme, notre force individuelle et collective dans les temps à venir résidera dans la sortie pratique que nous donnons à un processus réflexif et autocritique nécessaire qui nous amène à acquérir ou à renforcer ces éléments, capacités, connaissances et expériences qui permettent de tenir une confrontation continuelle, une offensive permanente qui se nourrit des bonnes ou mauvaises réponses et qui ne s’affaiblit pas face à la répression, afin que notre offensive, et les compagnon-ne-s qui décident de lancer leurs vie dans la lutte multiforme contre le pouvoir, ne recommencent pas de zéro une fois de plus.

Ainsi, chaque jour notre vie en guerre est une énergie incandescente qui obstrue le flux de la domination.

Parce que la destruction de l’ordre existant dépend de nous.
L’action et la solidarité ne peuvent pas attendre.

Sin Banderas Ni Fronteras, noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande.
Chili, Octobre 2014.

Contrainfo

La neutralisation de la dissidence, du refus à la demande d’améliorations

sweetNous vivons une époque difficile, c’est clair. À première vue on ne voit aucune lutte qui puisse nous convaincre et même si nous ressentons le mal-être et le mécontentement social dans toutes les sphères du quotidien, nous voyons aussi le panel de thérapies que le système nous propose pour supporter ce qui devient insupportable : l’aliénation du contrôle sur nos vies et la solitude à laquelle nous lie l’individualisme exaspéré. Cela nous affecte, provoque de la souffrance, nous détruit.

Face à ça certain-e-s d’entre nous tombent dans l’activisme, dans le « faire quelque chose » même si c’est dans une optique d’auto-satisfaction face au sentiment d’impossibilité d’un changement réellement structurel. Le besoin de transformer une réalité qui nous étouffe nous amène trop souvent au « geste pour le geste », tombant souvent dans la sectorisation des luttes et dans la perte d’un discours radical, c’est-à-dire un discours qui agisse véritablement sur la racine du conflit et pas sur la diversité de ses manifestations.

La majorité des luttes sociales (ou vitales) commencent par un refus de la réalité, c’est-à-dire, le refus d’une réalité établie. Face à ça l’administration, l’État ou l’institution démocratique du système font l’impossible pour pouvoir diriger cette négation vers une proposition positive dans le but de comprendre le mal-être (et son origine) et ainsi de phagocyter la proposition critique, se rendant plus pervers et aimable; rendre chaque fois plus supportable la vie niée, sans que son hégémonie ne soient altérée. C’est-à-dire, sans que sa figure de père-protecteur ne soit remise en question.

Les faits prouvent cette mutabilité de l’État-démocratique et le phagocytage des luttes qui d’entrée affrontent son Pouvoir, et nous en avons une multitude d’exemple au cours du XXe et XXIe siècle. Tel est le cas des luttes anti-autoritaires débutées par Laing, Cooper ou Basaglia contre l’institution psychiatrique et contre la psychiatrie en général, et qui ont permis à ces institutions de se réformer jusqu’au point de rendre chaque fois plus invisibles ses perversions ainsi que l’adoption d’un discours anti-autoritaire jusqu’à le rendre inoffensif. On pourrait dire la même chose de Foucault avec le reste des institutions totales, ou encore de l’idée que l’école fasse du réformisme pédagogique et aille même à proposer la déscolarisation; tous ces cas ne devraient pas nous laisser indifférents. Tout cela parce que le discours est compréhensible par l’institution, est rationnel, et devient donc assimilable.

 À notre époque il se passe quelque chose d’identique. Des luttes naissent du refus de la réalité mais s’étiolent dès qu’elles cherchent à élaborer un discours compréhensible, dès qu’elles essaient de rationaliser une impulsion vitale (et habituellement irrationnelle, émotionnelle) comme l’est l’insoumission et la rébellion face à une injustice quelconque. Nous pensons que dans l’élaboration d’un discours ou dans l’articulation d’une émotion qui nous amène à dire « ça suffit » nous perdons de la puissance dû au fait que le monde que nous voulons transformer ne peut pas être transformé à partir de mots qui recréent ce même monde. Je ne dis pas par là que nous devons inventer un nouveau vocabulaire, rien de tel. Je veux juste dire qu’il faut redonner un sens aux mots et utiliser ceux que nous voulons utiliser et pas ceux que les médias ou autres nous font utiliser en leur faveur. Tout ça peut sembler abstrait mais ramenons-le à un cas concret : la lutte contre l’EES ( espace européen de l’enseignement supérieur) ou Processus de Bologne.

À l’origine le mouvement étudiant s’est déclenché face à l’imposition d’un nouveau plan d’études qui faisait un pas de plus dans le processus de libéralisation de l’Éducation Supérieure. Mais même si nous partagions un « NON » frontal face à ce processus, dès le premier jour de blocage dans le Rectorat Supérieur de la UB (NdT : Université de Barcelone) le discours a pris la forme d’une demande à l’administration, favorisée par la criminalisation de la part des médias de désinformation qui exigeaient que nous fassions une proposition pour ne pas être destructifs mais constructifs. C’est de cette manière qu’est arrivée la proposition : une demande de dialogue. Bien sûr face à ça l’institution voyait ses attentes satisfaites et nous demandait ce que nous voulions pour pouvoir faire une étude de nos réclamations. De cette façon nous avons commencé un dialogue impossible car nous savions (ou pressentions) que la situation d’asymétrie dans le conflit dans lequel on était impliqué permettait uniquement, d’un côté,  l’exercice du pouvoir, et de notre côté, de l’accepter. Face à ça on ne pouvait pas parler de dialogue mais de bavardage, et même ainsi on continuait de demander un dialogue en exigeant que ce soit un débat ouvert auquel participeraient tous les agents impliqués dans le futur de l’Université. La pantomime d’une Table Nationale pour l’Éducation, avec le spectacle de Blanca Palmada (alors Mandatée pour les Universités et la Recherche de la Generalitat [Ndt : le gouvernement catalan]), en plus d’un référendum frauduleux, ont contribué au bouillon de culture idéal pour légitimer une intervention des forces répressives une fois que les mesures moins explicites de la démocratie étaient épuisées.

La même chose peut se passer avec les squats et l’assimilation que l’État-ville fait d’eux. Dernièrement nous avons pu voir un article du Département de la Jeunesse de la Generalitat qui met en valeur le travail qu’on fait certains centres sociaux dans la revitalisation du tissu associatif de quartier, créant des réseaux et démocratisant la façade de la ville. Jusqu’à quel point le discours citoyenniste ne s’est pas vu perméabiliser par ceux qui (autant le voisinage que les athénées à leur origines ou l’associationnisme) lui ont apporté ?

Et un dernier point. Nous pensons qu’il est nécessaire de faire au moins une mise en garde au sujet des mouvements altermondialistes. Bien entendu l’hétérotopie qu’offrent ces mouvements nous aide à nous nourrir et nous renforcer dans la conviction qu’il y a d’autres façons de se mettre en rapport et de « faire » au delà du capitalisme, mais, et c’est là qu’est la mise en garde, nous n’avons qu’un monde, il n’y a pas d’autre monde possible, et celui-ci est celui que nous avons et c’est urgent, nécessaire, indispensable, de le changer. Je reviens au début, et je m’en remets à Bonanno lorsqu’il déclare, en parlant des prisons, que le fait de changer une institution, la transformer ou même l’abolir fait que le système cherche de nouvelles institutions pour remplir la fonction sociale attribuée à l’institution antérieure, et l’hégémonie du système étant ainsi de nouveau restituée (et parfois après la crise).

Pas besoin d’être une flèche pour se rendre compte que le discours altermondialiste est l’un de ceux assimilés le plus facilement par le système vu qu’il ne met pas l’accent sur la destruction du système dominant, et c’est pourquoi il sert le système, actuellement douloureux, pour devenir chaque fois plus attirant et obtenir ainsi que, petit à petit, nous nous rapprochions, si on ne fait rien, au bonheur que Huxley fait rechuter dans son monde heureux. À coup de Soma, de traitements thérapeutiques ou de notre petite (ou grande) contribution à l’élaboration de cellules isolées de vie, en fin de compte des petits ( ou grands) bastions thérapeutiques qui ne règlent pas le problème mais qui nous permettent de vivre avec. De cette façon on ne se rend pas compte de la facilité que c’est de tomber dans le piège de l’auto-satisfaction, dans le piège de chercher des actions palliatives qui nous aident à vivre avec notre aliénation, l’aliénation du contrôle total de nos vies.

Mars 2010

Terra Cremada

 

Pour une critique pratique

Au sujet de l’action réalisée devant l’université Uahc à Santiago le 23 septembre.

Dans un climat d’hostilité croissante, de persécution et de terreur médiatique, nous continuons de revendiquer la violence contre l’État et le capital !

Suite à l’explosion d’une bombe dans un couloir du centre commercial de la station du métro Escuela Militar les rêves de la presse et de l’État se sont concrétisés. Dorénavant ils vont pouvoir ouvertement dire que les attaques explosives ont aussi comme cible des gens lambdas et dans cette logique aiguiser encore leur pratique de répression contre les groupes et individus insurgés. La situation a été propice pour que les vautours dressent depuis leurs médias un climat d’insécurité et de terreur médiatique, la presse n’a pas traîné pour pointer du doigts la violence des groupes subversifs. Au sein des milieux anarchistes et anticapitalistes en général beaucoup de choses se sont dites au sujet des caractéristiques de l’explosion qui ne correspondaient pas à ce que font ceux qui attaquent les structures du pouvoir et que l’attaque pouvait être associée à certains secteurs de la police, des groupes d’extrême droite ou de certains soi-disant révolutionnaires qui n’auraient pas des objectifs très clairs. Aujourd’hui il y a trois personnes accusées d’être responsables qui sont détenues et un communiqué qui circule sur internet dont nous ne connaissons pas l’origine et qui revendique l’attaque.

Nous n’allons pas parler des accusés dans ce texte parce que tout d’abord nous ne voulons pas jouer aux juges, et ensuite parce que nous connaissons que trop bien les ruses de l’État et de la presse bourgeoise lorsqu’il s’agit de faire preuve d’efficacité et de contrôle dans la persécution d’un ennemi interne tout en profitant de ces situations pour justifier leur répression.

Sur les responsables et la motivation de l’attaque ça n’est toujours pas très clair pour nous, mais face au climat d’insécurité et de terreur que le pouvoir et ses médias veulent mettre en place notre réponse reste la même : nous continuons de nous diriger violemment contre le pouvoir pour l’intensification du conflit en sachant clairement qui est l’ennemi. Oui, en sachant clairement qui est l’ennemi, parce que nos ennemis sont ceux qui sont au pouvoir et leurs sbires armés prêts à assurer l’ordre, et nos attaque se dirigent contre eux. C’est pour ça que nous ne pouvons pas nous associer avec des attaques aveugles et irresponsables qui blessent des gens lambdas. Si nous comprenons bien le rôle que joue la passivité des citoyens dans la soumission et le maintient du pouvoir, nous ne pouvons mettre sur le même plan la responsabilité de l’esclave aliéné avec celle du puissant qui est le véritable responsable de l’exploitation et de l’aliénation qui en découle, sans laquelle cet ordre ne pourrait exister ni une minute de plus. Nous ne pouvons pas considérer valide une attaque contre l’autorité qui blesse des gens lambdas, et nous ne sommes pas indifférents à la souffrance, encore moins lorsqu’elle est utilisée pour favoriser le scénario d’une chasse aux sorcières de la part de l’État avec l’appui d’une partie croissante de citoyens qui croient maintenant être des cibles potentielles d’attaques.

Mais face à ce climat d’insécurité médiatisée pour les citoyens et d’hostilité répressive pour nous, nous faisons le choix de ne pas baisser la tête et nous ne nous démarquons pas de l’usage de la violence contre l’État, le capital et ses sbires. C’est même qu’on a revendiqué cette violence, une fois de plus, en sortant dans la rue et en dressant des barricades, distribuant des tracts et lisant à voix haute un communiqué qui explique à ceux qui nous observent la raison de notre action, pour ensuite affronter les flics (qui sont arrivés en tirant des balles en plomb et de loin parce qu’ils avaient la trouille avec les molotovs qu’ils ont reçu). Que ça soit clair pour le pouvoir que malgré la situation défavorable qu’ils peuvent créer nous n’abandonnerons pas l’usage de la violence contre l’autorité, contre l’État, contre le capital, et c’est probable que le combat de rue contre ses sbires n’est qu’un petit geste (et même répétitif), mais c’est pas pour autant qu’on abandonnera nos méthodes tandis que nous nous aventurons dans la découverte d’autres méthodes qui nous rapprochent toujours plus de l’ennemi. Ça n’est que question de réflexion, patience et pratique pour que l’on arrive à être face à face.

Nous lançons un appel à la réflexion et à la pratique.
Ne reculons pas face à un climat d’hostilité !

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